Les cinq pays des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine Afrique du Sud) se préparent à tenir un sommet majeur en Afrique du Sud en août, et la création d’une monnaie commune devrait être l’un des principaux sujets à l’ordre du jour.
Bien que cette monnaie du futur soit présentée comme une « alternative » au dollar plutôt qu’un « concurrent », elle n’en constitue pas moins un défi de taille que les BRICS s’apprêtent à lancer à l’ordre financier dirigé par les États-Unis. Malgré les risques encourus, cette démarche est une réponse logique puisqu’elle se fonde sur la prise de conscience que Washington n’est pas un leader mondial responsable.
Selon Chris Devonshire-Ellis, président de Dezan Shira & Associates, qui a plus de 30 ans d’expérience en investissement en Russie et en Chine, les États-Unis sont devenus à la fois peu fiables et autoritaires dans leur politique étrangère. Ils ont utilisé des mécanismes internationaux pour punir les pays avec lesquels ils ne sont pas d’accord (comme couper les pays du système SWIFT) et ont semblé utiliser le G7 comme un « gang » économique pour soutenir et justifier leurs actions dans le monde. L’expert s’attend à ce que les BRICS limitent dans un premier temps l’utilisation de leur nouvelle monnaie aux cinq membres principaux : « Ce qui est logique à faire c’est de commencer par limiter (la monnaie commune) au commerce régional, de comprendre les problèmes opérationnels, puis peut-être de la déployer progressivement à un public plus large. »
Les pays des BRICS devraient voir cette monnaie commune non pas comme un outil « réactif » aux sanctions, mais comme une monnaie pour la croissance du commerce intra-bloc. C’est du moins l’opinion d’Iqbal Surve, ancien président du BRICS Business Council, dont le travail a joué un rôle déterminant dans la création de la New Development Bank, mieux connue sous le nom de Banque des BRICS. Dans cette optique, l’économiste sud-africain prend l’euro comme exemple et il ajoute que ce projet est « réalisable dans les cinq à dix prochaines années, mais cela nécessiterait un engagement très sérieux », surtout de la part d’éventuels nouveaux membres.
Macron tente l’incruste chez les BRICS !
Selon le journal L’Opinion, Emmanuel Macron aurait demandé au président sud-africain d’assister au sommet des BRICS à l’automne 2023.
Macron, premier dirigeant occidental présent à la réunion des BRICS ? La requête aurait été formulée lors d’un échange téléphonique tenu le 3 juin 2023 entre les présidents français et sud-africain. Surpris, Cyril Ramaphosa a préféré solliciter l’avis de ses homologues que de risquer de gâcher son dîner accompagné d’un François Pignon, petite maquette de Notre-Dame de Paris sous le bras.
Les BRICS (originellement BRIC) ont été créés en 2006 dans le but de contourner l’hégémonie occidentale et d’amorcer la multipolarité du monde. L’Afrique du Sud ne faisait pas partie des membres fondateurs et a rejoint l’organisation en 2010. Elle se positionne désormais comme représentant du continent africain et relais privilégié d’une Afrique en voie de désoccidentalisation.
Fragilisée par une grave crise liée à ses infrastructures énergétiques, le pays joue tant bien que mal la carte du non-alignement rassurant tantôt les USA sur l’avancée des droits arc-en-ciel, tantôt la Russie en participant à des exercices militaires conjoints. Or, l’avancée du jeu sud-africain se fait toujours plus proche de la ligne de « partage des eaux » comme le souligne Bernard Lugan. Tôt ou tard, elle devra affirmer sa position « pro-orientale » ou pro-occidentale au risque de profonds bouleversements internes.
Ainsi, et sous réserve d’une soudaine poussée de fièvre gaulliste d’un Macron voulant repositionner la France au centre du jeu géopolitique mondial, la demande du président français au membre le plus fragile s’assimile au mieux comme une prise de température ou au pire comme une tentative de déstabilisation occidentale. À l’instar d’un Poutine demandant au début des années 2000 la possibilité pour la Russie d’intégrer l’OTAN, la volonté du clan occidental pourrait être d’obliger les BRICS à se positionner comme farouchement anti-occidentaux de manière à faire paniquer de nouveaux entrants souhaitant tirer parti des deux blocs à l’heure où l’Arabie saoudite aspire à devenir membre et l’Égypte officialise sa demande d’intégration.
La Russie a réagi par la voix du porte-parole du ministère des Affaires étrangère, madame Maria Zakharova : « Ce serait bien qu’ils disent pourquoi ils veulent se rendre à cette réunion. Soit ils veulent à nouveau établir une sorte de contact pour montrer l’activité de Paris, soit il s’agit d’une sorte de cheval de Troie, qu’ils le disent eux-mêmes. » Puis elle a apporté la précision suivante : « Il s’agit d’une organisation dont la France ne fait pas partie et vis-à-vis de laquelle elle n’a même jamais éprouvé la moindre politesse, sans parler de bonnes intentions et de sentiments. »
Les choses sont claires du côté russe, un peu moins du côté français, même si l’on sait par avance que Macron écornera encore un peu plus, si c’est encore possible, l’image de la France et la valeur de sa diplomatie.