L’avènement d’Internet et les multiples sollicitations de notre attention qui l’accompagnent sont en train de modifier profondément la pensée humaine. Ce constat, posé déjà par bien des observateurs de l’intelligence et de son fonctionnement, a été confirmé lors d’une étude menée par Microsoft en 2015, selon laquelle le recours fréquent aux écrans et aux Smartphones a eu pour résultat de réduire considérablement la durée d’attention moyenne.
En 2000, une étude semblable l’évaluait à 12 secondes ; 15 ans plus tard, elle était tombée à huit secondes seulement. C’est moins bien que le poisson rouge qui plafonne à neuf secondes… Philippe Vernier, chercheur au CNRS, vient de commenter ce fait pour le site Atlantico. Le cerveau connecté, sollicité par de multiples informations, n’arrive plus à se concentrer.
Prudent quant aux résultats d’une enquête qui ne s’est pas voulue scientifique, Philippe Vernier en accepte tout de même la conclusion générale en ce sens qu’« il est certain que le fait d’être exposé à des changements d’attention rapides et fréquents est une source de diminution d’attention ».
Philippe Vernier confirme la chute de la durée moyenne d’attention
Spécialiste des neurosciences, il reconnaît qu’il s’agit là d’une « régression ». Il affirme dans son entretien que le fait de disperser son attention entre plusieurs tâches ou plusieurs sollicitations a nécessairement pour résultat de diminuer la qualité d’attention que l’on accorde à chacune, même s’il est possible selon lui de s’entraîner à ce nouveau mode de fonctionnement cérébral. Et de recommander, notamment pour les métiers où l’attention et la concentration sont primordiales, de couper son téléphone et de se réhabituer à prendre son temps. Car le zapping, souligne-t-il, est « addictif » : l’esprit humain apprécie la nouveauté et a donc tendance à la rechercher de plus en plus.
Mais lorsque Philippe Vernier recommande de « remplacer la satisfaction du zapping par celle de la compréhension de sujets approfondis », la vraie question – et il n’y répond pas – est de savoir si c’est encore possible pour des esprits biberonnés aux sollicitations cognitives incessantes et sans lien entre elles, ou à tout le moins, s’ils peuvent y arriver seuls.
Quid de ces jeunes qui sont nés avec un téléphone dans la main, et à qui on impose qui plus est de travailler sur l’écran de l’école, à partir de méthodes globales qui inhibent la parole et l’analyse, comme le font – et de plus en plus – les programmes les plus récents de l’Éducation nationale ?