D’accord, les échelles et la complexité diffèrent, mais dans leurs principes, grand jeu géopolitique et business de rue sont identiques. Démonstration avec la tournée de Donald Trump au Moyen-Orient. N’oublions jamais que Donald est un businessman avant d’être un politique...
- Donald & Daisy arrivent chez les rois du pétrole (et de la pétoche)
Dans sa première tournée mondiale, Donald va visiter trois pays, ou trois pseudo-pays : l’Arabie saoudite, Israël et le Vatican. Il a commencé par Ryad, poursuivi par Jérusalem, la capitale de la Palestine en voie d’être volée par l’occupant, et finira par le Vatican, où ce chrétien rencontrera le pape.
Toutes les caméras épient le moindre geste du président, et déjà, le refus de Melania de toucher sa main a fait le tour du monde. Du genre y a du rififi dans le couple présidentiel. Les journaux sérieux ont eux titré sur l’énorme contrat d’armement signé avec l’Arabie, qui porte sur 98 milliards d’euros de matos militaire, soit 110 milliards de dollars. En tout, le contrat porte sur 10 ans et 380 milliards de dollars.
Écoutons un responsable de la Maison-Blanche :
« Le président et le secrétaire d’État Tillerson vont assister à une cérémonie de signature de près de 110 milliards de dollars » d’accords militaires. Ces accords visent à « soutenir à long terme la sécurité de l’Arabie saoudite et de la région du Golfe face aux menaces de l’Iran »
L’Amérique ou le chantage permanent
C’est là où toute la rouerie américaine éclate au grand jour. Chacun sait que l’Arabie saoudite sans le parapluie américain ne tiendrait pas une minute face à la menace intérieure et à la menace extérieure. À l’intérieur, les princes parasites n’ont aucune autre légitimité que leur nom de naissance et la dureté de la police politique. À l’extérieur, le pays s’enlise dans une guerre épuisante au Yémen contre les Houthis (on n’a pas écrit « rebelles »). Malgré la maîtrise des airs, les Saoudiens se font éclater au sol, et c’est au sol que tout se joue, demandez aux armées qui encerclent Mossoul.
À l’opposé de sa politique de conciliation internationale et de non-interventionnisme, Trump annonce soudainement depuis quelques jours que l’Iran est à nouveau le Grand Satan, alors que l’Amérique cherche à remettre le pied commercial dans ce pays de bientôt 100 millions d’habitants avec un énorme besoin d’équipement et un non moins énorme désir de biens de consommation. En 38 ans, depuis 1979, les mollhas n’ont quand même pas écrasé toutes les aspirations de la jeunesse. Une jeunesse qui en a marre des guerres, et qui a envie de vivre, de profiter. Ce sont les jeunes qui par exemple ont réélu Rohani à la tête de l’État. Car il leur a justement promis une ouverture au monde et la paix, la chose la plus précieuse, qui fait voir l’avenir avec confiance. Ça a l’air con vu de chez nous, mais c’est essentiel pour de nombreux pays.
Les démographes le savent : la population iranienne est de plus en plus urbaine et éduquée. Près de 20% des femmes et des hommes possèdent un diplôme universitaire, les jeunes filles formant 60% des effectifs étudiants. Et attention, les moins de 30 ans sont 55% de la population. Les chiffres datent de 2012 mais en matière démographique, on raisonne en décennies plutôt qu’en années. L’âge moyen des Iraniens, tous sexes confondus, est de 28 ans.
Après cette parenthèse qui ne déplairait pas à Emmanuel Todd, revenons sur les techniques de vente de Donald. Avant d’arriver à Ryad, le 45e président des USA a bien pris soin de relancer la guerre des mots avec l’Iran. Il a grossi le danger iranien, alors que les Américains ne pensent qu’à faire du fric avec l’Iran. C’est pour cela qu’ils retiennent Israël de pratiquer leurs bombardements « préventifs » sur un pays qui n’a jamais attaqué les autres. Iran Grand Satan, oui, mais pas jusqu’à détruire le tiroir-caisse. Et puis une tension permanente gérable dans le Golfe c’est autant de gagné en ventes d’armes.
Tant qu’il y aura du pétrole en Arabie...
On peut donc imaginer que Donald a foutu la trouille aux Saoudiens, dont les responsables n’ont pas un avenir franchement rose (profitez, avant la punition divine de la fin de l’or noir, cette drogue des économies occidentales), histoire de leur soutirer un max de pognon. Cela s’appelle du racket, et rappelle les techniques de vente de came dans la rue : en mettant la pression sur l’acheteur avec la peur du gendarme, on peut arriver à vendre de la merde à des cons. C’est ce qui vient de se passer, à une échelle simplement supérieure.
Second coup dans le coup, les Américains se débarrassent de leur armement dépassé (mais pas inutilisable, les Saoudiens ne sont pas si cons), pour faire place nette à un armement dernier cri pour leur propre armée, ce qui leur laisse l’avantage technologique, si important aujourd’hui. On revend ce qui ne sert plus, ou moins. Vous croyez que les dealers vendent leur meilleure came dans la rue ? C’est pourquoi les Américains vendent de l’armement coupé... avec de la vétusté. Les femmes connaissent très bien ce système, qui s’appelle les soldes.
Conclusion : Donald n’a pas intérêt à ce que Bibi bombarde l’Iran (Israël n’y survivrait pas à terme), mais il garde ainsi un moyen de pression, il a intérêt à ce que Salmane fasse dans son froc devant un Rohani « nucléarisé » qui ne pense qu’à faire des affaires, au plus grand bonheur des nations occidentales qui ont besoin de relancer leur industrie nationale. Bref, Donald réarme pour garder l’avantage militaire mais surtout pour booster l’économie de son pays, exactement comme Adolf en 1936, à ceci près que Donald ne va peut-être pas commettre l’erreur de s’en prendre à Vladimir...