« Ils sont entrés dans ma cellule, m’ont retiré les menottes et m’ont couvert les yeux. Ensuite, ils m’ont fait sortir et marcher dans la brousse sur un chemin que je ne connaissais pas. Ils m’ont mis à genoux, m’ont attaché les bras avec une chemise et m’ont dit : « À présent c’est trop tard pour toi. » Ils ont sorti un sac en plastique et me l’ont mis sur la tête pour m’empêcher de respirer. Alors que j’étouffais, ils ont dit : “Tu as autre chose à dire ?” J’ai accepté [tout ce qu’ils m’ont dit d’accepter] car j’allais mourir. Ensuite, ils ont arrêté. J’ai signé un document qu’ils m’ont présenté. »
Entre 2010 et 2016, des dizaines de personnes soupçonnées de collaborer avec des « ennemis » du gouvernement rwandais ont été détenues illégalement et torturées dans des centres de détention militaires par des militaires et des agents des services de renseignement rwandais. Certaines de ces personnes ont été détenues dans des lieux inconnus, parfois au secret, pendant de longues périodes et dans des conditions inhumaines.
Ces méthodes de détention illégales sont conçues pour soutirer des informations aux membres ou sympathisants réels ou présumés des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) — un groupe armé basé dans l’est de la République démocratique du Congo, dont certains membres ont participé au génocide de 1994 au Rwanda — et, dans une moindre mesure, du Congrès national rwandais (RNC), un groupe d’opposition en exil. Les autorités rwandaises ont accusé les FDLR de lancer des attaques contre le Rwanda depuis la RD Congo, pas plus tard qu’en 2016, et ont accusé les FDLR et le RNC de mener des attaques à la grenade au Rwanda entre 2008 et 2014.
Ce rapport décrit des schémas systématiques de torture, disparitions forcées, détention illégale et arbitraire, procès inéquitables et autres violations graves des droits humains dans des centres de détention au Rwanda, de 2010 à 2016, en violation flagrante du droit rwandais et international. Les conclusions de Human Rights Watch sont basées sur des entretiens avec plus de 230 personnes, dont 61 détenus ou anciens détenus. Human Rights Watch a également observé les procès de sept groupes de personnes et examiné des déclarations en justice portant sur 21 cas de détention illégale et des déclarations faites au tribunal par 22 personnes. Human Rights Watch a mené des recherches pour ce rapport au Rwanda, en RD Congo, en Ouganda, au Burundi et au Kenya entre 2010 et 2017.
Human Rights Watch a confirmé 104 cas de personnes détenues illégalement et, dans de nombreux cas, torturées ou maltraitées dans des centres de détention militaires au Rwanda au cours de cette période de sept ans. Cependant, le nombre réel de cas est probablement beaucoup plu élevé. En raison de la nature secrète de la torture, des disparitions forcées et des détentions illégales et arbitraires et de la crainte de nombreux anciens détenus que le fait de s’exprimer puisse entraîner des représailles de la part des autorités, il est extrêmement difficile de confirmer le nombre total de personnes détenues illégalement par l’armée pendant la période couverte par le présent rapport.
Si la plupart des cas documentés par Human Rights Watch se sont produits entre 2010 et 2014, Human Rights Watch a également interrogé cinq personnes retenues et torturées en détention militaire en 2016 et a recueilli des récits dignes de foi sur plusieurs autres cas plus récents, y compris au début de l’année 2017, ce qui indique que ces violations se sont poursuivies.
Bon nombre des personnes détenues, y compris des combattants des FDLR et des civils, ont été arrêtées au Rwanda par des militaires, parfois assistés par la police, les services de renseignement ou les autorités gouvernementales locales. D’autres ont été arrêtées et maltraitées dans des pays voisins, au Burundi ou en RD Congo, certaines lors de leur traitement dans le cadre du programme de démobilisation et de rapatriement soutenu par la mission de maintien de la paix des Nations Unies en RD Congo. Elles ont ensuite été transférées illégalement au Rwanda, où elles ont subi des abus.
La plupart des détenus étaient retenus près de la capitale, Kigali, ou dans le nord-ouest du Rwanda. Beaucoup ont été retenus dans plusieurs endroits au cours de leur détention. Dans les cas documentés par Human Rights Watch, les personnes étaient détenues dans des centres de détention militaires non officiels, y compris dans les locaux du ministère de la Défense (connu sous le nom de « MINADEF »), au camp militaire de Kami, au camp militaire de Mukamira, dans une base militaire appelée la « Gendarmerie », dans des centres de détention à Bigogwe, Mudende et Tumba ou dans des maisons privées utilisées comme centres de détention. Human Rights Watch n’a connaissance d’aucune loi rwandaise permettant à l’armée ou à d’autres autorités de détenir des personnes dans ces lieux.
Pour les forcer à avouer, ou à incriminer d’autres personnes, des fonctionnaires ont gravement torturé ou maltraité la plupart des détenus interrogés par Human Rights Watch. Plusieurs anciens détenus ont donné des descriptions de passages à tabac, de décharges électriques, d’asphyxies et de simulacres d’exécution. Les anciens détenus étaient retenus jusqu’à neuf mois, dans des conditions extrêmement dures et inhumaines, sans avoir suffisamment d’eau ou de nourriture pour répondre à leurs besoins élémentaires. Human Rights Watch a reçu des allégations qu’elle n’a pu vérifier selon lesquelles certains détenus avaient été tués.
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Un sujet de France 24 en deux parties sur Paul Kagame diffusé le 18 décembre 2015 :