C’est Le Point qui a levé ce lièvre israélo-français, mais notre traitement différera de celui du journal de BHL et Pinault. Pour les faits, honneur à l’intro de l’hebdo :
Je suis déçue, malheureuse, hors de moi. Je ne suis pas née à Paris en 1933, je suis née à Vendôme en 1942, quand les Philippeau m’ont cachée chez eux, au 71 rue de la Mare, avec ma sœur… » Le 7 avril, Arlette Testyler-Reimann, présidente de l’Union des déportés d’Auschwitz, apprend que la cérémonie de remise de médailles des Justes parmi les nations en hommage à Jean et Jeanne Philippeau, savetiers à Vendôme, n’aura pas lieu dans cette ville.
En mettant les formes – « c’est avec un profond regret » –, le directeur de cabinet de la ville, Jean-Philippe Boutaric, annonçait à Paul Sebaoun, le délégué régional du Comité français pour Yad Vashem (CFYV), organisme coorganisateur des cérémonies pour les Justes, « la décision prise collégialement par les élus de la ville de ne pas accueillir la cérémonie de remise de la médaille des Justes ». Une première en France.
Petite surprise, on ignorait que les régions avaient un délégué du Comité français pour Yad Vashem, on pensait que le CRIF et ses extensions locales suffisaient à fédérer les plaignants communautaires de France et de Navarre. Les CRIF locaux ont en effet pour fonction, entre autres, de faire remonter au centre et à l’Intérieur les cas d’antisémitisme, et d’en alerter les gouvernements successifs en criant au loup, le tout grâce au fameux dîner du CRIF. Un lobbying totalement décomplexé en république, ce qui ne semble gêner personne dans la presse, surtout pas Le Point, magazine qui a pris fait et cause pour Israël dans le génocide en cours.
Passons à l’analyse du cas, sans entrer dans les détails, car tout figure dans l’article originel. L’affaire des Justes de Vendôme est exceptionnellement intéressante, car elle porte en elle l’explosion politico-communautaire à venir (ou en cours). On a tous compris que le maire (de droite) rechignait à organiser la cérémonie dans son bled parce que les municipales de 2026 approchent, et qu’il ne veut pas avoir contre lui les anti-génocidaires, qu’ils soient de droite ou de gauche, ou, bien sûr, issus d’autres communautés : la communauté turque de Vendôme, ou plus largement, la communauté musulmane, les quartiers.
Les exigences du lobby juif local pour mettre à l’honneur une seule personne créent un triple malaise – démocratique, démographique et moral – en période de génocide, et surtout, montrent que la pression d’une minorité contre la majorité a ses limites.
Électoralement parlant, c’est perdant. Le coup du drapeau israélien pendant la cérémonie des Justes est archi symbolique : c’est carrément un signal intrusif, presque une occupation à l’image de la cérémonie de hanoukka à l’Élysée fin 2024, la fameuse « entorse » à la loi de 1905, comme un bras tordu à la république.
Ce sont des Français qui ont sauvé des juifs pendant la guerre, pas Israël, surtout pas ce pays en guerre permanente contre les Palestiniens.
En extrapolant un peu, on pourrait ajouter dans la balance l’entente cordiale mais fragile entre Erdoğan et Netanyahou pour se partager la Syrie, avec un « gag » à l’arrivée, si la situation n’était pas si dramatique pour les pauvres Syriens, abreuvés de quinze ans de guerre fratricide : les Israéliens ont voulu détruire leur grand voisin laïc et nationaliste, sur le modèle de l’Irak en 2003, les voilà désormais face à la Turquie, pour le coup vraiment islamiste et dix fois plus puissante ! Le Grand Israël de Netanyahou se heurte à la Grande Turquie d’Erdoğan, qui vient d’accuser Israël de tenter « de dynamiter la révolution du 8 décembre en attisant les différences ethniques et religieuses en Syrie et en incitant les minorités du pays à s’opposer au gouvernement »... Le Monde écrit :
« Nous ne permettrons pas que la Syrie soit entraînée dans un nouveau tourbillon d’instabilité », a ajouté M. Erdoğan, affirmant que « le peuple syrien en a assez des souffrances, de l’oppression et de la guerre ». Globalement, le président turc a accusé Israël de « menacer directement la stabilité de la région […] avec ses attaques contre le Liban et la Syrie ».
Et les Turcs de s’installer tranquillement dans la base aérienne T4 (à Palmyre) récemment détruite par les Israéliens... Comme dirait Jonathan Lambert, « c’est gagné ».
Pour en revenir au niveau local, le cas Vendôme dépasse donc la simple querelle de clocher. Nous sommes en présence d’un point de tension national entre une communauté qui dicte sa loi à la république et à ses élus, ces derniers se retrouvant entre le chien et l’os, ou plutôt le chien et le loup : s’ils penchent trop côté lobby, c’est-à-dire Israël, ils se font écharper par la gauche, une partie de la droite et toute la communauté musulmane, qui pèse électoralement. S’ils penchent trop côté peuple, ils se font mordre par le lobby. C’est ce pouvoir visible qui choque les Français, a fortiori les patriotes.
On comprend, à l’aune de cette affaire, pourquoi beaucoup d’élus locaux ne tiennent plus le coup !
Vendôme, la carte postale