Le psychodrame Hariri aura donc duré du 4 au 22 novembre, entre la démission du Premier ministre libanais, annoncée depuis Riyad, et le retrait de cette même démission par l’intéressé, revenu à Beyrouth après deux semaines en Arabie saoudite. Au-delà des intrigues beyrouthines, cette crise a tourné à l’avantage net de Téhéran et de Moscou. Elle a révélé crûment le caractère erratique de la direction saoudienne. La France, qui n’a pas ménagé ses efforts pour éviter le pire, doit cependant aller au-delà pour démontrer une authentique capacité de médiation.
L’Iran et Poutine grands gagnants
Un triomphalisme martial prévaut au sommet de la République islamique, sur fond de succès militaires en Syrie et de débandade kurde en Irak. L’Iran peut se féliciter d’avoir réalisé une continuité territoriale sans précédent entre son territoire et la Méditerranée. Ali Akbar Velayati, très proche conseiller du guide Khameneï, et ancien ministre des Affaires étrangères, s’était comporté en terrain conquis au début de ce mois au Liban, ce qui aurait convaincu les dirigeants saoudiens de pousser Hariri à la démission. Mais le retrait du Premier ministre libanais n’a rien amendé de la virulence du ton de Velayati qui a vanté, le 8 novembre à Alep, une « ligne de résistance » allant de Téhéran à Beyrouth, en passant par Bagdad et Damas.
En outre, les différents épisodes de la crise Hariri n’ont pu que conforter les accusations portées par Téhéran et ses alliés libanais à l’encontre de Riyad : le Premier ministre démissionnaire est apparu comme retenu contre son gré en Arabie, ce qui a paradoxalement grandi sa stature nationale. Mais cette affirmation patriotique, loin de jouer contre la ligne incarnée par le président Michel Aoun et le Hezbollah, a conduit Hariri, de retour au Liban pour la Fête nationale, à revenir sur sa démission. Le courant pro-iranien à Beyrouth a eu pour l’heure la victoire relativement modeste.
Quant à la Russie de Vladimir Poutine, elle a fait preuve d’une grande prudence tout au long de la crise. Il est vrai qu’elle était plus mobilisée sur le dossier syrien, afin de concilier les exigences contradictoires de l’Iran et de la Turquie, ses deux partenaires d’un processus de « désescalade » lancé il y a près d’un an au Kazakhstan. Le Kremlin est cependant parvenu à contraindre Riyad d’accueillir, lors d’une réunion élargie de l’opposition syrienne, deux groupements jusque là boycottés par l’Arabie, les plate-forme dites « du Caire » et « de Moscou ». Cette ouverture saoudienne aux formations liées à la Russie, et disposées à un dialogue avec le régime Assad, a d’ores et déjà provoqué des défections parmi les personnalités syriennes jusque là fidèles à Riyad.
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La Russie, la Turquie et l’Iran s’entendent sur la tenue
d’un « congrès national syrien »
Les présidents russe, turc et iranien se sont dits d’accord mercredi 22 novembre à Sotchi, à l’issue d’un sommet consacré au règlement de la crise en Syrie, pour la tenue prochaine d’un « congrès » réunissant en Russie régime et opposition, selon Vladimir Poutine. Une initiative à laquelle le régime syrien a apporté son soutien dans la soirée. « Le gouvernement accueille favorablement » les conclusions du sommet de Sotchi, a indiqué le ministère des Affaires étrangères syrien, cité par l’agence Sana.
Ce compromis marque une victoire pour Vladimir Poutine qui se place ainsi au centre des négociations diplomatiques sur l’avenir politique de la Syrie, et ce à quelques jours de nouveaux pourparlers à Genève sous l’égide de l’ONU, le 28 novembre.
Le président russe avait estimé avant le début de la réunion que le conflit syrien était entré dans une « nouvelle phase » réclamant de la part de tous ses acteurs des « concessions » et des « compromis » pour parvenir à une solution politique. « Une vraie chance de mettre fin à cette guerre civile datant de plusieurs années [2011] est apparue », a déclaré le président russe à l’ouverture du sommet.
« Il revient au peuple syrien de déterminer lui-même son avenir (...) Il est évident que le processus (...) ne sera pas simple et exigera des compromis et des concessions de tous les participants, y compris du gouvernement syrien », a souligné Vladimir Poutine, qui a reçu la veille la visite du président syrien Bachar al-Assad. Téhéran et Ankara « entreprendront les efforts les plus actifs pour rendre ce travail le plus productif possible » a promis Vladimir Poutine mercredi.
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Le président russe a également salué l’implication de l’Iran et de la Turquie pour « empêcher la chute de la Syrie aux mains de l’État islamique ». Il a vanté le « rôle spécial » de ses deux hôtes pour établir des zones de désescalade en Syrie, décidées par les trois pays lors d’un précédent sommet à Astana et qui sont, dans les faits, restées très théoriques.