Durant ces interminables années de brouillard et d’enfer qu’a traversées la Syrie, qu’aurait été la vie sans l’espoir ? Pensons ici d’abord au peuple syrien martyrisé et exposé à un ethnocide, à son armée nationale qui aura payé un si lourd tribut à l’agression barbare lancée par le groupe de ses « amis », et aux responsables qui face à la « communauté internationale » ont dû porter à bout de bras l’État visé par un politicide…
On pensera aussi aux amis, défenseurs et partisans de la Syrie légale, tous ceux qui aimaient cette société plurielle, tolérante, aimable et hautement civilisée, et craignaient qu’elle ne disparaisse à jamais.
Certes, la flamme ne s’est jamais éteinte, mais il était permis aux plus optimistes de s’interroger parfois ou de douter de l’avenir face aux assauts d’une coalition islamo-israélo-occidentale abreuvée de centaines de milliards de pétrodollars et puisant ses combattants dans un vivier inépuisable de mercenaires venus de cent horizons. La Syrie tiendrait-elle, face à la meute féroce des puissances impériales – grandes, petites ou moyennes – de « l’Axe du Bien », contre la horde sauvage des djihadistes démocrates, des terroristes modérés, des révolutionnaires en peau de lapin ? Résisterait-elle aux cohortes de déserteurs, de transfuges qui se donnaient rendez-vous au sein d’une « armée libre » téléguidée par ses pires ennemis, aux ordres et à la botte des islamistes et de leurs parrains, faisant la roue pour séduire le ci-devant « ennemi sioniste » ?
Comme tous les pays plongés dans des situations troubles, la Syrie a connu la fatalité des infidélités, des lâchetés, des compromissions, des corruptions petites ou grandes, mais son peuple, au sens noble du terme, a résisté vigoureusement, ses institutions sont restées debout et ses gouvernants ont tenu bon. Grâce à sa résilience étonnante, l’État syrien s’est fait des alliés solides qu’il a su fidéliser : la Russie et la Chine d’une part, l’Iran, le Hezbollah et ses alliés d’autre part. Une réalité qui allait interdire la répétition au « Pays de Cham » d’un scénario irakien, libyen ou yéménite.
Néanmoins, les « grandes démocraties » ne pouvaient que rester aveugles et sourdes à ces réalités dérangeantes et déplaisantes, la Syrie étant depuis la fin de la guerre froide un pays à détruire et à abattre. Les élites désormais acquises au néoconservatisme n’ont rien trouvé de mieux que de soumettre les « opinions » à un tapage médiatique sans précédent allant de pair avec une omerta sans faille et un lavage de cervelle ahurissant. En brèves de comptoir de « sciences-po » ou de « France désinfo », la doxa occidentale sur le conflit de Syrie s’est trouvée résumée dans une ou deux sentences lapidaires, symboles assez désolants de la subtilité réduite de nos dirigeants, de nos analystes et de nos penseurs, expressions de l’arrogance indécrottable des Occidentaux. « Bachar doit partir », « Pas de place pour Bachar dans l’avenir de la Syrie »…
C’est alors qu’intervient la « malédiction syrienne » qui aura sanctionné les décideurs, les faiseurs d’opinion, tous ceux qui avaient perdu une occasion de se taire. La liste est longue de ces imprécateurs qui expédiaient avec morgue Bachar Al-Assad à La Haye, à Moscou, à six pieds sous terre, ou ailleurs, et qui concoctaient des plans sur la comète Syrie, en écrivant un avenir qu’ils ne verraient jamais. Combien ont répété la rengaine comme des perroquets des années durant avant d’être expédiés par les électeurs, par la providence ou par la justice immanente vers les poubelles ou les oubliettes de l’Histoire. Exit donc les innombrables bouffons et imposteurs « amis de la Syrie ».