Aucun suspens : le général américain Geoffrey Miller ne se rendra pas au rendez-vous fixé, mardi 1er mars, par la justice française. Rien n’oblige en effet l’ancien commandant de la base américaine de Guantánamo (Cuba) à quitter le Texas, où il coule une retraite lucrative de consultant, pour répondre aux questions de la juge d’instruction parisienne qui l’a convoqué.
L’ancien général doit cette symbolique péripétie judiciaire – à laquelle il n’a pas réagi – à Nizar Sassi et Mourad Benchellali, deux Français arrêtés en 2001 au Pakistan par les forces américaines, puis transférés à Guantánamo. Soupçonnés par les États-Unis de liens avec Al-Qaïda, ils y ont été détenus entre 2001 et 2004 avant d’être renvoyés en France ; ils avaient alors porté plainte pour détention arbitraire et torture. Outre leur propre expérience, les deux hommes se sont appuyés sur les rapports du Centre pour les droits constitutionnels (CCR), dont le siège est à New York, qui détaillent les mauvais traitements infligés aux prisonniers détenus sans jugement à Guantánamo, après les attentats du 11-Septembre.
Après Guantánamo, il dirige Abou Ghraib…
Alors que l’administration du président George W. Bush avait autorisé les « techniques d’interrogatoire renforcées », dès le début 2002, le CCR a pointé la responsabilité du général Miller, commandant de la base de novembre 2002 à avril 2004, dans la mise en œuvre de pratiques musclées. Un rapport de la commission sénatoriale des forces armées, publié en 2008, indiquait également que certaines techniques d’interrogatoire, telles que placer les détenus dans des postures contraintes ou dégradantes, l’utilisation agressive de chiens, les simulations de noyade (waterboarding), l’exposition au froid ou à la chaleur extrême ont été employées alors que le général Miller dirigeait la base. Ce dernier a ensuite été nommé en Irak, où il a notamment supervisé la tristement célèbre prison d’Abou Ghraib, où des traitements dégradants ont également été infligés à des prisonniers.
Même si l’avocat des plaignants français, William Bourdon, a reconnu que la présence de M. Miller à Paris, mardi, était peu probable, le CCR s’est félicité de cette convocation : « Tant que les États-Unis refuseront d’enquêter de façon approfondie sur leurs programmes de torture, d’en poursuivre les instigateurs et les principaux acteurs, la justice sera à chercher devant des tribunaux et dans des pays, comme la France, où elle peut être rendue. »