« L’abandon de la cause identitaire par la droite élitaire, pressée d’être de son temps, vaut à Bellamy son échec cuisant. Ce séisme annonce un basculement politique. » (Ivan Rioufol, Le Figaro)
La bourgeoisie a encore trahi, pourrait-on dire. Ce coup-ci, c’est pas le peuple mais elle-même qu’elle trahit, du moins ses convictions. Car ses intérêts, elle ne les trahit jamais. C’est pourquoi une bonne partie de la droite s’est alliée au pouvoir ou plutôt à la tendance d’Emmanuel Macron, cette fusion libérale du centre gauche et du centre droit.
Adieu les valeurs, bonjours les profits. Et merde au peuple et aux Gilets jaunes, qu’ils se débrouillent dans les affres des effets pervers de la mondialisation. Mais ne résumons pas le propos à la place de Rioufol, que nous allons citer par morceaux, puisque son article du 30 mai 2019 est payant. On se doit de s’intéresser à toutes les analyses du scrutin du 26 mai : on est le premier site politique de France, oui ou merde ?
« À quoi ressemble la France ? À un pays durablement fracturé. Les habitants des métropoles mondialisées se désolidarisent des inquiétudes de ceux qui, au cœur des provinces, craignent la dilution de leur mode de vie. La bourgeoisie urbaine a déserté le combat civilisationnel des “réacs” d’en bas. Elle a préféré rejoindre la majorité présidentielle et son parti de l’Ordre, conforté par la mise au pas des Gilets jaunes.
La photographie des européennes fait ressortir cette mésentente civile : le Rassemblement national domine les territoires en quête de protections sociales et culturelles ; La République en marche s’impose dans les grandes villes ouvertes et enrichies, ainsi que dans l’Ouest désenclavé et catholique.
À Paris, le feutré XVIe arrondissement a préféré voter pour le “progressisme” plutôt que pour le conservatisme de François-Xavier Bellamy (LR). Même à Versailles, l’enfant de la ville et adjoint au maire n’est arrivé que deuxième. Cet abandon de la cause identitaire par la droite élitaire, pressée d’être de son temps, vaut à Bellamy son échec cuisant (8,48 %). Ce séisme annonce un basculement politique. »
C’est un basculement politique, en effet, mais surtout un basculement sociologique. La mondialisation a élargi le fossé entre les deux Frances, et les paléontologues savent les conséquences de la faille du Grand Rift. On convoque un paragraphe de Wikipédia pour illustrer notre parallèle :
« Une théorie concernant l’apparition de la lignée humaine fait jouer un rôle de premier plan à la formation de la grande faille africaine. Connue sous le nom d’East Side Story, elle a été proposée par A. Kortlandt, puis popularisée par Yves Coppens à partir de 1982. La formation de la faille aurait fini par conduire à une différenciation climatique et environnementale majeure entre la région située à l’ouest, humide et boisée, et la région située à l’est, beaucoup plus sèche et occupée par la savane. À partir d’une souche commune, deux lignées évolutives auraient divergé, aboutissant à l’ouest aux chimpanzés arboricoles, et à l’est aux premiers Hominina puis aux Australopithèques, groupe probablement à l’origine du genre Homo. La sélection de la bipédie serait une adaptation à la savane. »
Même si cette théorie est aujourd’hui remise en cause, il semble bien que les deux Frances se regardent en chiens de faïence et ne se comprennent plus : les élites n’ont pas émis la moindre compassion devant les souffrances des Gilets jaunes, souffrance sociale chronique suivie de souffrances physiques sous les coups de la répression, le silence assourdissant des people en dit long à cet égard.
Inversement, ces élites sont totalement désavouées par le peuple en colère : on n’ose pas reprendre sur les réseaux sociaux les réactions des mères de famille qui en chient devant le comportement d’une Læticia Hallyday qui cherche à récupérer le magot de Johnny sans avoir jamais bossé. On aurait le droit, on dirait qu’il y a deux races sociologiques en France aujourd’hui.
Mais les élites ne se sont pas que les membres du gouvernement, la haute fonction publique, le CAC 40, la Banque, le renseignement, la haute police, les loges et les lobbies : il y a encore tous ceux qui profitent ou qui ne pâtissent pas du Système. Ces cadres qui ont voté Macron et ces bobos des centres-villes qui trouvent que tout va bien, entre un raid à vélo chez le sushi du coin et la crèche autogérée des enfants.
Rioufol défend Bellamy et ses valeurs de droite, le « conservatisme sociétal », et assure qu’il a eu raison de ne pas céder aux sirènes progressistes venues de Geoffroy Didier, entre autres. Ensuite, on retombe dans une analyse classique post droite/gauche :
« Édouard Philippe a raison quand il dit, au vu des résultats de dimanche : “Les anciens clivages ne sont plus”. Le tête-à-tête entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron balaie la vieille opposition droite-gauche, au profit de la confrontation mondialistes- souverainistes, avalisée par le chef de l’État.
[...]
Laurent Wauquiez, président des Républicains, propose des “états généraux” du parti, à la rentrée. Gérard Larcher, président du Sénat (LR), veut pour sa part susciter dès à présent un rassemblement de la droite et du centre, en partant des élus de terrain. Ces gesticulations resteront vaines tant que la droite n’aura pas choisi son camp, entre progressisme et populisme. »
Quelle est la solution, pour la droite conservatrice, la droite progressiste (la fusion des bourgeoisies de droite et de gauche acquises au libéralisme) étant incarnée par Macron ?
« Macron sera réélu en 2022 s’il se retrouve face à Le Pen, restée isolée politiquement. Or cette issue pourrait être détournée si les souverainistes décidaient enfin de s’allier contre les mondialistes, en passant outre les interdits d’un rapprochement avec le RN recentré. Dès dimanche soir,la gauche en déroute n’avait que le mot “union” à la bouche. Rien ne justifie que ce qui reste de la droite conservatrice, élaguée de ses faux frères, ne puisse tisser de semblables coalitions avec ceux qui lui ressemblent. Sur les questions sociétales,les différences entre LR et RN sont mineures. Les questions économiques et sociales peuvent s’ouvrir à des compromis. Pourquoi tergiverser ? »
Mais la droite conservatrice, inféodée depuis longtemps aux puissances économiques et financières, aura-t-elle le cran de braver l’interdit du CRIF ? Du côté de la gauche mélenchoniste, ça n’en prend pas le chemin. Mais qui sait ?
Devant l’écrasement de la France sous la botte libérale, il se peut qu’une union imprévue se fasse jour sous la pression de la nécessité (facteur numéro un de toute évolution). Seule une menace commune, celle de l’anéantissement des forces souverainistes de tous les camps, c’est-à-dire de la politique nationale dans tous les sens du terme, peut réveiller ce pays.
Quel sera alors le premier parti à accepter de s’allier avec le RN, qui ne peut gagner seul ? La partie souverainiste de Bellamy peut se greffer sur la droite du RN et la partie sociale de Mélenchon sur la gauche du RN. Un comité de salut public ne pourra être qu’un grand mouvement d’union nationale allant de la droite des valeurs à la gauche du travail... La France n’y échappera pas, ou mourra.
L’alliance entre la droite conservatrice et le Rassemblement national, Zemmour est forcément pour :
Dans Le Figaro du 31 mai 2019, Zemmour estime que la droite classique n’existe virtuellement plus :
« C’était en 1986. Le RPR et l’UDF avaient gagné les législatives. De justesse. Profitant de l’instauration de la proportionnelle par François Mitterrand, le Front national avait obtenu, avec 10% des voix, un groupe parlementaire d’une trentaine de députés. Charles Pasqua, ministre de l’Intérieur, proposa à Jacques Chirac, devenu premier ministre, une alliance avec Jean-Marie Le Pen, qui aurait alors accepté cette main tendue. Mais Chirac refusa. Pasqua lui prédit que ce FN dédaigné prendrait un jour la place du RPR qui lui préférait le soutien des centristes, et que le rapport de force serait alors inversé. La prédiction de Charles Pasqua a été réalisée le 26 mai dernier. La liste LR – qui, doit-on le rappeler avec cruauté, représente l’alliance RPR-UDF d’antan ! – fait moins de 10% : le score que réalisa Jean-Marie Le Pen aux européennes de 1984. Si l’on ajoute au score du RN ceux des listes de Dupont-Aignan et des partisans du Frexit, on frôle les 30%.
[...]
Aujourd’hui, il n’y a plus rien entre Macron et le Rassemblement national, entre les progressistes et les populistes. Une formule qui nous rappelle celle de Malraux qui disait, dans les années 1960 : “Entre les communistes et nous (les gaullistes), il n’y a rien”. »
Notre conclusion ?
Le cordon sanitaire anti-FN imposé par le CRIF a laminé la gauche sociale, considérée comme antisioniste, et la droite conservatrice, considérée comme nationaliste (et donc antisioniste). Ce sont justement ces deux tendances qu’il faut revitaliser et réunir pour sauver le pays.