L’exécutif français a entériné mercredi son projet d’inscrire dans la Constitution le régime de l’état d’urgence pour faire face à la menace terroriste, rejetant les critiques sur les atteintes qu’il pourrait induire pour les libertés individuelles.
L’état d’urgence, un statut d’exception à l’état de droit, a été décrété dans la foulée des attentats du 13 novembre (130 morts) revendiqués par le groupe État islamique. Voté à la quasi-unanimité du Parlement, il est applicable jusqu’au 20 février.
« Le devoir de vérité, c’est de répéter que la menace n’a jamais été aussi élevée », a justifié devant la presse le Premier ministre socialiste Manuel Valls, en présentant cette réforme constitutionnelle.
Celle-ci est la meilleure garantie contre toute « dérive », en permettant de « borner les critères de déclenchement de l’état d’urgence » et d’« encadrer les mesures de prolongation dans la Constitution », a-t-il fait valoir.
« Ceux qui affirment le contraire se trompent et d’ailleurs ne poursuivent pas l’objectif qu’ils se sont donné : assurer davantage notre démocratie et notre état de droit », a déclaré Manuel Valls, visant les détracteurs de cette réforme qu’ils jugent attentatoire aux libertés individuelles.
L’état d’urgence permet aux représentants de l’État de faire procéder à des perquisitions, assignations à résidence et dissolutions d’associations sans en référer à l’autorité judiciaire, sur le simple soupçon de menace à la sécurité publique.
Ce régime d’exception n’est régi jusqu’à aujourd’hui que par une simple loi. Il était donc susceptible d’être contesté devant le Conseil constitutionnel, ce qui ne sera plus possible une fois réalisée la réforme voulue par l’exécutif.
Depuis plus d’un mois, échaudés par plusieurs dérives dans l’application de l’état d’urgence relatées par des médias, certains responsables, surtout à gauche, s’interrogeaient sur la réelle efficacité de l’état d’urgence pour combattre le terrorisme.
Selon le ministère français de l’Intérieur, les quelque 3000 perquisitions menées depuis les derniers attentats se sont traduites par 346 interpellations, 297 gardes à vue et 51 personnes écrouées. Une infime minorité des personnes concernées ont été mises en cause pour lien avec le terrorisme.
Déchéance de la nationalité des binationaux nés Français
Le projet du gouvernement va être soumis pour approbation au Parlement. Manuel Valls a annoncé un « débat à partir du 3 février » à l’Assemblée nationale. Pour qu’il soit adopté, le texte doit recueillir une majorité des trois cinquièmes des députés et sénateurs.
Après plusieurs jours de tergiversations gouvernementales, la possibilité de déchoir de la nationalité française tous les binationaux nés en France et condamnés de manière définitive pour des « crimes contre la vie de la nation », incluant des actes de terrorisme, a été retenue, a précisé Manuel Valls.
La déchéance de nationalité existait en France mais uniquement pour des binationaux ayant acquis la nationalité française au cours de leur vie. Sujet controversé, en particulier à gauche, son extension aux binationaux nés en France était réclamée par l’opposition de droite et d’extrême droite.
La France compte quelque 3,5 millions de binationaux.
La décision du président François Hollande de garder cette disposition dans le projet gouvernemental représente un camouflet pour la ministre de la Justice Christiane Taubira, qui avait annoncé la veille qu’elle n’y figurerait pas.
Autre mesure prise en parallèle de l’état d’urgence, le rétablissement des contrôles aux frontières françaises après les attentats de Paris a entraîné le refoulement au total de 3.414 personnes, « en raison du risque qu’elles présentent pour la sécurité et l’ordre public », selon les autorités françaises.
Mercredi, le premier ministre a annoncé que « le seuil des 1000 individus ayant rejoint depuis la France les groupes jihadistes en Syrie ou en Irak » venait « d’être franchi ». « Environ 600 d’entre eux y sont toujours et on estime à 148 le nombre d’individus ayant trouvé la mort. 250 sont revenus sur notre sol », a précisé Manuel Valls.