Vous allez assister à un grand numéro d’indignation de la part d’un envoyé spécial qui aurait dû rester dans son périmètre, celui du journaliste. Hélas, on est sur France 24, et Douglas Herbert ne peut contenir sa rage anti-Assad.
« Comment ça se fait que un homme, Bachar al-Assad, qui a utilisé tous les moyens pour écraser ses opposants, y compris la torture, l’usage des armes chimiques contre son propre peuple, comment ça se fait comme vous avez dit, qu’il a déclenché une guerre qui a fait un demi-million de morts et des millions de déplacés et de réfugiés, comment ça se fait qu’il soit réintégré dans ce club-ci à Jeddah ? »
La réponse à cette question figure dans les commentaires, plutôt bruts de décoffrage.
La victoire aux forceps du camp Assad, grâce à l’appui des forces russes, iraniennes et du Hezbollah, a mis le correspondant hors de lui. L’axe du mal, qui regroupe depuis Bush Jr. les pays qui résistent à l’Empire, ne peut pas gagner, ni moralement ni militairement. C’est pourtant le cas actuellement, dans le grand retournement mondial qui s’opère.
Illustration de ce changement de paradigme, qui met fin à 30 ans de domination américaine sur le monde, suite à l’effondrement de l’URSS : la diplomatie chinoise qui rapproche les belligérants d’hier, l’unité arabe qui se reconstruit peu à peu, l’indépendance retrouvée de l’Arabie saoudite. C’est donc à Jeddah que le sommet de la Ligue arabe a lieu, ce vendredi 19 mai 2023.
Ce sont les Émirats qui, depuis 2018, ont œuvré au retour de la Syrie dans l’organisation arabe. Le tremblement de terre du 6 février a en outre déclenché une vague de solidarité des peuples et des dirigeants arabes en faveur de la Syrie. Voilà pour la diplomatie. Derrière, Bachar vient chercher de quoi reconstruire son pays chez les riches banquiers du Golfe.
La logique arabe prime donc les intérêts occidentaux, ceux de l’Empire en particulier. La realpolitik est passée de l’autre côté, ce que disait le Premier ministre britannique Lord Palmerstone au XIXe siècle :
« Les nations n’ont pas d’amis permanents, n’ont pas d’ennemis perpétuels, seuls leurs intérêts sont permanents et perpétuels. »
Il y a un an seulement, TV5 Monde insistait sur les divisions au sein de la Ligue arabe, dues au contentieux libyen...
Aujourd’hui, les analystes sont devant le fait accompli : ce n’est plus l’Empire qui fait la géopolitique mondiale à lui tout seul.