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L’Organisation de coopération de Shanghaï étend son influence dans le Golfe

Au cours des dernières années, l’Organisation de coopération de Shanghaï est devenue un pôle d’attraction pour le Proche-Orient, plusieurs pays de la région ayant frappé à la porte du groupe. Ses succès témoignent de la redéfinition des équilibres mondiaux et de l’influence croissante de la Chine et de la Russie dans une région considérée comme une chasse gardée des États-Unis. Mais le groupe reste bien trop hétérogène pour inquiéter Washington.

 

Fondée en 2001 pour succéder au « Groupe de Shanghaï » créé en 1996, l’Organisation de la coopération de Shanghaï (OCS) est une organisation intergouvernementale eurasienne à vocation politique, économique et sécuritaire, portée à l’origine par la Chine et la Russie avec le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan d’Asie centrale. Se réclamant de ce que l’on appelle « l’esprit de Shanghaï », elle met l’accent sur l’instauration d’une confiance mutuelle, le bon voisinage entre ses membres et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures.

À ses débuts, l’OCS se concentrait principalement sur les questions liées à la sécurité, telles que la lutte contre le terrorisme, le séparatisme, l’extrémisme religieux et le trafic de stupéfiants. Depuis, elle s’est progressivement élargie pour inclure des puissances asiatiques majeures telles que l’Inde et le Pakistan, gagnant en importance et devenant une plateforme essentielle pour la coopération en Asie. Elle est actuellement la plus grande organisation régionale d’Eurasie, regroupant environ 40 % de la population de la planète et un tiers de la production économique mondiale. Elle a élargi son profil régional en un court laps de temps, car de plus en plus d’États du Proche-Orient n’ont pas caché leur volonté de s’y associer, mais avec différents niveaux d’engagement.

 

L’intégration de Téhéran

Après avoir obtenu le statut d’observateur en 2005, l’Iran a signé un protocole d’accord en 2022 pour obtenir le statut de membre permanent et devrait acquérir son adhésion pleine et entière d’ici la fin de l’année 2023. Il s’agit d’une importante victoire pour la République islamique. Les États arabes ont suivi le mouvement. En septembre 2022, lors du sommet annuel de l’OCS à Samarcande, le Qatar et l’Égypte ont été accueillis pour la première fois en tant que partenaires de dialogue — un statut dont ne jouit depuis lors dans la région que la Turquie, seul membre de l’OTAN lié au groupe. Dans les mois qui suivent, le même statut a été accordé au Bahreïn, à l’Arabie saoudite, au Koweït et aux Émirats arabes unis (EAU). Cette série de candidatures illustre la consolidation des liens entre le Proche-Orient et le monde asiatique (en particulier la Chine) et, plus largement, d’un basculement vers l’Est de l’équilibre mondial commercial. Les pays du Proche-Orient ont rejoint l’OCS lorsque l’organisation a progressivement perdu son orientation sécuritaire pour adopter un profil plus économique et énergétique. Ainsi, les nouveaux venus espèrent établir des relations commerciales plus étroites avec les autres membres et avoir accès à de nouveaux marchés et à des projets d’infrastructures.

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Des rééquilibrages géopolitiques

L’inclusion des pays du Proche-Orient dans l’OCS souligne également leur désir d’équilibrer et de diversifier leurs activités en matière de sécurité, d’économie et de diplomatie et d’obtenir une plus grande liberté d’action politique dans leurs relations étrangères. À bien des égards, l’OCS a été conçue comme un modèle de gouvernance mondiale alternatif à d’autres modèles centrés sur l’Occident, tels que l’OTAN, l’Union européenne (UE) et le Dialogue quadrilatéral pour la sécurité (Quadrilateral Security Dialogue, QUAD) qui comprend les États-Unis, le Japon, l’Inde et l’Australie. En tant que forum eurasien, l’OCS offre une plateforme solide pour renforcer la coopération Sud-Sud en dehors de la surveillance des États-Unis et des puissances européennes. Cela témoigne du fait que des pays asiatiques comme la Chine, la Russie et l’Inde assument un rôle croissant dans la direction de leurs propres groupements économiques et diplomatiques avec le soutien des États voisins.

Du point de vue de Téhéran, l’accession au statut de membre permanent de l’OCS — que la République islamique perçoit comme un club de puissances non occidentales — est un événement marquant qui pourrait lui apporter davantage d’opportunités économiques, commerciales et stratégiques et renforcer sa position géopolitique en Asie. Dans le cadre de sa vision « look East », l’administration du président Ebrahim Raïssi considère le développement des relations avec ses voisins asiatiques comme une priorité de sa politique étrangère. Un siège à la table des puissances économiques mondiales telles que la Chine, l’Inde et la Russie est une lueur d’espoir pour un pays écrasé par les sanctions économiques internationales et les pressions socio-économiques intérieures croissantes. Rien qu’en 2021, les échanges commerciaux de l’Iran avec les pays membres de l’OCS ont dépassé les 37 milliards de dollars (33,88 milliards d’euros)1, ce qui représente environ un tiers de son commerce extérieur. Dans le même temps, Téhéran étudie les moyens de concrétiser sa vision à long terme de devenir une plaque tournante pour les connexions eurasiennes grâce à de nouvelles infrastructures telles que le corridor international de transport nord-sud (International North–South Transport Corridor, INSTC) pour relier l’Inde et la Russie via l’Iran.

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Les médiations de Pékin

Les intérêts de la Chine dans le Golfe englobent également un éventail plus large d’activités économiques, ce qui amène Pékin à considérer la région comme stratégiquement importante. La Chine est également le premier investisseur dans le Golfe par le biais de son Initiative ceinture et route (Belt and Road Initiative, BRI), ou « nouvelle route de la soie ». Cette dernière lui a permis d’accroître son portefeuille d’investissements dans le monde arabe, qui s’élève actuellement à 140 milliards de dollars (128,12 milliards d’euros) dans les seuls pays du CCG4, dans divers secteurs, notamment les installations de transport, les complexes industriels, l’IA, les technologies émergentes et les énergies renouvelables. L’Arabie saoudite est le plus grand bénéficiaire de ces investissements, ce qui prouve encore la synergie croissante entre la BRI chinoise et d’autres initiatives à long terme telles que la « Vision 2030 ». De même, grâce au partenariat avec l’OCS, les monarchies du Golfe auront probablement accès à de nouveaux marchés et à des projets d’infrastructures dans d’autres régions, à commencer par les républiques d’Asie centrale.

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Au fur et à mesure que le nombre de membres de l’OCS augmentera, il y aura un risque que les nouveaux membres apportent à l’organisation des problèmes bilatéraux non résolus et des rivalités. En fin de compte, l’OCS représente un cadre dans lequel les membres et les partenaires peuvent étendre leurs relations bilatérales et leurs systèmes de dialogue, offrant au moins aux rivaux régionaux de longue date tels que les États arabes du Golfe et l’Iran un forum pour engager un dialogue plus approfondi. Cependant, il s’agit d’un groupe trop divisé pour inquiéter Washington.

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