L’Afrique du Sud a perdu il y a quelques semaines l’un de ses citoyens les plus fortunés. Abraham Krok était un multimillionnaire d’origine ashkénaze dont la capacité à s’adapter au contexte pour prospérer fut pour le moins déconcertante. Son décès a été l’occasion pour différents médias étrangers de revenir sur son parcours [1].
Ainsi, du temps de l’Apartheid, Abraham Krok eut l’habileté, et, disons, l’audace, de s’enrichir grâce aux crèmes blanchissantes qu’utilisait alors la population noire. Apparaître plus « métis » était apparemment pour certains un moyen d’accéder plus facilement à un meilleur statut social, ou de s’assurer un peu plus de respect au sein du monde du travail. Les produits de Krok ne se contentaient pas, semble-t-il, d’affecter la dignité de tout à chacun, puisque ils ont aussi fait l’objet de fortes controverses au niveau de leurs conséquences sanitaires [2].
L’affaire se trouvant certainement un peu incertaine à partir des années 90, et de l’arrivée au pouvoir de Nelson Mandela en 1994, Krok changea alors de stratégie. Il trouva « l’inspiration » au cours d’une « visite du musée de l’holocauste à Washington »… Et créa le musée de l’Apartheid, à Johannesburg.
Parallèlement, à l’aise dans sa peau neuve d’humaniste bien adaptée au goût du jour, Krok a continué à accumuler les millions, notamment grâce à des casinos (dont un « littéralement collé au musée », nous dit le quotidien espagnol El Pais) [3]. Passionné de football, il deviendra aussi le propriétaire du club de Pretoria les Mamelodi Sundowns.
En bref, Abraham Krok aura toujours su prendre la position juste et profiter des tensions ou inégalités interraciales. Il aura toujours su se glisser du coté du pouvoir et de l’argent. Une faculté épatante, mais peut être aussi, quelque part, assez typique.