Le processus de prise du pouvoir a été étudié depuis des lustres. Machiavel a expliqué comment le conserver, mais pas comment le prendre. De ce côté, il y a les révolutions de palais, les coups d’État, c’est-à-dire les changements venus d’en haut. Par exemple le remplacement de Jean-Marc Ayrault par Manuel Valls en février-mars 2014 à l’occasion d’un spectacle de Dieudonné. Un changement apparemment sans douleur pour le peuple.
Mais il y a aussi les révolutions, qui partent vraiment du bas. Elles sont rares, car les pauvres, même organisés, font face à un système impitoyable. C’est la prise de pouvoir la plus dure mais la plus sûre. Et il faut bien distinguer la révolution venue d’en bas de la révolution manipulée par le haut. Dans la première catégorie, incontestablement, la Révolution chinoise. Dans l’autre, les révolutions française et russe.
Récemment est apparu le concept très explicatif de pouvoir profond ou d’État profond. Il éclaire et obscurcit à la fois le processus de prise ou de perte de pouvoir à l’intérieur d’un État. Car si on peut dire avec Guyénot que l’État profond US a repris le pouvoir à JFK à la fin du mois de novembre 1963, il ne l’a pas totalement tenu ou conservé, malgré le second coup du 11 Septembre.
Inversement, l’accession de Donald Trump aux commandes des États-Unis fin 2016 est freinée voire bloquée par les forces souterraines, qui apparaissent parfois à la surface des événements. Le pouvoir est partagé et cette lutte interne aboutit à un statu quo ou un pacte de non-agression plus ou moins secret qui délimite les prérogatives. Illustration – provisoire – avec un Trump qui laisse les clés de la politique extérieure aux néoconservateurs et qui a le champ relativement libre pour sa politique économique à l’intérieur.
Complexe est le jeu des forces dans un État moderne : ceux qui participent directement au pouvoir sont parfois tenus par ceux qui en semblent éloignés. On en voit un exemple avec l’État profond français et les lobbies puissants qui l’influencent ou le constituent, tout simplement. Pas besoin de participer, il suffit de gagner.
Dans cet extrait du livre Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait d’Anne Fulda, journaliste du Figaro qui a été proche de Nicolas Sarkozy (président atlanto-sioniste de la France de 2007 à 2012), on soulève le voile sur la fabrication d’un champion par les forces souterraines de l’Influence. Après, que ce soit dit relève d’une irrésistible vanité ou du péché d’orgueil.
Dans cette vidéo éditée par des communistes maoïstes français, on assiste à un processus de prise de pouvoir à l’ancienne, c’est-à-dire avec des hommes en armes contre une armée officielle. Aujourd’hui, à moins de faire simplement changer l’armée de camp pour la faire passer de celui du pouvoir à celui du contre-pouvoir, ce processus long et sanglant fait place à une guerre informationnelle, celle qui a justement lieu sur l’Internet. Il s’agit de gagner les têtes. Chaque esprit conservé par le Pouvoir ou gagné par le contre-pouvoir constitue une recrue pour l’armée en question.
La bataille des idées est donc prépondérante. Ensuite, la victoire idéologique peut être validée par un acte démocratique (élection, référendum), ce qui en fait une prise de pouvoir officielle et inattaquable. C’est le cas, quoi qu’on en dise, avec l’accession d’Hitler au poste de chancelier en 1933. Après avoir gagné la bataille des idées, non sans escarmouches dans la rue (la guérilla à Hambourg entre communistes et nationalistes ne sera pas une sinécure), il n’est pas besoin de pratiquer le coup d’État violent.
- Bactéries ennemies
Le champ de bataille s’est donc déplacé de la Terre – cet espace réel – aux médias, espace virtuel. Voilà pourquoi le combat entre pro et anti est si furieux, par exemple dans notre France de 2017, qui assiste à sa campagne la plus dure depuis des décennies. Il faut remonter aux années 30, effectivement, pour voir des affrontements aussi ouverts entre tendances aussi radicalement opposées. Pour l’instant, cela reste au niveau de l’invective. Et cela pourrait le rester. Le vainqueur est celui qui impose sa parole. Les mots sont une arme, dont on a le droit de se servir. Pas pour tuer l’Autre, mais ses idées. Une idée peut être « tuée » par une autre idée si elle est dépassée, inopérante. Ce sont les idées plus grandes, plus englobantes (elles englobent les idées ennemies), qui finissent toujours par gagner.