On va finir par croire qu’en 2025, à l’orée de la guerre de l’OTAN – et donc de la France – contre la Russie, on a les mêmes généraux qu’en 1940.
Pierre Vandier est le commandant suprême en charge de la transformation de l’OTAN. Comprendre que l’OTAN, cette vieille machine de guerre, a une guerre de retard, même si elle a décidé de se réveiller pour punir l’ogre russe qui nous envoie quelques abeilles.
Pour l’instant, dans l’armement, la stratégie, les choix opérationnels et tactiques, c’est la Russie qui mène au score à la mi-temps. L’OTAN a dû remballer ses blindés, qui se sont fait achever par des drones à 20 000 balles, et qu’il fallait détruire avec des missiles sol-air à 2 millions, un rapport de un à cent... Niveau attrition, on était du mauvais côté.
Ce qu’on a aimé dans cette interview, c’est la croyance chez notre 5 étoilé que la Russie veut nous attaquer, alors qu’elle a juste envie de se défendre contre les intrusions de l’OTAN, qui pousse les malheureux Ukrainiens devant elle dans le hachoir à viande.
En outre, il explique que les 32 pays concernés de l’Alliance représentent « un formidable rempart », et un paragraphe après, que les 32 ne s’entendent pas sur la marche à suivre, à savoir la réplique aux Russes. On sent comme un fumet de ligne Maginot et de Gamelin, là. Il ne faut pas surestimer ces généraux, qui sont, comme dans les grosses boîtes, des ambitieux et des carriéristes.
Mais Vandier ne fait pas que de la propagande, ce qui se comprend, il explique pourquoi le front s’est stabilisé. On ne dira rien sur le niveau de stupidité de la question du Figaro, parce qu’on reprend leur article payant et qu’on essaye de passer inaperçus.
Pour revenir au front ukrainien, on semble y inventer une nouvelle manière de faire la guerre, mais on voit aussi comment une armée ukrainienne dix fois moins puissante a quasiment arrêté l’armée russe…
On voit sur le terrain ukrainien une intégration chaque jour plus poussée entre l’espace, le monde de la data et du logiciel, et la robotique. Ce mouvement n’est pas né hier : l’attaque d’Aramco par les houthistes en 2019 a montré la montée en puissance de dispositifs bon marché et faciles à déployer avec des kits et des drones que l’on peut quasiment acheter sur Amazon, et qui ont ensuite été massivement militarisés. Aujourd’hui, ces capacités low cost sont combinées à des services spatiaux et de connectivité très accessibles : antennes Starlink embarquées sur des drones, liaisons satellitaires à des tarifs proches d’un abonnement domestique, ce qui multiplie les options tactiques et accélère les cycles d’adaptation.
On constate au plan tactique que cette nouvelle façon de faire la guerre est d’une exceptionnelle létalité. En Ukraine, la zone de contact est un front dont la violence est proche de celle observée lors de la Première Guerre mondiale. La durée de vie se compte en heures ou minutes dans ces zones de confrontation, avec une surveillance persistante et des armes de plus en plus précises, quasiment autonomes pour certaines. Cela a créé un facteur d’équilibre du front malgré l’asymétrie des armées et l’écart de profondeur stratégique.
En tout cas, on comprend dans toute l’interview que c’est l’OTAN qui mène la guerre, et l’Ukraine ne compte pas, sinon juste en tant que terrain, pourrait-on dire. C’est d’un centre opérationnel polonais que sont décidées les frappes en profondeur sur les centres énergétiques russes, par exemple, avec des moyens appropriés. La guerre est déjà déclarée, et la France est partie prenante. C’est cette guerre, plus encore que la Banque avec ses intérêts sur la dette, qui provoque une crise économico-sociale, et maintenant politique, en France.
Parce que ce ne sont pas les pays baltes de la connasse Kallas qui vont faire l’effort de guerre. Sans le savoir, les Français sont entraînés dans une guerre de longue durée, et pour qu’ils se réveillent de leur illusion de neutralité, il manque juste des soldats français sur place, en Ukraine. La guerre n’est pas déclarée, non : elle est en cours. Il faut simplement trouver des prétextes, et les drones, ce n’est pas suffisant pour l’opinion, il faut un Pearl Harbour européen. Ça, c’est de nous, pas de l’amiral.
Pour l’instant, on dépense, en hissant de 1,5 % à 3,5 % du PIB le budget militaire, alors qu’on ne nous a rien demandé. Vandier est content, les Français qui n’ont pas été consultés se font faire les poches pour une guerre décidée de longue date par l’OTAN, c’est-à-dire les Anglo-Américains, puisque la France est à la traîne du duo. Vandier a beau nous rassurer en disant que l’OTAN n’a pas vocation à attaquer, elle ne fait que ça depuis trois ans, non, onze ans même, pour ce qui concerne l’Ukraine. Mais elle attaque en douce, et sous proxy. La question du Figaro, qui tremble de bonheur à l’idée d’une guerre totale, est donc déjà dépassée.
Ne se rapproche-t-on pas du seuil de la guerre avec une Russie de plus en plus débridée ? Certains services de renseignements alertent sur le risque de guerre directe d’ici deux à trois ans.
Nous sommes dans une course de crédibilité. L’Otan se retrouve mise au défi de démontrer qu’elle est crédible par la Russie, qui la teste dans un certain nombre de domaines. Reprenez les différentes affaires qui se multiplient, les sabotages, les tentatives d’assassinats de patrons de boîtes de défense, et même en France un certain nombre d’épisodes, comme les cercueils au pied de la tour Eiffel, les pictogrammes antijuifs… L’adversaire joue avec les symboles et divisions de nos sociétés pour démontrer que notre défense n’est pas sérieuse, alors qu’en fait, elle l’est. Notre objectif est de le démontrer avec professionnalisme et profondeur de champ. On est là pour donner des réponses stratégiques et démontrer qu’on est bien mieux défendus à 32 que tout seuls, même s’il reste compliqué de mettre 32 pays d’accord.
La conclusion de l’amiral, qui nous explique bien qu’on ne fait que se défendre, ébranle sa démonstration de pacifisme défensif : on est dans une pré-guerre mondiale.
Si vous regardez l’histoire de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, on a été capable de le faire [le développement rapide de moyens low cost comme les drones, NDLR]. Contrairement aux dictatures, on n’a pas besoin de menacer de mettre des gens en prison pour y arriver ! On l’a vu aussi pendant le Covid. C’est notre force d’adaptation occidentale.
Ah oui, le covid, quelle grande victoire, monsieur Vandier. On a su trouver la parade : le vaccin Pfizer, qui a rendu les actionnaires BlackRock et Vanguard encore plus riches, tiens, et qui sont intéressés à la reconstruction de l’Ukraine, à défaut d’avoir pu voler la terre russe...
« La menace russe est plus forte que jamais »