Quand l’inclination bascule dans la désinformation... C’est ce qui est arrivé au Monde qui a voulu, ce 20 mai 2023, faire du président ukrainien la star – au détriment de Bachar el-Assad – du rassemblement des pays arabes à Djeddah, en Arabie saoudite.
La photo de serrage de mains entre ben Salmane et Zelensky a suffi à la Pravda eurofrançaise pour montrer que l’Arabie saoudite faisait désormais partie du camp ukrainien. On résume, n’est-ce pas ?
Mais une photo hors contexte n’est pas la vérité. D’abord, le prince saoudien se doit de poser avec chaque invité, qu’il soit arabe ou ukrainien, et cette invitation surprise est probablement une concession aux États-Unis ou au G7. Mais de là à parler d’axe ukraino-saoudien ou d’un Bachar éclipsé par Volodymyr, c’est une autre histoire.
Un pas allègrement franchi par le journal des lobbies et des marchés, qui n’en est plus à une manip près, depuis le gazage de la Ghouta en 2013, quand il fallait démontrer qu’Assad avait fait gazer des milliers de civils, contre toute logique. L’enquête finira en eau de boudin.
Il avait été prévu que le retour de Bachar el-Assad au sein de la Ligue arabe domine l’agenda du sommet de Djedda (Arabie saoudite), vendredi 19 mai. Du reste, douze ans après en avoir été exclu pour sa répression sanglante du soulèvement syrien, le président el-Assad, tout sourire, a bien été accueilli chaleureusement par le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed Ben Salman (« MBS »). Mais sa présence a été vite éclipsée par un invité surprise. En route vers le Japon pour le G7, à bord d’un avion affrété par la France, Volodymyr Zelensky est venu courtiser les dirigeants arabes, dans l’espoir que ces derniers prêtent enfin une oreille attentive à ses appels à condamner l’invasion russe.
« Dans l’espoir »... En réalité, ce rapprochement saoudo-ukrainien a été éclipsé par la télé saoudienne elle-même :
Dans la séance inaugurale du sommet arabe à #Jeddah, le chef du gouvernement #algerien ignore complètement le président #zelesky. Quand #MBS reprend la présidence, il commence par remercier l’invité d’honneur du sommet #Zelensky à deux reprises et renouvelle son offre de médiation entre #Moscou et #Kiev. La tv officielle saoudienne zappe complètement le président #ukrainien. (Hasni Abidi, Source)
De manière générale, les médias mondialistes ont du mal à prendre la mesure du retournement géopolitique en cours, non pas contre l’Ukraine, ni pour la Russie, mais pour l’indépendance, la liberté de choix, et la complexité des alliances, celles que l’Arabie saoudite expérimente, à la chinoise, actuellement. Il n’y a plus de blocs qui tiennent, ou alors de nouveaux blocs se forment, sur des partenariats plus ou moins durables, des plateformes d’intérêts mutuels.
Ce que confirme l’analyste saoudien Mohammed Alyahya, rattaché à la Harvard Kennedy School, et repris par Le Monde.
« La présence du président Zelensky au même sommet que Bachar al-Assad est emblématique du changement régional. Avec le vide laissé par le retrait américain, qui a permis aux Russes de prendre pied en Syrie, les acteurs régionaux pensent d’abord en fonction de leurs intérêts propres plutôt que comme membres d’un axe. Ils essaient de trouver un nouveau modus vivendi convenable pour tous. »
L’axe Le Monde-LCI
Cette nouvelle realpolitik n’empêche pas LCI de rêver de la grande (comme la gauche rêve du Grand Soir) contre-offensive otano-ukrainienne qui bouterait le Russe hors du Donbass. Pour cela, il faut des troupes fraîches, du matériel dernier cri, et un moral de vainqueur. Eh bien, tout cela, l’équipe du général Pujadas l’a trouvé.
#Kiev - Contre-offensive : 50 000 soldats surentraînés par l'OTAN.
Analyses et décryptages de @luciledevillers dans Les Indispensables #24hPujadas #LCI #La26 ⤵ pic.twitter.com/s64HhW9MVq
— 24h Pujadas (@24hPujadas) May 19, 2023
Sans vouloir vexer les troupes du CEMA (Chef d’état-major) Pujadas, pour former des hommes en vue d’une opération d’une telle envergure, sur un front de 1 000 km avec une défense russe en profondeur, il faut plus qu’une poignée de semaines. Rien que pour l’opération Overlord de juin 1944, certes exceptionnelle, des troupes ont été formées pendant plus d’un an sur le sol britannique (conférence Trident de mai 1943).
Zelensky n’obtiendra pas d’armes ou d’argent de la part des Saoudiens, mais la promesse d’une « médiation » dans un vague processus de paix.