Beaucoup s’interrogent sur la nature politique et sociale de la Nuit Debout, qui sème des avatars un peu partout dans le monde latin. S’agit-il d’un nouveau mouvement révolutionnaire ou d’une mode passagère qui agrémente l’actualité sans impact sur la réalité ? Pour avoir parcouru plusieurs fois la place de la République occupée par ces (re)faiseurs de monde, il ne me paraissait pas inutile d’en mettre en lumière quelques aspects.
La Nuit Debout, la nuit des Blancs parisiens
Ce qui frappe au premier abord dans la Nuit Debout, c’est la forte homogénéité sociale du mouvement. D’ordinaire, la place de la République est bigarrée et majoritairement occupée par des populations allogènes. Ce sentiment de mélange est volontiers accru par les événements qui se déroulent régulièrement sur la place : occupation périodique par des migrants ou par des familles africaines menacées d’expulsion et protégées par le Droit au Logement, mais aussi quadrillage par les familles Roms qui dorment dans la rue avec leurs bébés et leurs enfants.
Depuis que la Nuit Debout a pris possession des lieux, l’homme ou la femme noire n’y ont plus d’autre place que celui de témoignage de la mauvaise conscience occidentale. De temps en temps, ils ont le droit, parce qu’ils sont migrants ou figure opprimée, de monter sur scène pour expliquer leurs malheurs. C’est l’intermède coloré de la Nuit Debout. Leurs 3 minutes épuisées, ils doivent ensuite céder la place à l’interminable logorrhée des intervenants en commission, qui sont essentiellement blancs bobos.
Car le tour de force de la Nuit Debout est de babiller sans lassitude apparente sur le sexe des anges solidaires, de gauche, révolutionnaires, progressistes et autres adjectifs bisounours, dans un entre-soi ethnique et social très bien huilé. Ici, on est bien, on est tranquille, on est humaniste, mais on est d’abord blanc des quartiers centraux de Paris. On adore dénoncer la précarité et la discrimination, mais selon l’étiquette bobo en vigueur, qui accorde une place nulle aux « minorités visibles », manifestement peu intéressées par les sujets qui se traitent.
Et ce n’est pas le moindre des paradoxes que de contempler cette jeunesse auto-proclamée humaniste, dissertant sur tout et rien, et complètement abandonnée par les vrais problèmes sociaux du pays. Avec cette forme pas si discrète d’arrogance et de fatuité, il est évidemment impossible d’aborder le sujet sans s’exposer aux foudres du déni bourgeois. Même le gauchiste Frédéric Lordon tourne sa langue sept fois dans sa bouche avant de suggérer que les blancs fils à papa propres sur eux sont un peu trop nombreux et auto-centrés sur la place.
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