En Europe Centrale et de l’Est, on entend souvent parler de l’Ukraine, de la Pologne, des Pays baltes même, mais peu de la République tchèque, pays de 10 millions d’habitants. Prague, qui connut un bouillonnement, intellectuel, culturel, politique… au XIX et au XXe siècle, va connaître les tristes heures du communisme après la Seconde Guerre mondiale. Une fois son indépendance retrouvée en 1993, la République tchèque se contente le plus souvent de suivre le positionnement américain. Or, depuis plusieurs années, la République tchèque tient à faire respecter sa souveraineté aussi bien au niveau européen que sur le plan international. L’actuel Président de la République Miloš Zeman (photo ci-contre) est souvent accusé par la presse européenne de prendre un tournant autoritaire proche de Viktor Orban.
Une souveraineté retrouvée
C’est sur le sujet de la politique étrangère, notamment vis-à-vis de la Russie que Miloš Zeman a donné un nouveau souffle à la Tchéquie. Membre de l’Union Européenne et de l’OTAN, elle avait l’habitude de suivre aveuglément les États-Unis.
La crise ukrainienne a été un moyen pour le président tchèque de montrer sa neutralité et son désaccord avec l’occident car il est farouchement opposé aux sanctions. Même s’il a condamné le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie, il s’oppose aux sanctions contre la Russie et au prétendu rôle de cette dernière dans le Donbass.
Ainsi, son simple refus des sanctions fait du président tchèque un "agent du Kremlin" pour la presse européenne. Le Président et le Premier ministre Bohuslav Sobotka ont fait part de leur scepticisme notamment en ce qui concerne les exportations de biens civils et militaires, mais aussi pour tout le matériel informatique et les machines-outils.
Pour Miloš Zeman, "le nombre de pays européen hostile aux sanctions est en hausse et c’est la meilleure raison de les annuler". Il affirme même que, la Russie ne fait pas la guerre à l’Ukraine, et qu’aucune troupe russe ne se trouve dans le sud-est ukrainien. Comme Vladimir Poutine, il souhaite que les Républiques Populaires de Lougansk et de Donetsk coopèrent avec le territoire ukrainien administré par Kiev.
En novembre 2014, Miloš Zeman a condamné le rattachement de la Crimée à sa Mère Patrie, mais refuse d’attribuer un rôle à la Russie pour le conflit dans le Donbass, "c’est une guerre civile interne à l’Ukraine", répète-t-il et il avoue qu’il "fait confiance à M. Lavrov [chef de la diplomatie russe] s’il dit qu’il n’y a pas de soldats russes en Ukraine. " Même l’ancien président eurosceptique et conservateur Václav Klaus soutient la réintégration de la province russe de Crimée à la Fédération de Russie et accuse les États-Unis d’Amérique de jeter de l’huile sur le feu dans la crise ukrainienne.
Un autre scandale a fait surface en avril 2015, lorsqu’il a affirmé qu’il participerait au défilé du 9 mai à Moscou pour les 70 ans des commémorations de la libération de l’Europe du nazisme.
Concernant la participation à ce défilé, le Chef d’État tchèque a eu un échange musclé avec l’Ambassadeur américain Andrew Shapiro (lui-même descendant de tchèque). Ce dernier s’est vu fermer les portes du Château de Prague (L’Élysée tchèque). Le Président n’a pas apprécié les critiques à son encontre sur sa participation au défilé du 9 mai à Moscou, au côté du Président démocratiquement élu de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine. La polémique intervient car la grande majorité des chefs d’états et de gouvernements européens n’assisteront pas à la grande parade pour fêter la victoire contre le nazisme. Officiellement, ils veulent protester contre l’imaginaire présence de l’armée russe en Ukraine de l’Est.
« Je ne vois pas l’ambassadeur tchèque à Washington dire au président américain où il doit se rendre pour ses déplacements », a déclaré Miloš Zeman pendant le week-end pascal. Il a rajouté, « je ne laisserai aucun ambassadeur dire quoi que ce soit au sujet de mes voyages à l’étranger. Je crains qu’avec cette déclaration Monsieur l’ambassadeur se soit fermé les portes du Château ».
Miloš Zeman a expliqué qu’il se rend à Moscou, le 9 mai, "en signe de gratitude" du fait que "nous ne sommes pas obligés de parler allemand" et "pour saluer la mémoire des 150 000 soldats soviétiques morts pour la libération de la Tchécoslovaquie". Il a finalement rendu hommage à Moscou aux morts de la Seconde Guerre Mondiale, mais n’a pas assisté au défilé sur la Place Rouge. Rappelons que plus de 21 millions de soldats de l’URSS sont morts pour libérer le vieux continent du nazisme.
Pour Petr Hajek, ancien conseiller du Président conservateur Václav Klaus, Miloš Zeman souhaite rappeler que la République tchèque "reste un Etat souverain" et trouve ce boycotte "purement ridicule" et est "persuadé de la justesse de la voie choisie par Miloš Zeman pour la République tchèque, qui ne doit pas faire tout ce que lui demande Bruxelles". Selon le site web Tyden, en avril 2015, 50 % des tchèques sont d’accord avec les positions de Miloš Zeman, contre 47 % Par le passé, il n’a pas hésité à critiquer les Pussy Riot, les considérant plus comme des voyous que des prisonnières politiques.