Les tendances économiques se développant en France depuis la crise de 2008 ont reçu un important coup d’accélérateur dès l’installation au pouvoir suprême de la République en 2017 du parti d’Emmanuel Macron, dont le cadre de la politique intérieure et de la politique étrangère autodestructrice mène directement vers la récession économique dans laquelle la France est en train d’entrer à grands pas.
Partie I
La personne à la tête du ministère français de l’Économie, monsieur Bruno Le Maire, a prononcé un discours magistral, le 1er mars 2022, dans lequel il n’a « laissé planer aucune ambiguïté sur la détermination européenne » dans sa volonté de « livrer une guerre économique et financière totale à la Russie », afin de faire s’effondrer son économie. Son enthousiasme était sans équivoque : « Nos sanctions sont efficaces. Les sanctions économiques et financières sont même d’une efficacité redoutable. […] Nous allons donc provoquer l’effondrement de l’économie russe ! »
Deux ans et demi se sont écoulés depuis les exultations publiques dudit personnage et nous retrouvons l’économie de la fédération de Russie très exactement à l’opposé des lumineuses prévisions du ministre : dans une des meilleures de ses formes – ce qui est très loin d’être le cas pour l’économie de l’Hexagone, dont il est censé s’occuper.
Le PIB de la Russie a augmenté de 4,6 % sur un an au premier semestre 2024, contre 1,1 % en France. Le Fonds monétaire international (FMI), qui a déjà prévu une croissance confortable du PIB russe, a récemment revu à la hausse ses prévisions initiales de croissance, anticipant désormais une hausse du PIB de 3,2 % sur l’ensemble de l’année 2024. Des prévisions qui, néanmoins, ne prennent pas en compte tous les éléments de la réalité des marchés démontrant que la croissance sur l’ensemble de l’année en cours sera plutôt de 3,5-4 %.
Selon les dernières statistiques, en juin 2024 la Russie est devenue le pays avec le plus faible taux de chômage parmi les pays du G20. Le niveau du chômage parmi la population active n’est que de 2,4 % contre 7,4 % en France qui entre dans le peu glorieux top 5 des pays du G20 avec le taux de chômage le plus élevé et dont l’indice INSEE du climat d’emploi annonce un taux de chômage de 8,5 % pour la fin de l’année en cours.
En ce qui concerne le pouvoir d’achat de la population russe, au premier trimestre 2024, les revenus nets disponibles – les revenus monétaires corrigés de l’inflation moins les paiements obligatoires des impôts, taxes, redevances et autres contributions obligatoires au budget de l’État – ont vu une augmentation de 5,8 % par rapport à l’année précédente (source : Rosstat). Sur l’ensemble de l’année 2024, l’augmentation du pouvoir d’achat est attendue à hauteur de 9,2 % (source : ministère de l’Économie). Pour la France, cependant, une augmentation du pouvoir d’achat à hauteur de 1 % brut pour l’année 2024 serait déjà considérée comme un très bon résultat, après une croissance de 0,8 % brut pour l’année 2023 (source : l’OFCE).
De même, la fédération de Russie est entrée dans le top 3 du G20 au niveau de la plus faible dette publique par habitant, qui n’est que de 2 070 $/hab., contre 40 300 $/hab. en France, 50 600 $/hab. au Royaume-Uni ou encore 104 500 $ par habitant aux États-Unis d’Amérique.
En France, le taux de chômage actuellement élevé, la très faible croissance du PIB et la dette publique exorbitante pesant sur le présent et le futur de l’économie française ne sont que les constantes structurelles se développant en synchronie avec toute une série d’autres facteurs économiques résultant de la politique française irresponsable des dernières années et démontrant l’entrée prochaine de la France dans la récession économique.
La croissance du PIB à hauteur de 1,1 % pour le premier semestre 2024, dont le chiffre correspond également à la croissance attendue pour l’ensemble de l’année en cours, malgré les prévisions de stagnation annoncées auparavant par l’INSEE, ne doit guère être surestimée et prise pour une constante. La non-modération de la joie serait une importante erreur d’appréciation, car son augmentation n’est grandement due qu’à la hausse des dépenses publiques (+0,3 % de la consommation des administrations et +0,6 % de l’investissement public pour le second trimestre) qui ne fait que soutenir artificiellement le PIB du pays en creusant davantage la dette de l’État français.
Réindustrialisation ou la désindustrialisation ?
La désindustrialisation de la France n’est nullement un phénomène nouveau. Elle s’est mise en place dès la crise de 1974 et ne s’est jamais arrêtée depuis, faisant de la France le pays européen qui s’est le plus désindustrialisé ces cinquante dernières années.
Si en 1972 la part de l’industrie française dans le PIB était de 19 %, en 2020 elle n’est plus que de 9 %. De même pour la part d’emplois dans le secteur industriel : 37,4 % en 1982, contre 13,3 % en 2020.
Dès la période de propagande électorale précédant sa prise du pouvoir en 2017, Emmanuel Macron a choisi de se promouvoir avec un message politique tout à fait attractif adressé aux électeurs : faire de la réindustrialisation de la France un chantier prioritaire de son mandat. Message adressé à des masses qui ne connaissent à peu près rien du fonctionnement de l’économie mondiale et des lois qui la gouvernent pour être pris au sérieux.
Le travail d’un illusionniste, c’est de concentrer l’attention des spectateurs sur des détails devant leurs yeux et de ne surtout pas leur permettre une vision globale de l’ensemble du processus en développement, ce qui mènerait, le cas échéant, inévitablement à la découverte de la supercherie.
Les années ont passé et Emmanuel Macron se vante de la grande réussite de son initiative de réindustrialisation de l’Hexagone. Les éléments mis en avant sont le solde positif de la création d’emplois dans l’industrie depuis 2017 et la création de 500 usines de plus en France en 2023 par rapport à 2016.
Belle image. Toutefois, la réalité est tout à fait différente.
La spécificité du secteur industriel français actuel et de ses capacités de production est sa très forte dépendance directe vis-à-vis des approvisionnements étrangers en matières premières critiques et en énergie.
Vouloir se libérer de cette dépendance, c’est une chose ; se permettre ce luxe, c’en est une autre. Chercher des alternatives aux approvisionnements depuis, notamment, la Chine et la Russie est non seulement une idée utopique, mais, tout simplement suicidaire financièrement pour de nombreux secteurs de l’industrie française, dont les marges de manœuvre sont déjà quasi inexistantes.
Et c’est exactement ce que le gouvernement Macron est en train d’imposer au secteur secondaire de l’économie française. En violant d’une manière grossière les règles de l’OMC, le tenant actuel du pouvoir en France est en train de provoquer la mise en place d’une riposte de la part de la Russie et de la Chine à l’hostilité française. Une riposte asymétrique qui aura des répercussions désastreuses, et à très long terme, sur l’économie française.
Le seul espoir de l’industrie de l’Hexagone est dans la retenue rationnelle des décideurs de la coalition sino-russe qui se limiteront à une riposte proportionnelle, au lieu d’exercer leur pouvoir de déclencher une guerre économique et de faire s’effondrer d’une manière radicale et dans des délais limités non seulement le secteur industriel de l’économie française, mais celui de l’ensemble de l’UE, en les privant d’importations vitales.
En parlant des chiffres du « miracle » de la réindustrialisation réalisée par le parti présidentiel, plusieurs éléments sont à retenir. Selon les dernières statistiques disponibles, la production industrielle française accuse une décroissance nette de 3,1 % pour la période du 05/2023 au 05/2024.
Selon les indices de l’INSEE datant de juillet 2024 sur le climat des affaires, hormis la période particulière du covid, il est au plus bas depuis le mois d’avril 2015 pour le secteur des services et, pour le secteur de l’industrie, au plus bas depuis ces onze dernières années – depuis le mois de juillet 2013.
Dans le secteur du BTP, le climat des affaires est au plus bas depuis avril 2016. Dans le secteur du commerce de détail, hormis la chute d’avril 2022 liée à l’incertitude produite par le déclenchement de la phase active du conflit en Ukraine, le climat des affaires est au plus bas depuis novembre 2014.
En ce qui concerne les 500 nouveaux sites industriels recensés en France en 2023 par rapport à 2016, les communicants de l’Élysée oublient de mentionner que la production manufacturière française, quant à elle, a baissé de 4,45 % pour la même période. Alors qu’entre 2012 et l’arrivée de Macron au pouvoir en 2017, elle a, au contraire, connu une augmentation de 1,2 %.
En ce qui concerne la production du matériel de transport sous les deux quinquennats de Macron, elle s’est tout simplement effondrée.
En mettant en avant le solde positif de création d’emplois dans l’industrie depuis 2017, une fois de plus, ils oublient de préciser qu’aujourd’hui la France est au 22e rang européen sur les 27 en matière d’emploi industriel rapporté à l’emploi total.
La part de l’industrie dans le PIB français en 2016, avant la prise du pouvoir par Emmanuel Macron, était de 17,43 % ; en 2022, à l’issue des cinq années de son mandat, cette même part est de 17,38 % (Statista), ce qui n’est rien d’autre que la démonstration d’une parfaite stagnation tout à fait éloignée des narratifs développés par l’Élysée.
L’indice de la production industrielle des PMI est à 42,1, ce qui le place au plus bas depuis avril 2009, hors période covid et la remontée post-covid de décembre 2023.
Avec une vision à long terme, les statistiques nationales démontrent nettement et indiscutablement que le grand projet de réindustrialisation de la France par le parti du président Macron, projet qui a été promu en tant que chantier prioritaire de ses deux quinquennats ne peut guère être qualifié de grande réussite. Et il n’est pas à négliger que nous parlons bien de l’élément de la politique nationale où l’effort et l’investissement sont considérables.
La grande dépendance incontournable de l’industrie française vis-à-vis des importations énergétiques et des matières premières critiques issues de pays où la France se positionne ouvertement d’une manière de plus en plus hostile, la main-d’œuvre française incomparablement plus coûteuse que celle d’un grand nombre de concurrents sur le marché mondial et tant d’autres éléments de contraintes spécifiques à la production sur le sol français rendent l’idée de la réussite de la réindustrialisation française illusoire et totalement coupée de la réalité économique.
Le résultat de la gouvernance de Macron, étroitement associée à celle de l’UE, a directement mené vers l’impossibilité non seulement du développement, mais même d’une stagnation simple des industries énergivores françaises et européennes.
La survie durable de ces dernières ne peut être assurée qu’avec la délocalisation vers des pays procurant l’accès à des énergies à des coûts abordables pour pouvoir rester concurrentielles au sein du marché mondial. Notamment vers les États-Unis d’Amérique qui sont aujourd’hui les premiers bénéficiaires de la nouvelle politique économique de l’Union européenne et de la France.
À moyen et à long terme, le processus de désindustrialisation de la France n’ira qu’en s’accentuant, aggravant l’important déséquilibre du commerce extérieur déjà existant, ce que j’évoquerai plus loin. Ce déséquilibre ne sera que proportionnel à l’ampleur de la désindustrialisation qui risque d’être pire que celle connue entre 1979 et 1984, quand la chute de l’industrie française fut la plus brutale en Europe.
La production industrielle française risque d’être de moins en moins concurrentielle sur le marché mondial et de se replier progressivement sur le marché intérieur intra-européen, où l’exécutif renforcera le protectionnisme qui déjà prend de l’ampleur. Le protectionnisme, une lame à double tranchant avec, au bout du compte, son prix à payer.
Protectionnisme ou néolibéralisme ?
La réponse est sans équivoque. D’une part, la politique commerciale protectionniste dans son état pur et irréfléchi ne peut être que porteuse d’une grave récession économique.
Il ne faut pas oublier les leçons de l’histoire : c’est bien la politique commerciale protectionniste qui fut la cause majeure de la Grande Dépression que le monde a connue de 1929 à 1939. L’instauration d’importantes mesures protectionnistes dans les pays industrialisés a fait muter la crise financière et la récession économique du début des années 1930 en une dépression économique à l’échelle mondiale.
La hausse des droits d’importation pour venir en aide à certains secteurs de l’économie nationale provoque inexorablement des mesures de rétorsion, symétriques ou asymétriques, de la part des pays victimes des mesures protectionnistes. Le résultat obtenu n’est que la diminution réciproque du commerce international des pays impliqués.
Mais, d’autre part, le néolibéralisme tel qu’on le connaît depuis des décennies ne peut être bénéfique aux pays occidentaux, parmi lesquels figure la France, qu’à la condition qu’il s’applique à des pays « partenaires », dont la politique intérieure et étrangère est globalement soumise à la volonté occidentale. La soumission, telle qu’on la connaît depuis l’époque de la prétendue décolonisation : via la pression par des institutions financières internationales contrôlées par l’Occident collectif, telles que la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ; via l’installation des présidences et des gouvernements dans des pays visés sous le contrôle du pouvoir occidental et, le cas échéant, via l’organisation de coups d’État, voire le lancement de guerres de remise en ordre des rapports « dominant-dominé ».
La guerre en Ukraine s’est révélée être un élément accélérateur de la refondation de l’échiquier politico-économique mondial dans lequel la soumission du monde non occidental à des règles néolibérales de l’Occident deviendra de plus en plus compliquée à maintenir et à développer par ce dernier. De même, compte tenu de la montée en puissance des économies non occidentales disposant de plus en plus de leviers de pressions et de capacités de ripostes symétriques et asymétriques vis-à-vis de la force occidentale dominatrice, le renforcement des mesures protectionnistes par les marchés occidentaux ne peut guère être considéré comme une solution salutaire.
Ainsi, les nouvelles réalités en cours de développement dans le monde ne peuvent que produire des constats alarmants vis-à-vis du futur de l’économie française.
Partie II
L’industrie du secteur des technologies avancées est-elle salutaire ?
Certains économistes préconisent que la fuite du secteur énergivore de l’industrie hors UE n’est pas aussi grave qu’il y paraît car, en ce qui concerne la part de l’industrie du secteur des technologies avancées, telles que les technologies quantiques, de navigation, les biotechnologies et la robotique, la position de l’UE et de la France est assez saine. Notamment, en 2022, 194 entreprises dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA) ont été créées dans l’UE contre 160 en Chine, et la part du secteur des technologies avancées de l’Union européenne représente environ 20 % du volume mondial : 22 % dans les technologies quantiques, 20 % dans la navigation, 18 % dans les biotechnologies et 18 % dans la robotique (données datant de 2022).
S’ils ont, d’une part, tout à fait raison de souligner le développement accru du secteur en question dans les pays de l’UE, ils négligent toutefois le facteur du poids financier actuel de ce dernier vis-à-vis de l’apport dans le PIB de l’UE et de la France en particulier. Et ce dernier reste relativement modeste par rapport à celui de l’industrie dite « traditionnelle » qui est en train de se désagréger sur le sol européen.
D’autre part, il n’est pas à négliger que le développement du secteur des technologies avancées en France et en Europe, en général, se heurtera davantage, dans un avenir très proche, non seulement à la très importante concurrence américaine et chinoise déjà omniprésente, mais également à la forte croissance exponentielle de cette dernière de la part de la Chine qui affiche un grand dynamisme dans le domaine. Notamment, concernant les dépôts de brevets tous secteurs confondus, l’UE accuse en 2023 une croissance de 2,9 %, contre 8,8 % en Chine pour la même période (source : l’Office européen des brevets).
Le facteur de développement des hautes technologies à lui seul n’est guère salutaire : l’Allemagne qui a déposé en 2023 incomparablement plus de brevets que la France – 24 966 contre 10 814 – est un pays dont le marché est également en train d’entrer à grands pas dans une récession économique.
La force toute particulière de la France dans le domaine des technologies avancées se situe dans le secteur des transports/aéronautique et, comme indiqué auparavant, c’est bien la production du matériel de transport qui s’est littéralement effondrée dans l’Hexagone – et ceci malgré la continuation de l’innovation suivie par un important dépôt de brevet dans le domaine.
Le déficit commercial français et les énergies
En ce qui concerne le déficit commercial français, ce dernier se maintient dans des sommets peu enviables : 85,9 milliards d’euros pour la période de mai 2023 à mai 2024, dont 8 milliards d’euros pour le seul mois de mai dernier (source : Insee).
Certes, le camp politique de Macron peut se vanter de n’avoir creusé que 85,9 milliards de déficit contre le record absolu de 162 milliards d’euros qu’il a réalisé en 2022 (source : Douanes françaises), mais il n’y a pas de quoi se réjouir : le très grave déséquilibre du commerce extérieur ne va que s’accentuer car, à ce jour et à l’horizon, il n’y a strictement aucun indice politico-économique sérieux permettant de supposer le contraire.
Ce n’est pas depuis hier, mais depuis l’année 2006 que la balance commerciale française est dans le rouge chaque année consécutive sans exception, le déficit cumulé des dix-huit dernières années a déjà dépassé les 650 milliards d’euros.
Les principales raisons structurelles de ce grave déficit sont : un important déséquilibre du solde des échanges des biens manufacturés, dont la concurrentialité française est plombée par le très haut niveau des prix de l’énergie faisant exploser les coûts de production, la forte dépendance française aux énergies fossiles importées et, surtout, l’incapacité déconcertante du président Emmanuel Macron et des responsables de son appareil exécutif à mener une politique économique nationale et, plus important encore, une politique étrangère qui ne soit pas profondément irresponsable vis-à-vis des intérêts stratégiques de la France qui exigent l’atténuation des retombées désastreuses sur l’économie française par le maintien de relations politico-diplomatiques saines avec des pays fournisseurs d’énergie.
En ce qui concerne les capacités de la production nationale d’électricité, les inquiétudes des Français à la suite de la privation de la France de sa première source d’uranium qui est le Niger ont été atténuées par la communication d’informations sur les stocks français d’uranium a priori suffisants pour faire fonctionner les centrales électriques de l’Hexagone durant les 32 à 40 années à venir.
Le texte n° 222 déposé au Sénat le 19 décembre 2023 dévoile : « Si la France ne dispose pas directement d’uranium naturel sur son territoire, les opérations d’enrichissement ont, elles, lieu en France. Aujourd’hui, pour faire fonctionner nos 56 réacteurs nucléaires, EDF a besoin de 8 000 à 10 000 tonnes d’uranium naturel chaque année. Fin 2021, le stock d’uranium appauvri entreposé sur notre territoire national était de 324 000 tonnes. »
Pourtant, l’apaisement des Français à ce sujet, s’il a eu lieu, est bien hâtif.
Ce même texte stipule : « […] En conservant ce rythme actuel [de l’accroissement des réserves de l’uranium], il devrait avoisiner 550 000 tonnes en 2050. » Ce qui laisse entendre, à juste titre, l’importance stratégique de la continuation de l’accumulation des stocks. Pourtant, les indications relatives aux rythmes d’accumulation des réserves de l’uranium mentionnées dans ce texte du Sénat sont aujourd’hui totalement coupées de la réalité.
Non seulement elles ne sont plus réalisables, mais il y a une forte probabilité que les réserves stratégiques « intouchables » dont la France dispose commencent à être consommées sous peu, faute de volumes d’importations suffisants, et cela sera le signe du début du désastre énergétique à venir.
Avant d’avoir retiré, début juillet 2024, le permis d’exploitation d’un important gisement d’uranium à Madaouéla (nord du Niger) au groupe canadien GoviEx, le gouvernement nigérien a retiré le permis d’exploitation du gisement d’uranium d’Imouraren au groupe français Orano (ex-Areva) le 19 juin dernier. Imouraren, classé comme l’un des plus grands gisements d’uranium au monde, a des réserves estimées à 200 000 tonnes.
La politique étrangère irresponsable du gouvernement de Macron a fait perdre à la France son premier fournisseur d’uranium qui est le Niger. Et ceci d’une manière irrévocable : les puissances étrangères que la France a ouvertement inscrites sur la liste de ses ennemis feront et sont déjà en train de faire le nécessaire pour assurer cette irrévocabilité. La perte par la France de l’accès à ces gigantesques réserves de combustible pour ses centrales électriques est un échec stratégique qui réduit considérablement les alternatives d’approvisionnement et met Paris en position de dépendance accrue vis-à-vis des autres fournisseurs actuels et potentiels.
En parlant du second fournisseur d’uranium de la France – le Kazakhstan – qui, après la perte du Niger, devient de facto le tout premier fournisseur, les autorités françaises n’oublient pas de mentionner que l’exploitation et l’importation depuis ce pays d’Asie centrale se déroulent via l’entreprise locale KATCO qui assure 7 % de la production mondiale d’uranium et dont le groupe français Orano détient 51 % du capital.
Néanmoins, ce que l’Élysée oublie de communiquer à ses citoyens, c’est que les 49 % restants du capital de KATCO sont détenus par l’entreprise Kazatomprom, laquelle, à son tour, appartient à 50 % à l’entreprise Tsentr Obogosheniya Urana, dont la fédération de Russie est le copropriétaire. On ne peut que féliciter la présidence française d’être victime de tels trous de mémoire qui sont salutaires face au danger de l’apparition d’une importante dissonance cognitive chez son électorat.
IDE en France : illusions et réalité
Si la France, dont les flux nets des investissements directs étrangers (IDE) ont atteint 72,7 milliards d’euros en 2022 et 39,1 milliards en 2023, reste depuis plusieurs années consécutives bien en tête des IDE sur le sol européen, ce résultat positif est à nuancer.
Les stocks d’investissements étrangers en France se concentrent à près de 70 % sur trois secteurs : 35 % pour celui de l’industrie (à fin 2023), 14 % pour les finances-assurances et 19 % pour les activités immobilières (source : Banque de France).
Malgré les investissements étrangers assez impressionnants, il est important de ne pas négliger les facteurs qui s’y attachent et qui sont d’une importance stratégique. Notamment, les IDE qui ont lieu en France visent non pas la création de nouveaux emplois, de nouveaux projets de développement et la création de nouveaux sites, mais principalement l’extension des sites déjà existants. En 2021, les projets visant la création de nouveaux sites ne représentaient que 31 %, contre 69 % pour des sites déjà existants. Le nombre moyen d’emplois créés par projet étaient de 38.
En même temps et à titre de comparaison, ces proportions sont tout à fait différentes dans d’autres pays européens, et ceci en grande défaveur de la France. Notamment, selon les dernières données disponibles (2021), en Allemagne, les projets visant la création de nouveaux sites représentaient 81 %, contre 19 % pour des sites déjà existants. Le nombre moyen d’emplois créés en Allemagne par projet était de 45. Au Royaume-Uni, les projets visant la création de nouveaux sites représentaient 77 %, contre 23 % pour des sites déjà existants. Le nombre moyen d’emplois créés en Grande-Bretagne par projet était de 68 (source : EY).
Ainsi, les résultats de l’attraction des investissements directs étrangers dans l’économie française qui sont présentés par l’actuel pouvoir en tant que très grand succès de sa politique sont bien à nuancer : la monnaie étrangère investie en France génère 30 % à 50 % d’emplois de moins qu’en Allemagne ou en Grande-Bretagne, ce qui reflète nettement la réalité désastreuse de la politique française en matière d’emploi.
Les défaillances d’entreprises
Ce n’est plus un secret pour personne que dans la période allant de juin 2023 à juin 2024, la quasi-intégralité des pays de l’UE ont enregistré un nombre de défaillances d’entreprises supérieur à celui d’avant la pandémie du covid.
La France ne fait non seulement pas exception dans la tendance généralisée au sein de l’espace européen, mais en pourcentage elle arrive même en tête par rapport à l’Allemagne et au Benelux au niveau des défaillances d’entreprises, et ce depuis le début de l’année 2023.
Pour les entreprises, les coûts dus à plusieurs éléments clés tels que le refinancement, les salaires et l’énergie sont nettement plus élevés qu’avant la période covid – ce qui n’est guère le cas de la demande. Le grand manque de confiance des ménages dans l’avenir leur fait privilégier l’épargne à la consommation, ce qui déclenche un cercle vicieux, dont la formule est simple : la baisse de la consommation augmente les faillites d’entreprises qui détruisent l’emploi et, partant, baissent davantage la demande des ménages – ce qui, à son tour, impacte directement la croissance.
Non seulement la France enregistre 60 210 entreprises de toutes tailles confondues qui sont entrées en procédure de défaillance ou de cessation de paiement sur un an (données de la Banque de France, fin mai 2024), mais ce chiffre inclut les 5 161 entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grosses PME. Ainsi, ce bilan dépasse même celui du triste record des 4 825 défaillances comptabilisées en septembre 2009 après la crise financière mondiale. Les secteurs clés, tels que l’industrie, l’information/communication et le transport sont grandement impactés et la tendance les concernant ne fait que s’aggraver.
Post-scriptum
Contrairement aux États-Unis d’Amérique qui ont pu, jusqu’à présent, maintenir leur économie nationale à un niveau tout à fait confortable via le déclenchement de guerres aux quatre coins du monde pour réprimer les menaces à leur hégémonie assurée par le statut de leur outil opérationnel principal qui est le dollar américain (tout en en couvrant grossièrement les invasions par des slogans sur l’apport des lumières de la démocratie dans les ténèbres dictatoriales et en tuant au passage des millions de personnes dans ledit processus de « démocratisation »), la France n’est guère ni en position, ni en capacité d’appliquer ce modus operandi, même si ce dernier est considéré comme le plus efficace pour obtenir gain de cause en engageant le moins de contreparties.
Les éléments énumérés dans ce dossier sont non exhaustifs et ne comprennent pas toute une série d’autres problèmes structurels graves de l’économie française, tels que le niveau d’imposition et de taxes le plus élevé au monde, le système fiscal le plus complexe au monde, la dette publique exorbitante qui connaît la plus grande croissance au sein de l’UE et atteint 3 200 milliards d’euros, et le gigantesque déficit public qui se creuse davantage chaque année et arrive à hauteur de 154 milliards d’euros pour la seule année 2023, après 124,9 milliards d’euros pour l’année 2022, ce sont les désastreuses conséquences structurelles produites par la politique nationale et étrangère néfaste menée par la gouvernance française et nécessitant un changement radical de cap dans les plus brefs délais. Le cas échéant, la seule réalité que connaîtra la France sera celle de l’entrée inexorable de son économie dans une profonde récession.