Les ministres européens du Commerce ont réaffirmé vendredi leur soutien à la conclusion rapide d’un accord commercial transtlantique (TTIP), alors que la contestation et le calendrier électoral américain font craindre un déraillement des négociations.
Dans ses conclusions écrites, "le Conseil des ministres européens réaffirme le rôle fondamental que peut jouer un accord approfondi, ambitieux, équilibré et bénéfique pour les deux parties". "Un tel accord contribuera à stimuler la création d’emplois et la croissance économique en développant les échanges et les investissements entre les deux côtés de l’Atlantique, tout en garantissant notre droit à réglementer et en maintenant des normes élevées".
L’accord est "une priorité", a résumé devant la presse le ministre italien Carlo Calenda, en tant que président du Conseil. L’Europe et les États-Unis "doivent progresser vite", en sorte de trouver un accord politique avant "fin 2015, début 2016", a-t-il ajouté, en référence à l’échéance présidentielle américaine. Les Européens craignent en effet que la campagne électorale rende ensuite impossible toute concession de la part de Washington. Un éventuel accord serait alors "reporté à 2018", un retard jugé d’autant plus inacceptable que les États-Unis sont plus avancés dans le partenariat transpacifique (TPP) négocié en parallèle avec plusieurs pays d’Asie.
M. Calenda a rappelé le caractère "géopolitique" des négociations transatlantiques, à travers lesquelles l’occident démocratique entend maintenir son rang dans un monde globalisé. "Ces facteurs géopolitiques sont encore plus présents aujourd’hui que quand nous avons entamé les négociations" en 2013, a-t-il dit, dans une référence voilée aux tensions avec la Russie.
Mais davantage encore que l’administration américaine, c’est leur propre population que les ministres européens veulent convaincre de la valeur ajoutée du TTIP, tant ce dernier est contesté par la société civile. "Il est important de mieux faire connaître la portée et les avantages de l’accord et de renforcer la transparence et la dialogue avec la société civile", soulignent les ministres, qui ont longuement débattu vendredi du niveau d’ouverture au public souhaité.
Reynders pour une large diffusion des documents de négociation
Côté belge, le ministre Didier Reynders a répété son plaidoyer pour une diffusion très large des documents de négociation, à quelques exceptions près. "Tout qui a négocié sait qu’on ne peut pas tout rendre public en direct", dit-il, mais une transparence accrue serait bénéfique. D’après lui, rendre la négociation plus ouverte permettrait d’empêcher les opposants au TTP de "raconter n’importe quoi".
Les responsables européens travaillent aussi à l’idée de "mettre en commun un argumentaire" pour promouvoir le TTIP, indique M. Reynders. Un Conseil informel en mai permettra aux ministres d’y réfléchir, afin de "ne pas être uniquement sur une stratégie défensive".
Le point le plus contesté de l’accord n’a quant à lui toujours pas fait l’objet d’une décision finale par les Européens. La clause ISDS (Investor-State Dispute Settlement, ou RDIE), qui institue une procédure d’arbitrage entre États et investisseurs privés, est pour l’instant mise sur le côté. La Commission européenne procède actuellement à l’analyse des résultats d’un consultation publique sur le sujet, dans le cadre de laquelle elle a reçu de nombreux mails de protestation. Plus de 150 000 contributions ont été soumises, au point que l’ancien commissaire au commerce, Karel De Gucht, a évoqué "une attaque" de spams contre la Commission.
S’il ne se prononce pas pour l’instant sur l’opportunité d’une telle clause, Didier Reynders souligne que le business de l’arbitrage pourrait être bénéfique à Bruxelles, qui cherche à se profiler sur ce créneau. "Il n’y a aucune raison qu’un arbitrage se fasse uniquement à Washington ou à New York", dit-il.
Pas de position de l’UE avant plusieurs mois
En tout état de cause, la position finale de l’UE sur ce point ne sera pas finalisée avant plusieurs mois, souligne-t-on de source communautaire. Cela n’empêchera pas la nouvelle commissaire au commerce, Cecilia Malmström, de se rendre à Washington en décembre pour "donner un nouveau départ" au TTIP, avant un nouveau round de négociations en février.