Le bilan 2019 de la délinquance en France est mauvais, très mauvais. Le ministère de l’Intérieur a donc publié en toute discrétion ses chiffres, via son service statistique, le SSMI. Il est loin le temps où les ministres défendaient leur action en toute transparence, au cours d’une grande conférence de presse. Il faut dire que le sujet est devenu sensible, surtout à quelques semaines des élections municipales : quasiment tous les indicateurs sont au rouge, avec une nette dégradation de la situation sur le plan des violences.
En lisant cet article du Figaro sur les violences, qu’il n’est pas question de nier, et en cherchant dans les archives récentes, nous nous sommes aperçus d’une chose : que le Système essayait de superposer sur cette violence endémique la violence faite aux femmes.
Il y a dans les médias un nombre d’articles ou de reportages sur les violences faites aux femmes – dont les fameux féminicides – disproportionné par rapport aux violences faites aux citoyens, dont les policiers. Nous parlons des violences des racailles envers les policiers, pas de celle des policiers envers les Gilets jaunes ou les manifestants, c’est un autre sujet, d’ailleurs on pourrait les appeler les violences gouvernementales, puisque c’est l’exécutif qui donne les ordres. De la violence, il y en a donc dans tous les sens, en haut et en bas.
La place Beauvau est bien forcée de le reconnaître : « Comme en 2018, les coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus enregistrent une forte hausse en 2019 (+8 %). » De même, concernant les violences sexuelles, « après une année 2018 marquée au niveau national par une hausse sensible (+19 %), l’année 2019 affiche également une augmentation très nette de ces violences (+12 %). »
Médiatiquement, les 121 et quelques « féminicides » (comptabilisés a minima par la police et un journaliste de Libération) prennent une place démesurée par rapport à la montée des violences civiles : les agressions plus ou moins graves, les atteintes aux personnes ou aux biens. Pour info, il y a eu un peu plus de 900 homicides en France en 2019, et dans les homicides on ne fait pas la différence entre féminicides et masculinicides !
Cependant, la violence sociétale prend le pas dans les médias sur la violence sociale, et quand il s’agit de la violence sociale, c’est souvent celle des manifestants ou des contestataires qui est mise en avant. Et ce n’est qu’à l’occasion de la publication des statistiques de janvier qu’on découvre le niveau des violences en France, toutes violences comprises. Cela fait du papier pendant quelques jours, puis on passe à autre chose. Routine.
Moins d’État, plus de mafias
Pourtant, c’est le signe non pas d’une société « malade », ce qui ne veut rien dire, mais d’une société en mutation. Tout le monde peut voir que la France change. Il y a bien sûr des zones de non-droit en France, la manière élégante de dire ghettos ou bantoustans, là où les racailles font la loi. La question de l’éradication de cette violence reste posée (si l’on met de côté la violence sociale par « abandon » exercée sur les quartiers par les gouvernements successifs, malgré les subventions massives), mais on a un doute sur la volonté politique : le dérèglement de toute légalité et de la souveraineté nationale dans ces cités ressemble à s’y méprendre à ce que le néolibéralisme prône en haut lieu !
Dérèglement, dérégulation, capitalisme sauvage, quelle différence avec les injonctions du MEDEF aux gouvernements successifs ? Qui leur susurre « moins d’État », plus de privé... On en voit le résultat dans les cités chaudes : moins de sécurité, moins de lois, moins de justice, plus de loi du plus fort, montée des bandes, de l’ethnicisation, de la radicalisation islamiste, des trafics, du crime plus ou moins organisé, du bon gros néolibéralisme mais d’en bas, en casquette et plus en col blanc. C’est le cas des villages pauvres de Sicile ou du sud de l’Italie oubliés par l’État et repris en main par la mafia.
« Ces chiffres sont particulièrement révélateurs. Les violences qui grimpent ne sont pas seulement celles liées au maintien de l’ordre. Tous les types de violence sont concernés, faisant effectivement craindre un retour à presque quarante années en arrière, en tout cas sur le terrain des homicides et des tentatives d’homicides. »
Comme par hasard, c’est le spécialiste de la « sécurité », et donc de la violence (ou du terrorisme) Alain Bauer – le super-franc-mac, l’homme de tous les réseaux – qui commente ces mauvais chiffres : « C’est le pire bilan qu’on ait vu depuis des années ». Étonnant, non ?, comme dirait Jean-Michel Aphatie.
Au fait, quelle est la réponse du pouvoir à ces augmentations tous azimuts ? La Police de sécurité du quotidien, cette resucée de la police de proximité supprimée (en 2003), on a compris pourquoi, par le ministre de l’Intérieur Sarkozy, qui a basé son élection (de 2007) sur le rejet par la population électorale de la violences des cités. Une bonne vieille instrumentalisation qui rappelle l’instrumentalisation « sociale » du Parti socialiste, comme quoi tout le monde a profité du merdier. Les banlieues, repoussoir à voix ou réservoir à voix !
Pour couronner le tout, on doit faire avec une justice qui relâche tranquillement des milliers de délinquants pourtant multirécidivistes, une justice sans moyens, avec un manque de magistrats criant, des magistrats qui pensent « mur des cons », et des prisons trop pleines et trop peu nombreuses. Une couscoussière en état d’ébullition.
Faudra-t-il revenir, pour éviter une déflagration sociale généralisée, au travail forcé et à la relégation ? C’est peut-être la seule solution pour une pleine-sécurité et un plein-emploi...