Certains chefs de diplomatie s’en vont (heureusement) – Alain Juppé – d’autres restent en place (heureusement) : ainsi Sergueï Lavrov qui aujourd’hui sous la présidence de Poutine comme hier sous celle de Medvedev maintient la ligne, les analyses et le franc-parler de l’administration russe quant à la Syrie.
Ainsi mercredi 23 mai, il tenait conférence de presse à Moscou, et en a profité pour remettre, à la lumière des derniers développements, un certain nombre de points sur un certain nombre de « i ». Au détriment de l’opposition et des pays qui la soutiennent, accusés par Lavrov de vouloir faire échouer le plan de paix de Kofi Annan et de l’ONU. Le ministre a clairement désigné les groupes armés et les pays qui les financent – suivez son regard en direction du Golfe – qui sabotent à coup d’assassinats et d’attaques le cessez-le-feu théoriquement en vigueur depuis presque un mois et demi.
« Tout ceci constitue une violation flagrante des résolutions du Conseil de sécurité qui a totalement approuvé ce plan stipulant l’arrêt immédiat de la violence non pas seulement de la part du gouvernement mais aussi de la part de toutes les factions de l’opposition, dont bien sûr l’opposition armée » a ponctué Lavrov. Un énième rappel d’évidences, une nouvelle fois rendu nécessaire par l’autisme volontaire de certains gouvernements occidentaux, dont certains appuient théoriquement, eux aussi, le plan de paix. « On ne peut jeter la pierre à un seul camp » insiste S. Lavrov à l’intention de ceux dont il remarque qu’ils exigent du gouvernement syrien qu’il exécute immédiatement les dispositions du plan Annan alors qu’ils excusent, nient ou carrément encouragent et subventionnent les provocations sanglantes de l’opposition.
Justement, probablement à l’intention de cette opposition, ou de sa tendance dite la plus représentative, le chef de la diplomatie russe a lancé un appel à exprimer clairement ce qu’elle veut, à arrêter enfin la violence et à débuter un vrai dialogue politique avec le pouvoir, c’est-à-dire à donner enfin une chance au plan de paix de l’ONU, de la Ligue arabe et de Kofi Annan. Et Lavrov de demander, en faux ingénu, si certains opposants n’avaient pas, par hasard, un plan secret, très différent de celui d’Annan, et qui consisterait à changer de régime par tous les moyens, même illégaux… La question mérite d’être posée, en effet…
Dans le même temps, le second de Lavrov, le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov, par ailleurs envoyé spécial du président russe au Proche-Orient, a accusé nommément le CNS de fuir tout ce qui pourrait conduire à une application du plan Annan.
Sergueï Lavrov a aussi exprimé l’inquiétude quant à la possibilité de voir le conflit syrien s’inviter au Liban. À ce sujet l’ambassadeur de Moscou à Byrouth, Alexandre Zasypkin, s’est déclaré, à l’issue d’entretiens avec des responsables libanais, satisfait des mesures adoptées par l’armée libanaise pour lutter contre le trafic d’armes en direction de la Syrie. À noter que quelques jours plus tôt, le 10 mai, M.Zasypkin avait exhorté l’opposition syrienne à « couper toute relation avec les groupes armés« . Le genre de prière qu’on formule à haute voix pour mieux les voir tomber dans des oreilles de sourds !
Plus que jamais, l’administration russe, qui est là a priori pour un certain temps, montre le nord aux diplomates du monde entier comme aux protagonistes de la crise syrienne. Les cheveux d’Alain Juppé sont tombés bien avant lui, mais ceux d’Hillary Clinton n’ont pas fini de se dresser – et de blanchir !