Rivarol : Votre parcours politique débute dans les années 1970 dans l’extrême gauche activiste. Quelles sont les impressions que vous avez gardées des milieux gauchistes ?
Félix Niesche : Impressions variées, liées à la bigarrure du spectre gauchiste, qui allait du rose pâle au rouge vif, du pacifisme bêlant à la préparation de la lutte armée. S’y côtoyaient des antimilitaristes échevelés et des nostalgiques de l’armée rouge qui clamaient : « On te donne un fusil ? Prends le ! » Ceux là étaient plutôt trotskistes, qui ne juraient que par les conseils ouvriers et les comités de soldats.
Côté maoïste, les étudiants entraient en usine pour soulever le prolétariat contre les « révisos du P“C”F ». D’autres, plus bucoliques, encerclaient les villes par les
campagnes en constituant des communautés paysannes, comme au Larzac. Leurs
fermes collectives avoisinaient les bergeries autogestionnaires en lesquelles régnait le communisme des femmes et des brebis.
D’intrépides Penthésilée [1] du MLF les quittaient, pour fonder des communautés plus
resserrées, « sans mecs », mais avec brebis et gigots à l’ail. L’économie libidinale
avait une bonne part dans leur économie politique !
Le clivage fondamental venait de la double nature du Mai 68 français, à la fois révolution sociétale petite-bourgeoise et révolte prolétaire.
Votre rupture avec votre mouvance d’origine repose sur une prise de conscience des limites des gauchistes et de leurs idées ?
Pour ce qui est des idées, en tant qu’elles expriment des choix politiques
fondamentaux, je porte encore les mêmes qui me vont très bien : contre le capital et ses valets, à jamais du côté du peuple. Mes ex-camarades, qui ont tous fini au PS, ne peuvent en dire autant.
Ma rupture avec eux vient de ce qu’il y eût un petit Thermidor et que presque tous s’y sont ralliés. Un thermidor est une contre-révolution dans la révolution. Un
changement de cap brutal. Ce mini-thermidor se produisit sous le masque rose du
féminisme. Soudain on ne jura plus que par le partage des tâches ménagères ou par la nécessité des tâches préliminaires, pour aider les camarades femmes à conquérir leur « droit à l’orgasme ».
Ce fut donc une destruction de la conscience politique, mais elle se fit sous la forme parodique d’une nouvelle prise de conscience celle de « l’oppression des femmes ».
Cette immémoriale Oppression de la femme par l’homme transcenderait
l’Exploitation de l’homme par l’homme, et les partis les plus socialement avancés n’en seraient pas exempts. Ainsi l’arme de la critique se déploya contre le « machisme » ordinaire des militants, et plus particulièrement celui des jeunes leaders et des membres virils du service d’ordre (SO). Dans ma région, les filles exigèrent de venir à l’entraînement en forêt. Deux mois après il n’y eut plus de SO. Mais quelque temps la forêt bruissa des ébats militants dans les fougères.
Ce fut l’éviction des ardents, le triomphe habituel des médiocres. Nihil novi sub sole [2] Immémoriale malédiction de toute révolution. Cf. la dictature des cochons de La Ferme des animaux de George Orwell.
Vous revendiquez l’influence d’auteurs comme Julius Evola, Joseph de Maistre et Otto Weininger. Votre lecture féroce du monde moderne repose sur une alliance entre Tradition et Révolution ?
Une alliance, certainement. Quant à unifier en théorie les deux Doctrines, c’est une
autre affaire. Leurs fondements restent en altérité totale. L’une suppose une
transcendance absolue, l’autre se tient tout entière dans l’immanence. Mais je
remarque que seules ces deux Visions rendent compte parfaitement de la
phénoménologie du monde moderne. À condition d’en user avec chacune dans son
plan propre, dans son Ordre, au sens pascalien, « l’ordre des corps et l’ordre des esprits », les deux peuvent s’associer.
Seules ces deux visions sont radicales, vont à la racine, et s’opposent par principe à toutes les compromissions avec une société qui fonde son assise dans la pourriture.
Je considère le marxisme comme le meilleur outil de compréhension de l’entropie du champ clos capitaliste. De par son corpus scientifique, son noyau dur de découvertes
conceptuelles, le marxisme est une extraordinaire physique sociale, dont le champ d’application serait celui du mode de production capitaliste.
Mais la compréhension ultime de cette décomposition sociale qui agit en tant que
« deuxième loi de la thermodynamique » dans le règne de la quantité, est l’Involution, la subversion contre-initiatique que la Tradition nous dévoile.
Cette physique et cette métaphysique s’enrichissent l’une l’autre, à la condition de
liquider tout l’aspect idéologique du marxisme, et d’introduire un peu de dialectique dans la rigidité doctrinale de la Tradition.
Votre rapprochement avec la dissidence s’amorce avec la naissance d’Égalité & Réconciliation. Comment voyez vous l’évolution de la sphère « soralienne » ?
Avec l’instauration de l’État policier la situation politique a basculé. Il est évident que
l’œil de la Bête est fixé sur nous. Nous sommes à la croisée des chemins.
Je souhaiterais pour ma part que notre « logiciel » réconciliateur tournât davantage dans le sens d’un rapprochement de la droite identitaire avec la gauche prolétaire, puisque le capitalisme est la cause formelle du Grand Remplacement, de la même manière que l’OEIL (organisation-état-islamique du levant) est la prunelle de l’OTAN.
Notre vocation initiale était de devenir l’aile dynamique à la gauche du Front national, en tant que ce dernier resterait le parti identitaire des français. Mais je crains que la voie électorale ne soit inexorablement bloquée.
Le féminisme est l’une de vos cibles favorites. En quoi est-t-il une incarnation de la modernité et du libéralisme ?
Permettez-moi de retourner votre formulation en disant que c’est « la modernité et le libéralisme » qui incarnent la Confusion du dernier âge, l’âge de Kali, la
Gynécocratie. Cette détermination est la plus fondamentale. Vous l’aurez compris, je reprends ici les enseignements de Julius Evola, dans sa Métaphysique du sexe, un des plus grands maîtres en la matière.
Ce n’est donc pas une guerre des sexes, H contre F, ce sont les deux polarités, virile et féminine, qui ne sont plus ordonnées l’une à l’autre. La matière sans forme, la Dissolution : passage du politique à la moraline, antiques hautes disciplines submergées par les Eaux dissolvantes, allégorie du Principe Amazonien ; virilité constamment bafouée, enlaidissement des mots et des mœurs, parité, lois castratrices, etc., etc. Toutes les malpropretés et les aberrations actuelles sont filles du féminisme. Du féminisme au gender il n’est que des degrés.
Les égéries féministes sont les résidus de la féminité avortée, en concurrence sexuelle avec les mâles et constamment démangées par l’« envie du pénal ». La définition de l’homme du ressentiment de Nietzsche, épuise celle de ce type féminin viriloïde et crépusculaire.
Quoi qu’il en soit, la dite « émancipation » des femmes étant devenue la « norme », F n’est plus sous le joug, toute licence lui est laissé de se dévoiler telle qu’en elle même.
La gynécocratie mérite son reportage : je renvoie ici à mon recueil Fragrans Feminae aux éditions Kontre Kulture.
Sur l’Islam, votre position diffère de la « réconciliation » soralienne. Comment jugez-vous l’islamisme et l’immigration ?
J’ai toujours pensé que l’islamophobie, en tant que pathologie, ressortissait davantage à la susceptibilité levantine hystérique, plutôt qu’à des données tangibles.
Mon « point de vue », les porte-paroles des ’’musulmans patriotes’’ qui ont saisi notre main loyalement tendue, pour systématiquement y cracher dedans, l’ont bien mieux enseigné que je n’aurais pu le faire. Je pense qu’Alain Soral a suffisamment payé de sa personne, et l’association avec lui. La messe est dite. La page se tourne.
L’arnaque de la situation politique commence avec l’éclosion subite du Daesh. Qu’est-ce que ce machin qui naît en uniforme et en Toyota, comme la déesse Athéna sortit tout armée et casquée du crâne de Zeus ? Il n’est pas trop difficile de deviner hors de quel Crâne impérialiste cet OEIL noir a jailli. Comme d’habitude les deux monothéismes, le céleste et celui du marché, marchent la main dans la main. La guerre contre Daesh n’est qu’un prétexte pour intervenir directement en Syrie. L’ennui c’est que les Russes ont décidé de se joindre aux agapes, mais eux bombardent vraiment dans les tas islamiques.
Nous luttons contre les réseaux qui cherchent à déplacer la question tragique de
l’immigration sur celle de l’islamisation, dans le but de nous atteler au char Merkava de l’Israël terrestre.
L’Immigration fut le grand moyen par lequel le Capital maintint sa domination.
L’immigration afro-maghrébine en Europe est une singularité historique et doit être
pensée comme telle, et non rattachée au destin des peuples africains ou arabes. Ceux-là, comme nous-mêmes, sont pris à la gorge par les tenailles de fer du capital
financier. Telle n’est pas la situation objective de ceux que l’on réunit (par antiphrase) sous le nom de Diversité, qui reçoivent généreusement les miettes du festin oligarchique. Et qui votent en conséquence.
Lors des dernières élections le Front national est monté jusqu’à 70 % des voix dans certaines communes du Nord, de la Somme, de la Meuse, des vieux pays miniers, prolétariens. Ces résultats doivent être mis en rapport avec les très hauts scores du PS dans les villes à haute densité immigrée : certains arrondissements de Paris, en Seine-Saint-Denis, et d’une manière générale dans la si bien nommée Île-de-France en laquelle la France n’est plus qu’une île.
Que vous ont inspiré les attaques terroristes du 13 Novembre ?
Ces tueries inaugurent un brutal basculement dans la situation politique. Des moyens de guerre civile ont été employés contre le peuple français, pour instaurer un État policier. C’est un coup d’État.
Il faut distinguer la Terreur de son Spectacle, qui éclatait au Stade de France !
Ailleurs, les carnages n’ont pas été improvisés mais au contraire planifiés, hyper organisés. Si nous ne réagissons pas à temps, la France finira réduite en un vaste bataclan, comme Gaza.
Les morts et les blessés, plus de six cent, sont quasiment tous des petits Blancs
salariés de la classe moyenne. La physionomie des victimes ne correspond pas du
tout à celle de la foule ordinaire du quartier populaire qui fut le théâtre de ces
abjections. Il y a donc eu tri. Sélection sur des critères de classe et de « races », bien que ces dernières aient été abolies le 16 mai 2012 par décret gouvernemental.
Un réveil du peuple français est possible pour vous ?
Possible dans l’absolu, mais cette possibilité reste aléatoire, rien ne l’assure. Et même
tout nous assurerait du contraire. L’heure est tragique et nous n’avons plus rien de tragique.
Hier, après le Spectacle des Tueries-hebdo, on avait appelé la populace à descendre dans la rue, pour qu’elle fasse sa Charlie. Aujourd’hui le pouvoir s’en méfie un peu quand même ! parce qu’on craint toujours les réactions d’une grosse bête quand on touche à ses petits. D’autant qu’on lui promet : « Ce n’est qu’un début, ça va saigner encore et encore ! »
En l’État, Monsieur Popu me fait penser au petit Chaperon rouge du conte, au lit avec le méchant loup. Il se méfie des grandes dents de l’« état d’urgence », il s’étonne des inutiles bras longs des « services », mais il ne soupçonne pas (encore ?) le mufle sanglant sous le masque.