Quels contrepouvoirs pouvons-nous constituer aujourd’hui ? Comment défendre nos intérêts, lorsque pour nous faire entendre il ne reste qu’un bout de papier… Même l’abstention est décrite comme une absence de civisme, une porte ouverte aux fascisme d’Etat, piétinant au passage toute revendication citoyenne légitime. Et ne parlons pas du vote blanc…
Finalement, la démocratie ne tient plus qu’à un fil, celui de la sublimation par des médias complices du droit de vote comme preuve irréfutable du pouvoir au peuple, exaltant la forme pour nous endormir sur le fond. Et puis comment les médias peuvent-ils être subversifs lorsque les analyses proposées ne doivent en rien heurter les projets du patron, soit un Dassault ou un Lagardère…ou un Rothschild.
Peu à peu, tous les vecteurs de contestation réels et effectifs ont été retirés au peuple, banalisant et instaurant son impuissance. Suite aux évènements de 68 les rues ont été bétonnées. Les préavis de grève se posent un mois à l’avance. Les manifestations des Indignés sont trop polies, pas une parole plus haute que l’autre, on adopte un langage silencieux, point d’émulation, ni de ferveur, on s’indigne en silence. Pour exister, tout mouvement doit être validé par une instance supérieure… et ne surtout pas troubler l’ordre public, alors que la crise aggravée bouleversera, elle, le pays tout entier.
Reste un même espoir qui renaît tous les cinq ans, comme l’hydre de Lerne. Désabusé mais docile, l’électeur qui ne croit même plus en l’homme providentiel, se satisfait alors de l’illusion du moins pire…
Les moyens sont alors bien dérisoires face à la violence du système. La masse s’indigne mais surtout renonce, tel un éléphant dépressif sans défenses. Il n’en est pas moins un grand animal… En effet, notre nombre constitue notre force en puissance, car la colère monte dans l’agora à mesure que les inégalités deviennent criantes.
Mais pour l’heure, la masse morcelée, communautarisée, reste omnibulée par le seul modèle de réussite proposé : l’accomplissement individuel. Mais l’individualisme a ceci de pervers qu’il conduit l’homme à chercher la cause de sa réussite comme de son mal-être dans le giron psychologique et particulier, alors que les causes relèvent bien de son inscription dans la sphère sociale du politico-économique. Cependant, ce système inégalitaire prospère sur ces frustrations, qui seront bientôt évincées de manière fugace par l’acte d’achat.
Plus besoin de contrainte par la force aujourd’hui, affaiblis et divisés, nous consentons de nous-mêmes à ce qui va contre nos intérêts. Il s’agit bien là de méthodes d’un genre nouveau, celles d’une dictature soft, insidieuse et évoluée.