L’histoire du château de La Mothe-Chandeniers, c’est un conte de fées. Le bâtiment de la Vienne datant du XIXe était en ruines (on en avait parlé en 2016), un mouvement national spontané a eu raison de son agonie : grâce au modèle économique de la multipropriété, 18 000 personnes ont pu mettre 1,6 million au pot pour sauver le chef-d’œuvre en péril.
Car un château, dans le cœur des Français, c’est plus que trois pierres et deux ardoises : c’est le patrimoine national, une fierté esthétique, un peu de cette France éternelle. Alors si on peut mettre la main au portefeuille et la main à la pâte...
Le Figaro (le journal de la bourgeoisie) du 20 juillet 2018 consacre un grand article à ce sauvetage pas comme les autres.
« Le succès de l’opération, porté par la presse et les réseaux sociaux, a été fulgurant : les parts se sont vendues comme des petits pains - sous forme de cadeau de Noël, principalement. En deux mois, 1,6 million d’euros ont été levés, qui ont alimenté une société, dont chacun est désormais actionnaire. Dire que l’association a été surprise est un euphémisme. Le ciel de la renommée lui est tombé sur la tête, et avec lui, une foule de questions : comment allait-on gérer ces dizaines de milliers de petits actionnaires ? Qu’allait-on leur proposer comme projet ? »
Il faut dire que Stéphane Bern, le monsieur Patrimoine de Macron, a donné un bon coup de pouce au mouvement. Et Julien Marquis – le responsable de l’association « Adopte un château » – a offert très opportunément deux parts aux époux Macron le soir du lancement du loto du patrimoine à l’Élysée, comme le rapporte le quotidien de feu Serge Dassault. Ce qui a donné l’occasion à la Première dame, ex-professeur de français à l’humour exquis, de glisser un trait d’humour très Pompadour : « Où sera ma chambre ? »
On apprend que 30% des donateurs ou actionnaires sont anglo-saxons. Les Nord-américains raffolent du patrimoine français, quand ils ne le détruisent pas à coups de bombardements de produits culturels de basse qualité. Cela prouve que les Français n’ont pas complètement conscience de la richesse de leur culture. Le sursaut viendra peut-être quand elle sera au bord du précipice...
En attendant, les multipropriétaires bossent :
« Ces châtelains d’un genre nouveau sont régulièrement conviés à des journées de bénévolat au chevet de la Mothe-Chandeniers. Un coup d’œil à l’intérieur du château, ou plutôt ce qu’il en reste, montre qu’il faudra des milliers et des milliers d’heures de travail pour parvenir à quelque chose. Entouré d’eau et d’un parc de 3 hectares envahi par les herbes folles, la Mothe ressemble à un décor de théâtre. »
Comme toujours, le politique est en retard sur la société :
« Les maires des alentours, après avoir regardé l’opération de loin, commencent à comprendre qu’une saga locale est en train de s’écrire. L’association, qui se bat pour faire reconnaître le patrimoine comme activité économique, a réussi un coup de maître. À la rentrée, elle devrait d’ailleurs lancer une nouvelle souscription pour un château du XVe siècle. »
Un coup d’œil sur le site de sauvetage dartagnans.fr, la première plateforme de financement participatif dédiée à la préservation du patrimoine, permet de comprendre l’engouement des Français pour la vieille et noble pierre.