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L’affaire Rhodia : le plus gros scandale financier français ?

 

Un complément au portrait Faits & Documents de Thierry Breton, en exclusivité pour E&R !

 

Le lundi 27 juin 2005, alors que le nouveau ministre de l’Économie et des Finances Thierry Breton est officiellement en déplacement à New York pour la préparation d’un sommet de l’ONU, des perquisitions diligentées par les juges d’instruction Henri Pons et Jean-Marie d’Huy ont lieu dans ses bureaux à Bercy, à son domicile parisien, aux sièges de Canal+, de Thomson, de Vivendi Universal et au domicile de Jean-René Fourtou (ancien PDG de Rhône-Poulenc).

 

À l’origine de cette opération exceptionnelle et spectaculaire : une plainte contre X déposée en 2003 et 2004 par le banquier Édouard Stern (héritier de la dynastie Stern, lié à la famille Servan-Schreiber par sa mère et à la famille Lazard par sa femme) et le financier franco-belge Hugues de Lasteyrie (petit-fils de l’ancien ministre des Finances Charles de Lasteyrie du Saillant, passé par la BNP et le groupe Louis-Dreyfus, ancien partenaire de Bernard Arnault) pour « présentation de comptes inexacts, diffusion d’informations fausses ou mensongères, délit d’initié et recel de délit d’initié » dans le cadre de « l’affaire Rhodia ». Stern et Lasteyrie s’estiment alors lésés et trompés par rapport à la situation financière réelle de l’entreprise chimique Rhodia (filiale du groupe Rhône-Poulenc), dont ils sont actionnaires au moment de sa quasi-faillite.

 

 

Mis en cause pour son rôle d’ancien administrateur et de président du comité d’audit (de 1998 à 2002) de Rhodia, Thierry Breton déclare alors n’avoir « rien à voir et encore moins à se reprocher » et qualifie Stern et Lasteyrie de « financiers internationaux dont la spécialité est d’entrer dans le capital de sociétés en difficulté et d’en tirer le maximum de profits ». Pourtant, difficile de croire que Breton, à l’époque chargé de vérifier les comptes de la société et responsable de l’information donnée aux marchés, n’était pas au courant des enjeux : au moment de la naissance du géant pharmaceutique Aventis (qui deviendra Sanofi-Aventis, groupe dirigé par Serge Weinberg), fusion de Rhône-Poulenc et du groupe allemand Hoechst, Rhodia a vu son bilan alourdi par les passifs de Rhône-Poulenc (contrôles environnementaux et charges de retraite des salariés principalement) tout en étant encouragé à réaliser des « acquisitions aventureuses » (en particulier celle de la société britannique Albright & Wilson) alors que son taux d’endettement allait croissant.

Saisie en 2003, l’Autorité des marchés financiers (AMF) rendra un rapport le 1er mars 2005, cinq jours après la nomination de Breton au gouvernement : Le Canard enchaîné révèlera plus tard que ce document, qui exonère le ministre, était en réalité « tronqué d’un bon tiers » par rapport à sa première version dans laquelle il était lourdement mis en cause (« Les faits les plus gênants ont été déclarés prescrits »). D’après Daniel Lebard, président d’Albright & Wilson au moment de la « machination » : « Tout ce qui impliquait Breton a disparu du rapport de l’AMF. »

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Hughes de Lasteyrie et Édouard Stern

 

Le 28 février 2005, soit quatre jours après la nomination de Breton et un jour avant la publication du rapport du gendarme de la Bourse, Édouard Stern était retrouvé assassiné à Genève de quatre balles de 9 mm à bout portant. Cette disparition et celle de Hugues de Lasteyrie « d’un infarctus foudroyant » le 13 juillet 2007 (les deux hommes avaient porté plainte pour « atteinte à la vie privée » après avoir fait l’objet de filatures par des sociétés de renseignement pour le compte de Thierry Breton, alors à la tête de France Télécom) scellèrent les suites judiciaires de cette affaire tentaculaire (qui implique la Commission européenne, des commissaires aux comptes et de grandes banques) dont les perquisitions n’ont jamais abouti…

 

Le portrait de Thierry Breton dans Faits & Documents n° 537

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