C’est une Municipalité lausannoise pour le moins empruntée qui a décidé, lundi, qu’elle autorisait Dieudonné à se produire par trois fois à Beaulieu en fin de semaine. « C’est la réalité, cette décision n’a pas été facile à prendre », confie le syndic, Daniel Brélaz, qui a assorti les représentations de La bête immonde de nombreuses conditions.

Ainsi, au moindre propos calomnieux, diffamatoire ou contraire aux normes antiracistes, l’organisateur devra annuler les soirées suivantes. « J’ai averti Dieudonné. Il sait exactement ce qui l’attend à Lausanne. Son spectacle sera plus édulcoré qu’en France », assure le promoteur de la tournée romande.

Dieudonné, qui s’empare d’un fusil factice et qui lâche : « Il n’a pas servi la semaine dernière », en allusion aux attentats qui ont eu lieu en France, c’est la scène qu’ont vécue 3 500 spectateurs réunis à Strasbourg samedi dernier. S’il réitère cette provocation à Lausanne, cela sera-t-il considéré comme un dérapage ? « J’espère bien qu’il ne va pas s’amuser à ça ! » réagit Daniel Brélaz. Reste que ce n’est pas le syndic qui devra en juger, lui qui, d’ailleurs, n’assistera à aucune des représentations du spectacle. « C’est exclu. Il n’y aura pas de représentant de la Municipalité non plus. »

« Répulsion et dégoût »

Dans la salle, deux inspecteurs de la police judiciaire seront aux aguets. « J’aimerais bien qu’un procureur soit présent, mais ce n’est pas certain », poursuit Daniel Brélaz. Les représentations de Dieudonné seront enregistrées. Enfin, les autorités rappellent qu’elles sont en mesure d’interrompre le spectacle en cas de troubles et d’atteintes à l’ordre et à la sécurité publique.

Consciente que la décision d’autoriser le spectacle de Dieudonné ne peut pas faire « l’unanimité », la Ville affirme son soutien et sa compréhension à la communauté juive, dont quatre membres ont été tués à Paris, « et qui estime que Dieudonné s’est solidarisé avec leur exécuteur ». « Nous partageons l’extraordinaire choc ressenti par le peuple français. Nous exprimons notre répulsion pour toutes thèses visant à minimiser les actes commis, à les excuser, à leur trouver des justifications ou à en atténuer la portée. » Des propos allant dans ce sens, même tenus lors d’un spectacle comique, entraîneraient chez elles un sentiment de « dégoût ».

La Communauté israélite de Lausanne et du canton de Vaud (CILV) fait part de ses inquiétudes par la voix de Pierre Ezri, président d’honneur : « Dieudonné n’est pas un humoriste, mais un politicien nauséabond, déjà condamné pour des propos antisémites très violents. Il y a 5 000 personnes qui ont payé le prix fort pour le voir. J’imagine leur mentalité. Pour certains, s’ils peuvent casser du juif, ils le feront. » Comme à Nyon en février dernier, un stand de sensibilisation sera installé devant Beaulieu. « Pour expliquer aux Lausannois quel genre de bonhomme il est. »

La Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) espère bien que des représentants de la Commune assisteront au spectacle. « Nous ne sommes pas favorables à une censure préalable, précise Antoine Reymond, président de la section vaudoise. Mais nous attendons des pouvoirs publics qu’ils soient vigilants et qu’ils prennent les mesures nécessaires si des propos tombant sous le coup de la loi devaient être tenus. » (TDG)