Nous venons de parler du Conseil de sécurité, qui vient donc d’adopter une « déclaration présidentielle » recommandant instamment aux deux camps syriens de se conformer rapidement aux exigences du plan de paix soutenu par l’ONU et la Ligue arabe, et porté par Kofi Annan.
Face à la ferme résistance de Moscou et de Pékin, le Conseil a dû mettre pas mal d’eau dans son vin, et passer des ultimatums au gouvernement syrien aux demandes. Aujourd’hui, on l’a vu, le dernier texte adopté par le Conseil de sécurité demande l’arrêt des violences aussi bien à l’opposition qu’au gouvernement.
Le Conseil condamne les attentats de Damas et d’Alep
Autre évolution positive, même si l’on peut penser que c’est le minimum en la circonstance, le Conseil de sécurité a vivement condamné les attentats terroristes qui avaient frappé Damas et Alep les 17 et 18 de ce mois faisant des dizaines de morts et de blessés, dans un communiqué de presse, dont le texte avait été proposé par la Russie.
Ainsi, les 15 Etats membres du Conseil présentent leurs condoléances aux familles des victimes « de ces actes odieux », souligne le communiqué de presse. Mais, au-delà, les membres du Conseil de sécurité ont réaffirmé que le terrorisme dans tous ses aspects et ses formes constitue l’une des menaces les plus dangereuses pour la paix et la sécurité internationales et que tout acte terroriste doit être considéré comme un crime injustifiable quel que soit ses objectifs, et la partie qui l’a perpétré.
Les membres du Conseil réitèrent donc leur détermination à lutter contre toutes les formes de terrorisme selon le cadre fixé par la charte onusienne.
Comment les Russes voient le texte adopté par le Conseil de sécurité
Dans le même temps, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a salué l’attitude des puissances occidentales « qui avaient finalement cessé de proférer des menaces et de chercher à résoudre le problème en Syrie en incombant au seul gouvernement syrien la responsabilité de ce qui se passe sans jamais mentionner l’existence des groupes armés ». Il s’agissait pour lui de commenter l’adoption par les 15 membres du Conseil de sécurité de la déclaration présidentielle d’origine française, et exigeant du gouvernement syrien et de de l’opposition un appui immédiat et entier à la mission de paix de Kofi Annan.
Revenant sur les les projets de résolution du Conseil de sécurité auxquels la Russie avait opposé son veto, Sergueï Lavrov a fait remarquer que la Russie avait, par cette attitude, défendu le Conseil de sécurité lui-même et non pas le gouvernement syrien : « Le Conseil de sécurité ne devrait pas prendre de résolutions irréalistes », a résumé Lavrov. Et, à propos du texte voté par le Conseil mercredi soir, le chef de la diplomatie russe avait préalablement annoncé à Berlin que ce texte non contraignant du Conseil de sécurité n’incluait ni d’ultimatums ni signaux hostiles à destination de Bachar al-Assad et de son gouvernement.
Poutine : le président Bachar al-Assad s’intéresse à ses concitoyens
De son côté, le délégué permanent russe auprès des Nations-Unies, Vitali Tchourkine, a affirmé que la position de son pays à l’égard de la Syrie n’avait pas changé, expliquant que cette position reflète la conception et la compréhension par la Russie de l’impératif de stopper toutes les formes de violence et d’obtenir l’adhésion de toutes les parties au dialogue.
Citant Tchourkine, l’agence russe Itar-Tass écrit que « les pourparlers du groupe d’experts envoyé par Kofi Annan à Damas pour discuter du mécanisme d’observation du cessez-le feu se déroulent d’une manière très satisfaisante. La Russie est en contact permanent et très étroit avec Annan ».
Et, histoire de rappeler à ses partenaire occidentaux que la Russie, dans le dossier syrien, n’oubliait rien et n’était dupe de rien, le délégué russe a aussi exprimé son inquiétude quant au trafic d’armes vers la Syrie, soulignant que cette question ne facilitait pas la réussite de la mission de l’envoyé onusien en Syrie.
Enfin, citons cette dernière réaction politique russe, émanant cette fois du sommet de l’Etat : le porte-parole du président Vladimir Poutine, Dimitri Piskov, a fait cette énième précision quant aux responsabilités à établir dans la dégradation de la situation en Syrie. S’exprimant au micro de la BBC, Piskov a ainsi déclaré : « Nous ne pouvons débattre d’un acte de violence, commis par l’une des partie du conflit intérieur syrien, tout en ignorant les actes de l’autre partie en conflit ; au contraire, nous devons prendre une position équilibrée, sans oublier que le président al-Assad s’intéresse à ses concitoyens et donc assume sa responsabilité de garantir l’ordre public en Syrie« .
A entendre ces différents responsables russes, dont le plus élevé, on a l’impression que tout ce qu’ont pu dire les politiques et diplomates américains, britanniques, français, turcs ou qataris depuis des mois a été comme balayé par le vent de l’Histoire, et la montée en puissance à l’ONU de l’axe russo-chinois.
Aujourd’hui, la direction russe impose tranquillement aux Occidentaux son analyse de la situation syrienne, sur les violences de l’opposition mais aussi sur la légitimité de Bachar al-Assad. Elle amène ses adversaires sur son terrain, et apparaitrait presque comme le vrai parrain de la mission Annan à Damas. Oui, le rapport de forces s’est inversé au point que c’est Moscou qui peut faire accepter par Damas certaines des mesures réclamées, avec beaucoup d’arrogance naguère, par le front international anti-Bachar.
Alors qu’Erdogan, Ben Jassem al-Thani et Juppé en sont réduits aux déclarations aussi fielleuses qu’impuissantes, Poutine impose ses analyses, voire son agenda de négociation. Il pourra y avoir des frictions entre Moscou et Damas, il n’y aura pas de rupture, car Damas et Moscou ont gagné ensemble cette longue et dramatique partie diplomatique, sauf imprévu ou provocation d’ampleur.