Deux Sherlock Holmes de haut vol ont fait une découverte : ce serait à cause de la colonisation française que l’actuelle Tunisie réprimerait l’homosexualité. C’est donc un terrible legs colonial dont doit se défaire ce pays anciennement si tolérant.
Car n’en doutons pas, c’est l’Europe occidentale qui a perverti le monde, en altérant sa tolérance naturelle envers l’autre, envers toutes les différences. Et si certains pays, à l’instar de la Tunisie, semblent encore trop peu tolérants, c’est qu’ils ne se sont pas encore totalement départis de l’héritage colonial, qui a gangréné les esprits sur tant de générations que soixante-trois ans après l’indépendance, on en est encore à parler du code pénal de 1911 (comprenez qu’un code pénal est un puissant outil anthropologique). Peut-être même – qui sait ? – la France influe-t-elle encore sur les lois tunisiennes, dans un néocolonialisme moralisateur à la grand-papa. Du coup, le déferlement migratoire sur l’Europe pourrait aider les Européens à enfin accéder à ce qui semble tant leur faire défaut et qui fut si présent de par le monde : l’acceptation de l’autre. Accéder à l’Humanité, en somme. On le voit, tout est dans tout. Saluons donc la naissance de cette nouvelle école historique, l’école des Anales, qui s’intéresse au fondement de toutes choses.
Deux activistes ont enquêté sur l’origine de l’article du code pénal criminalisant l’homosexualité en Tunisie. Et révèlent comment la France en est en réalité à l’origine.
En 2015, deux affaires ébranlent la Tunisie. La première concerne un jeune homme, Marwan, 22 ans, condamné à un an de prison pour pratique de la sodomie. Pour seule preuve ? Un test anal réalisé après que la police a retrouvé son numéro dans le téléphone d’une victime de meurtre. La deuxième est connue sous le nom des « Six de Kairouan ». Là encore, que des hommes, âgés entre 18 et 21 ans, condamnés à trois ans de prison suivis de cinq ans de bannissement de Kairouan pour sodomie. La base des accusations ? Des robes retrouvées dans leur appartement, des préservatifs et du porno gay. Un test anal servira aussi de preuve. Tous ces jugements ont été prononcés sur la base de l’article 230 du Code pénal tunisien qui condamne à trois ans de prison maximum les personnes rendues coupables de « sodomie » (selon la version française), ou d’« homosexualité » (selon la version arabe). Suite à cette vague d’arrestations dans une Tunisie post-révolution, Ramy Khouili, activiste des droits humains tunisien, travaillant pour l’ONG des droits humains Euromed, et Daniel Levine Spound, alors étudiant en droit américain et stagiaire de Ramy, décident d’enquêter sur l’origine de l’article 230 pour mieux le contrer et donner des arguments aux militants abolitionnistes. Après des années de recherche et d’enquête sur cette loi floue et confuse, ils publient en mars 2019 Une Histoire de la criminalisation de l’homosexualité en Tunisie, consultable sur le site article230.com. Ils l’affirment aujourd’hui : la France a activement participé à l’élaboration de l’article 230.
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« J’ai passé des heures à étudier le brouillon de la première version du code pénal tunisien datant de 1911 (quand la Tunisie était un protectorat français, ndlr). […] »
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« J’ai relu toutes les pages, et soudain, j’ai trouvé le mot "sodomie" écrit à la main dans le chapitre dédié aux mœurs. »
« La criminalisation de l’homosexualité était à l’origine une note manuscrite, sans référence juridique claire, dans la marge du Code pénal. L’année suivante, cette note est devenue un article à part entière, qui n’a presque pas été modifié pour la version finale de 1913. »
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« […] Nous savons que la commission pénale chargée de la rédaction était "mixte", composée de six membres français et deux Tunisiens et que les Français avaient la main sur les décisions finales. Ce qui est aussi étrange, c’est qu’il n’y avait pas de loi condamnant l’homosexualité avant l’article 230, et que la France l’avait déjà dépénalisée de son côté. Pourquoi l’avoir ajoutée à ce moment-là ? »
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« Avec cette recherche, nous militons pour les droits des personnes LGBT+. S’il est clair que l’article 230 est apparu durant l’époque coloniale, la Tunisie est redevenue indépendante en 1956. Il n’y a donc plus aucune raison de le conserver. »
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