Sarah Abed poursuit son analyse du rôle de certaines organisations kurdes, abusivement mises en avant comme représentatives de la totalité des kurdes syriens, dans la guerre au Moyen-Orient élargi.
Cet article fait suite à « Les Kurdes, arme de déstabilisation massive de Washington au Moyen-Orient », par Sarah Abed, Traduction Jean-Marc Chicot, Réseau Voltaire, 29 août 2017.
Les liens des Kurdes avec Israël
Les relations kurdo-israéliennes ont significativement mûri. Depuis les années 1960 au moins, Israël a épisodiquement fourni aux Kurdes une assistance sécuritaire et un entraînement militaire. Cela a principalement servi de diversion contre Saddam – en le gardant occupé alors qu’Israël menait deux guerres contre une coalition de ses voisins arabes – mais la compréhension mutuelle de leurs difficultés respectives a aussi nourri des affinités israélo-kurdes. Tout semble indiquer que cette coopération sécuritaire continue encore aujourd’hui. L’approvisionnement d’Israël en pétrole kurde bon marché ne montre pas seulement le renforcement des liens économiques mais aussi une main tendue à Erbil, à son budget famélique, laquelle suggère un pari stratégique sur les Kurdes dans une région en mutation.
D’après une étude récente de l’Université hébraïque [1], la population la plus proche des juifs d’un point de vue génétique pourrait être les Kurdes.
Les Kurdes sont alliés avec le pire ennemi de la Syrie – Israël – pour qui, incidemment, l’aspiration au Grand Israël s’accorde presque parfaitement avec les projets des Kurdes pour le « Kurdistan » [2]. Le plan pour un « Grand Israël » d’Oded Yinon, établit qu’il est impératif d’utiliser les Kurdes pour mieux diviser les pays voisins et ainsi contribuer à un plan de domination élargie [3]. Il est assez intéressant de voir que les Kurdes minimisent cette alliance en la considérant juste comme un pas supplémentaire vers la réalisation de leur but ultime, la création d’un Kurdistan autonome.
Tous les principaux groupes politiques kurdes dans la région ont des liens de longue date avec Israël. Tout cela est lié à de graves violences ethniques contre les Arabes, les Turkmènes et les Assyriens. Depuis le PKK en Turquie jusqu’au PYD et au YPG en Syrie, du PJAK en Iran au plus célèbre de tous, le régime mafieux Barzani-Talabani (GRK/Peshmerga) au nord de l’Iraq. Ainsi, on ne devrait pas être surpris qu’Erbil fournisse Daesh (l’Emirat islamique ou Etat islamique) en armes pour affaiblir le gouvernement iraquien à Bagdad [4]. Et quand on comprend qu’Erbil n’est rien de plus qu’un faux nez de Tel-Aviv en Iraq, le stratagème devient clair.
Israël a apparemment fourni au GRK des armes et de l’entraînement militaire avant même ses affrontements armés avec Daech [5]. Côté stratégie économique, Israël a accordé un soutien vital au GRK en achetant du pétrole kurde en 2015, alors qu’aucun autre pays ne voulait le faire car Bagdad les menaçait de poursuites judiciaires. Le ministre des Ressources naturelles du GRK, Ashti Hawrami, a même reconnu cet arrangement en disant que le pétrole kurde était souvent écoulé par Israël par souci de discrétion.
En janvier 2012, le journal français Le Figaro a affirmé que des agents secrets israéliens recrutaient et entraînaient des dissidents iraniens dans des camps clandestins de la région kurde d’Iraq [6]. En se rangeant du côté kurde, Israël y gagne des yeux et des oreilles en Iran, en Iraq et en Syrie. Un an plus tard, le Washington Post a découvert que la Turquie avait révélé aux services secrets iraniens l’activité en Iran d’un réseau d’espions israéliens parmi lesquels figuraient dix personnes identifiées comme Kurdes qui auraient apparemment rencontré des membres du Mossad en Turquie [7]. Cette situation instable entre Israël et la Turquie dure encore aujourd’hui.