L’Iran a suspendu ses négociations avec les grandes puissances, dénonçant la décision des États-Unis d’étoffer sa liste noire des entreprises soupçonnées de violer les sanctions américaines contre Téhéran, un geste contraire à l’esprit de l’accord de Genève conclu fin novembre.
Le secrétaire d’État américain John Kerry a néanmois assuré vendredi soir que ces négociations reprendraient dans les prochains jours, minimisant la suspension, tout comme un porte-parole de la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, qui représente les grandes puissances dans ces négociations.
"Le geste américain est contraire à l’esprit de l’accord de Genève dans lequel les grandes puissances se sont engagées à ne pas imposer de nouvelles sanctions à l’Iran pendant six mois", a affirmé vendredi le négociateur iranien Abbas Araghchi (photo ci-dessus), cité par les médias iraniens.
"En vue d’établir une atmosphère de coopération, une telle mesure n’est pas du tout constructive et nous la critiquons fermement", a-t-il dit à la télévision d’Etat.
"Nous examinons la situation et nous réagirons de façon appropriée", a-t-il ajouté sans autre précision, au lendemain de l’interruption à Vienne des négociations techniques sur l’application de l’accord.
L’ambassadeur iranien en France Ali Ahani a fait valoir lors d’une conférence de presse à Monaco que le contenu de l’accord de Genève était bien clair : "Il a été prévu de ne pas ajouter de sanctions. Ce genre de décision (la liste noire américaine, ndlr) ça bloque quand même les choses", a-t-il souligné, estimant qu’elle donnait des arguments aux opposants au compromis trouvé à Genève.
Selon l’agence Mehr, citant des sources informées, les négociations qui duraient depuis lundi à Vienne entre l’équipe d’experts iraniens et les représentants des 5+1 (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne) ont été stoppées en raison des nouvelles sanctions américaines et du manque d’implication des Américains dans l’accord de Genève.
La porte-parole de la diplomatie iranienne, Marzieh Afkham, a également dénoncé un geste inutile et qui pose question, prévenant que Washington serait entièrement responsable des conséquences de cette décision.
En application de sanctions existantes, les États-Unis ont annoncé jeudi avoir ajouté à leur liste noire une dizaine d’entreprises et d’individus, en majorité iraniens, soupçonnés de commercer illégalement avec l’Iran.
Ces sociétés et dirigeants verront leurs éventuels avoirs aux États-Unis gelés, et toute société américaine ou faisant des affaires aux Etats-Unis a désormais interdiction de commercer avec eux.
"L’accord de Genève n’interfère pas et n’interférera pas avec nos efforts sans relâche destinés à démasquer et à atteindre tous ceux qui soutiennent le programme nucléaire de l’Iran ou qui cherchent à contourner les sanctions", a averti David Cohen, sous-secrétaire au Trésor en charge de la lutte anti-terroriste.
Ne pas donner de prétexte
Vendredi matin, un porte-parole de Mme Ashton a affirmé qu’après quatre jours de discussions, des consultations auraient lieu dans les capitales, en espérant que les négociations techniques reprendront bientôt.
"Nous avons atteint un point dans ces négociations où les gens ont besoin de consulter, de prendre un moment", a renchérit M. Kerry, en tournée au Proche-Orient. Il faut s’attendre à ce que les discussions se poursuivent dans les prochains jours
La délégation iranienne négociait des aspects pratiques de l’accord signé le 24 novembre, en présence de responsables de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), chargée de superviser sa mise en application.
Selon l’accord, qui vise à donner des garanties à la communauté internationale sur la nature purement pacifique du programme nucléaire de Téhéran, l’Iran doit limiter pendant six mois ses activités nucléaires en échange d’une levée partielle des sanctions occidentales.
L’ONU et l’Union européenne s’engagent également à ne pas imposer de nouvelles sanctions liées au nucléaire pendant cette période, tandis que l’administration américaine doit éviter d’en imposer.
Mais de nombreux parlementaires américains, méfiants vis-à-vis des dirigeants iraniens, envisagent de nouvelles sanctions économiques pour forcer Téhéran à signer un accord final qui inclurait l’abandon du droit à l’enrichissement d’uranium.