Le président de la République initie à dessein ou contre sa bonne volonté une séquence politique qui bousculera – quoi qu’il souhaite – l’organisation du contrôle politique sur les forces armées françaises.
En cela, il convient de relever que le contrôle parlementaire de l’action militaire du gouvernement semble voué à ne pas exister.
Dans les faits, le numéro de théâtre joué à l’endroit du Chef d’État-Major des Armées (CEMA) contient une part de spectacle qui rejaillit d’ores et déjà sur les institutions puisque ces dernières reposent sur une dynamique – excessivement instable en France depuis 1789. Les protagonistes de la pièce n’ont pas tous la gloire d’exister à l’avant-scène :
Premièrement, le Président de la République supprime le lien entre le CEMA et le Parlement. De manière paradoxale, il n’est pas reproché au général Pierre de Villiers d’avoir assumé – enfin ! – la parole militaire dans le débat public depuis les revues spécialisées (Revue de Défense nationale, Défense et sécurité internationale, etc) jusqu’aux grands médias (Le Figaro, Le Monde, etc). Non, il lui est reproché d’avoir témoigné des conséquences de la politique gouvernementale sur ses responsabilités légales et militaires. Raisons pour lesquelles il doit rendre compte à la représentation nationale et territoriale…
En conséquence, le contrôle parlementaire recule d’autant que les chefs d’état-major, officiers généraux, haut-fonctionnaires et autres chefs d’entreprises dans lesquelles l’État est actionnaire majoritaire ne pourront plus s’exprimer « librement » devant les députés et sénateurs des deux ou trois commissions concernées.
Deuxièmement, ce duel exclut donc Florence Parly qui n’est pas ministre de la Défense nationale mais bien une « collaboratrice » du président de la République. En effet, le dialogue est sans intermédiaire entre le président et le CEMA car le premier énonce et assume les responsabilités de sa politique. Le périmètre ministériel s’en trouve réduit à un fortin non pas de campagne mais de cabine de plage.
Troisièmement, le Parlement en ses deux ou trois commissions compétentes (Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées au Sénat ; commission de la Défense et des forces armées à l’Assemblée nationale ; voire les commissions des finances deux chambres) ne peut pas contrôler l’action du gouvernement dans la mesure où le premier des militaires est vassalisé à outrance et non pas l’équivalent d’un connétable. Le précédent ministre – Jean-Yves Le Drian – pouvait prétendre à un tel surnom là où Florence Parly n’est qu’une exécutante ravalée au rang de secrétaire d’État rattachée directement au président. Tout repose sur l’action du président de la République qui n’est pas contrôlable par le Parlement qui ne pourra se reposer que sur une ministre à l’absence d’épaisseur politique.
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C’est pourquoi il appartient au Parlement de par ses deux chambres d’apprécier l’ensemble des promesses présidentielles, leur mise en œuvre par cette sorte d’avenant au précédent livre blanc et sa traduction depuis les lois de finances et en particulier la loi de programmation militaire. Un Parlement « audacieux » dans le cadre français devrait vigoureusement se charger de contrôler si les rectifications apportées au budget 2017 et la loi de finances 2018 traduisent un cadre politico-militaro-financier. En l’occurrence, le budget 2018 annoncé avec 34 milliards d’euros annoncés pour la Défense ne bénéficie de pratiquement aucune hausse s’il ne s’agit d’intégrer dans son périmètre l’entièreté des dépenses pour les opérations extérieures (1,2 milliards). Il ne représentait plus que 32,8 milliards d’euros. Difficile de parvenir à 50 milliards en 2025 en prenant du retard dès 2018.