Les libéraux osent expérimenter sur l’Homme, à l’exemple de ces crèches suédoises qui cultivent des êtres asexués.
À l’initiative de deux députés LR, un durcissement de la législation sur la gestation pour autrui (GPA) a été soumise à l’Assemblée. Pour être rejeté, le 21 juin.
En France, la GPA est illégale. Mais nous connaissons le scénario : une loi « progressiste » est proposée, les conservateurs se mobilisent contre, elle finit par être adoptée, des manifestants envahissent les rues, le mouvement s’essouffle, puis c’est l’oubli et la mobilisation contre une nouvelle « avancée sociétale ».
On imagine déjà les prises de position des conservateurs de 2050, quand une loi sera votée qui autorisera la gestation (et la vente) de bébés par des machines : ils chanteront alors les louanges d’une GPA qui avait au moins le mérite de ne pas court-circuiter le corps de la mère (la distinction entre mère « biologique » et mère « porteuse » ne relevant alors plus que de la nuance). Ils le jurent : cette fois c’est réellement la décadence, cette fois un cap est franchi, cette fois le temps ne légitimera pas cette « avancée ».
Lutter pour conserver l’ordre social des décennies passées revient à cautionner les bouleversements libéraux, avec un simple temps de retard : « oui au changement, mais pas trop vite ».
Les libéraux ont pour eux l’ambition et l’imagination. Ils osent expérimenter sur l’Homme, à l’exemple de ces crèches suédoises qui cultivent des êtres asexués.
À droite, c’est l’anémie idéologique. Il a suffi qu’une seule de ses variantes, la droite révolutionnaire (le fascisme), tente de créer son homme nouveau pour qu’elle renonce (définitivement ?) à changer l’homme. Il est vrai que le fascisme fut autant le produit de la droite que du socialisme : au socialisme il emprunte le projet d’homme nouveau, à la droite il emprunte ses valeurs martiales et héroïques.
Depuis 1945, ce sont les libéraux qui dirigent le vaisseau ; la fonction décisionnelle leur est délaissée. Les conservateurs ne sont là que pour éviter une fuite en avant, s’assurant qu’on ne brûle pas les étapes. C’est une tâche utile, mais toute entière au service de l’entreprise libérale.
Car cette fonction de ralentisseur sert les libéraux. Sans cette régulation, leur « révolution anthropologique » s’emballerait et déraillerait, la société se cabrant, réclamant une politique réactionnaire. Prévenir la réaction suppose de procéder par petits pas : les conservateurs, idiots utiles, s’en assurent. Ils sont les agents régulateurs de la révolution libérale permanente. La politique du pire est encore préférable.
Assez radoté sur la perte des liens sociaux, la montée de l’individualisme et du communautarisme. Assez geint sur l’inhumanité du projet libéral libertaire. Dès la fin du XIXème siècle, une certaine avant-garde intellectuelle (Maurice Barrès, Georges Sorel ou Henri Vaugeois) esquissa une nouvelle vision de l’homme, qui se cristallisera au lendemain de la Première guerre mondiale : forgé pour la guerre, porté au sacrifice et à l’aventure, préférant le mode de vie spartiate à la prudence et au matérialisme petit-bourgeois.
Notre projet d’homme nouveau ne saurait en être la simple réplique. Il doit être adapté à l’époque, pensé pour relever les défis de notre modernité, ancré dans le passé mais tendu vers l’avenir. Renoncer à cet horizon, c’est ce soumettre à celui tracé par nos adversaires.