La chose se passe en deux temps : un, le site de l’Observatoire du journalisme taille un portrait plutôt juste, avec quelques imprécisions, de l’oligarque Denis Olivennes, fils du poète Armand Olivennes, né Olievenstein, et donc neveu du célèbre psychiatre spécialisé dans la toxicomanie Claude Olievenstein, qui a tant fait parler de lui dans les années 70. Deux, un courrier d’avocat du cabinet Temime lui enjoint de publier un droit de réponse sous forme de rectificatif du portrait.
Le portrait est intitulé « Denis Olivennes, l’homme des réseaux ». On suit sa progression dans le monde politique (idéologiquement proche de Fabius, Sarkozy puis de DSK) et dans le monde économique où il laisse, selon Wikipédia, des comptes renforcés à chacun de ses passages : Air France, Canal+, PPR, la FNAC, Le Nouvel Obs, Lagardère... C’est la légende Olivennes, le redresseur de comptes. Or quand on gratte un peu, on se rend compte que là où cet énarque passe, l’herbe a du mal à repousser. C’est un libéralisateur dans l’âme : les chiffres sont bons, mais au détriment du social.
« Il a adopté la tactique dite du nénuphar, commente un grand patron. Telle la grenouille qui saute de plante en plante. Et il se barre juste avant l’échec, juste avant que cela ne se voie. Canal +, PPR, Air France, la Fnac, la grenouille a beaucoup sauté et n’a pas franchement marqué les mémoires. ”De lui, on ne se souvient de rien, aucune trace, sauf ses incroyables indemnités de départ”, grince un malveillant. Un élu acerbe qui l’a beaucoup fréquenté lorsqu’il était fabiusien alourdit la barque : ”Il est plus fort pour faire parler de lui que pour accomplir quoi que ce soit”. Et, ajoute un patron de presse, ”il est plus doué pour les relations publiques que pour la gestion’. » (Le Canard Enchaîné, 8 décembre 2010)
Aujourd’hui, il gère le pôle média du repreneur de la presse française, l’investisseur tchèque dont Faits & Documents a fait un portrait précis. Olivennes est bien un oligarque français : dans le monde très confus de la politique, des médias et des affaires, où tous les pouvoirs s’entremêlent, il arrive toujours à rebondir et à retrouver un poste exposé. Il n’y reste jamais longtemps, c’est un haut fonctionnaire passé dans le privé sans attaches, qui n’a jamais rien créé, comme un Dassault ou un capitaine d’industrie. Il se contente de gérer à l’américaine les grosses boîtes qu’on lui propose. Ce qui n’est pas une mince affaire.
Le portrait de l’OJIM l’a donc fait tiquer. Surtout, pour un homme de gauche, ce passage délicat :
« Fin 2015, sa compagne est la cible d’une plainte pour travail dissimulé et licenciement abusif ; sa gouvernante de 55 ans, qui a cessé d’être payée, affirmait qu’elle devait son licenciement à son refus de devenir auto-entrepreneur (et donc de prendre les cotisations patronales à sa charge). D’après le Canard Enchaîné “Chantal s’occupait de faire le ménage, les courses, les repas pour les invités en plus de veiller sur la propriété de 9 hectares et d’aller chercher les visiteurs du couple à la gare d’Avignon lorsqu’ils avaient de la visite. Et pendant deux ans et demi, son employeur aurait “oublié de lui réclamer des factures” pour la payer”. Les prud’hommes auraient ordonné le paiement de 4 680 euros comme rappels de salaires fin décembre 2015. Plus tôt dans l’année, une dépendance de la maison de Tarascon qu’occupent l’ex-mannequin et son compagnon a fait l’objet des attentions de la justice, car elle a été construite sans permis. »
Le diable se cache dans les détails, c’est bien connu. À ces allégations le cabinet d’avocats répond (avec des fautes d’orthographe) :
« Il y était également allégué que Monsieur Olivennes aurait connu un contentieux prud’homal avec une gouvernante qu’il aurait employé dans sa résidence de Tarascon, qu’il aurait fait l’objet d’une plainte pour travail dissimulé et licenciement abusif et enfin qu’une dépendance de sa maison qu’il occupait “avec sa femme” aurait été construite sans permis.
Or, Monsieur Olivennes n’est pas marié, il n’est propriétaire d’aucune maison dans le sud de la France, il n’y a jamais eu d’employé et il n’a jamais fait l’objet d’une plainte pour travail dissimulé ou licenciement abusif ni connu de contentieux d’urbanisme. »
Ce à quoi l’OJIM répond :
« L’histoire de la propriété de Tarascon est plus compliquée. Il est en effet possible que Monsieur Olivennes ne soit « propriétaire d’aucune maison dans le Sud de la France ». La maison en question semble être possédée par sa compagne. Il n’en est pas le propriétaire mais en tant qu’usager très régulier il est informé des événements majeurs s’y déroulant. »
En citant ensuite deux articles, l’un du Canard enchaîné, l’autre de Libération.
Bref, les échanges sont en cours, et on apprend, comme souvent en France malheureusement, que les hauts fonctionnaires font la navette entre public et privé pour gagner plein d’argent. Ce qui n’est pas un crime, mais qui dénote d’un sens de l’intérêt général plutôt moyen. Le gros paragraphe sur sa rémunération au Nouvel Obs est un morceau d’anthologie...
« D’après le Canard Enchaîné et le Nouvel Obs (Olivennes, un patron très cash), une partie de ses avoirs seraient investis outre-mer, pour défiscaliser. Il a aussi bénéficié de la niche Girardin industriel, “mécanisme incroyablement généreux pour les riches contribuables, avec un retour sur investissement de 25% à 40% quasiment sans risque, et effroyablement onéreux pour les dépenses publiques”. »