Avec une nouvelle baisse du poids des francophones, de 1,5 point de pourcentage en seulement cinq ans, et à 30,3 % de la population provinciale, les résultats du dernier recensement ne font que confirmer une certitude mathématique : la disparition prochaine du peuple acadien et la redéfinition de la carte du monde francophone, dont l’Acadie du Nouveau-Brunswick ne fera plus partie.
À cause d’une natalité catastrophique, d’un niveau important d’assimilation, d’un cruel déficit en immigration et de l’assimilation, à terme, d’une partie même de la descendance de cette immigration, la francophonie du Nouveau-Brunswick connaît le même processus d’extinction déjà observé en Louisiane. Cet État, où les francophones voyaient leur poids baisser continuellement, perdant localité après localité, jusqu’à ce qu’il ne reste plus aucun village francophone et donc plus aucune vie francophone.
Selon toute vraisemblance, la prochaine ville que les Acadiens perdront sera celle de Campbellton, où les francophones sont passés de 53,9 % à 52,3 % entre les deux derniers recensements. Devraient ensuite suivre, assez rapidement, les villes de Shediac et de Dieppe, où la francophonie s’est écroulée en passant respectivement de 72,2 % à 65,9 %, et de 72,7 % à 67,0 %. Comme en Louisiane ou au Manitoba, ces villes seront à leur tour suivies par toutes les autres localités francophones, jusqu’aux plus reculées d’entre elles.
Triste constat lorsque l’on pense aux terribles souffrances endurées par les ancêtres des Acadiens d’aujourd’hui, qui ont réussi par leur courage, leurs sacrifices et les hurlements des Acadiennes lors de leurs multiples accouchements, à redonner vie, espoir et avenir à leur peuple. Un peuple, qui n’avait plus qu’une présence insignifiante dans les Maritimes après ce qu’il convient plutôt d’appeler le « génocide » acadien, conformément à la définition désormais souvent retenue pour le terme, comme par l’ONU et les États-Unis pour décrire la récente tragédie, fort comparable, des Rohingyas de Birmanie (respectivement dans un rapport du 27 août 2018, et dans une déclaration du 21 mars dernier). Mais grâce à son courage, le peuple acadien réalisa une remontée fulgurante, passant à 15 % de la population du Nouveau-Brunswick en 1871, puis à 36 % en 1951, faisant même dire alors à certains que la province redeviendrait bientôt majoritairement francophone.
Ces souffrances et sacrifices n’auront donc, pour finir, servi à rien. Car le processus de disparition définitive du peuple acadien est désormais enclenché, et clairement entretenu par la majorité anglophone de la province qui n’acceptera évidemment jamais de lui fournir l’oxygène dont il a besoin, à savoir une immigration francophone suffisamment importante.
En effet, voilà déjà longtemps que les Acadiens sont loin d’atteindre leur objectif de 33 % d’immigration internationale francophone, et que leurs sont fournies des explications dont la non-sincérité ne fait aucun doute : si le gouvernement provincial le voulait vraiment, il pourrait même parvenir à une immigration presque entièrement francophone, tant la demande est importante, et en particulier au sein du monde francophone (dont la population vient de dépasser les 540 millions d’habitants). Et pourtant, il convient là de rappeler que même si cet objectif devait être atteint, cela n’interromprait nullement le processus de disparition du peuple acadien, qui a en réalité besoin d’une immigration internationale à plus de 40 % francophone, car devant tenir compte de l’assimilation, voire environ 50 % francophone, en tenant compte de l’immigration interprovinciale grandissante. Ce que la majorité anglophone n’acceptera jamais.
Ce refus systématique et injustifié d’accorder aux Acadiens ne serait-ce que le modeste niveau d’immigration qu’ils réclament, démontre bien le caractère planifié de leur extinction. Pourtant, force est de constater qu’ils se caractérisent par la mollesse de leurs réactions et une quasi-absence d’émotion.
Nul ou presque ne semble mesurer la gravité de la situation, alors que leur disparition est une certitude, faute de natalité suffisante et à cause d’une immigration qui sera toujours elle aussi insuffisante. Si les Acadiens peuvent continuer à être, probablement, le plus sympathique des peuples du monde francophone, il est temps qu’ils cessent d’en être peut-être le plus naïf…
La seule solution est donc la natalité, d’autant plus que la baisse continue et généralisée du poids des francophones rend de moins en moins possible la création d’une province acadienne. L’abandon de cette idée a sûrement été la plus grave erreur commise par les Acadiens, qui se sont ainsi condamnés à leur propre disparition, faute de frontières protectrices leur permettant, notamment, le luxe d’avoir une faible natalité. En d’autres termes, ils se sont condamnés ad vitam æternam à devoir afficher une assez forte fécondité salvatrice.
Désormais, la question de la natalité devrait être quasiment la seule et unique des préoccupations des Acadiens. À défaut, ils doivent cesser de perdre leur temps et leur énergie à demander l’impossible, comme une immigration à hauteur de leurs besoins, ou à réclamer d’inutiles lois et droits linguistiques, qui seront enterrés dans quelques années au fur et à mesure de leur extinction.
Avec la baisse continue du poids des francophones, faute de territoire où ils fixeraient les règles du jeu, tout effort accompli dans ces domaines n’est que gaspillage d’énergie et d’argent public. Seul un sursaut de la natalité peut assurer un avenir aux Acadiens (en maintenant leur présence et la possibilité de création d’une province acadienne), et de faire faire des cauchemars en plein sommeil à ceux qui veulent les voir disparaître.
Une étude réalisée en 2017 démontrait que les francophones devaient atteindre un taux de fécondité d’environ 2,7 enfants par femme, soit le double du niveau actuel, afin de pouvoir combler les déficits causés par l’assimilation et l’immigration. Avec la hausse récente de l’immigration, le taux requis peut aujourd’hui être estimé à trois enfants, un niveau que l’on rencontre dans des pays assez développés comme l’Algérie et l’Égypte (qui concentre 103 millions d’habitants sur un territoire, hors Sahara, inférieur à celui du Nouveau-Brunswick, qui reste donc à peupler…).
Ainsi, il ne faut nullement dramatiser le sujet, notamment car il n’est plus nécessaire d’avoir autant d’enfants que par le passé, compte tenu de la baisse de la natalité côté anglophone. Désormais, une moyenne de trois enfants suffit à atteindre la même efficacité qu’une moyenne de cinq à six enfants auparavant. 3 = 6, voilà l’équation magique que devraient retenir tous les Acadiens.
La natalité est avant tout une question de mentalité, d’état d’esprit, et non de moyens. Et un peuple sans enfants, et dépourvu de frontières protectrices, n’a absolument aucun avenir. Ceci est une constante historique et éternelle.
Les Acadiens n’ayant réussi à survivre au premier génocide que grâce à leur forte natalité, ils ne survivront donc guère à cette sorte de second génocide, lent et silencieux.
Si rien ne change, la disparition du peuple acadien est une certitude. La génération actuelle d’Acadiens sera la fossoyeuse des réalisations et exploits des ancêtres, et entrera dans l’histoire comme la responsable de la disparition du peuple acadien, du rétrécissement de la francophonie mondiale et de la victoire totale et posthume des génocidaires britanniques du milieu du XVIIIe siècle.
Quelques éléments cartographiques pour compléter le propos : situer le Nouveau-Brunswick au Canada ; la carte de la densité de population au Nouveau-Brunswick ; et enfin la pratique quotidienne du français dans la province. (Source : Wikipédia)