Les actualités mondiales récentes vont bien au delà de la division apparue au cœur des nations industrielles du G7. Si l’on compare la planète à un immense champ de force électrique, les lignes de flux sont en train de changer du tout au tout, alors que nous voyons – dans le désordre – le système d’étalon dollar établi après 1945 entrer en phase terminale. Les élites politiques européennes sont tiraillées entre le raisonnable et l’irrationnel.
L’Orient exerce cependant un pouvoir magnétique croissant, et nous assistons au sein de l’Union européenne aux prémices de ce qui pourrait être un renversement de pôles de l’Ouest vers l’Est. Les derniers développements observés en Eurasie, auxquels on peut inclure le Moyen-Orient, l’Iran, et surtout les relations russo-chinoises, montent en puissance, alors que Washington ne propose désormais plus que guerres : guerre commerciale, guerre de sanctions, guerre terroriste ou guerre cinétique.
Le spectacle de tweet du président américain, qualifiant le Premier ministre du Canada, son voisin allié Otanien de longue date, de « malhonnête et faible », et brandissant la menace de nouvelles barrières douanières à l’entrée pour les voitures fabriquées au Canada, est, selon toutes probabilités fort loin de constituer un caprice d’un président américain imprévisible ; cela ressemble beaucoup plus à une stratégie calculée de déséquilibre exercée à l’encontre des alliés des USA. Cette annonce vient après le retrait unilatéral de Washington de l’accord nucléaire iranien, qui suscite l’effarement en Europe, en Russie et en Chine ainsi bien sûr qu’en Iran. Pour compléter le tableau, les USA ont annoncé ces derniers jours de nouvelles barrières douanières à l’encontre de l’aluminium et de l’acier en provenance de l’UE, en violation flagrante des accords de l’OMC.
Fini de rire
Si l’on pense que ces actions constituent les symptômes d’un phénomène plus profond, il suffit de regarder l’explosion des niveaux de dettes américains, que j’ai déjà mentionnés. Les dernières lois passées par Trump vont augmenter les déficits budgétaires annuels fédéraux de mille milliards de dollars dans la décennie qui arrive, qui viendront s’ajouter à la dette déjà existante de 21 000 milliards de dollars. La dette des ménages plafonne à des niveaux plus élevés qu’avant la crise financière de 2007. La dette des entreprises, dans laquelle figurent les obligations « junk bonds » et les dettes estampillées « sous le niveau de qualité d’investissement », plafonne également suite aux taux d’intérêts nuls de la FED ces dix dernières années.
La plupart des observateurs ont négligé un autre élément de la situation économique des USA. Selon une étude récente menée par le Bureau de protection financière des consommateurs aux USA, alors que le revenu moyen par famille est considéré comme relativement élevé par rapport à d’autres pays, l’importance des dépenses à coûts fixes, comme la nourriture, le logement, les assurances santé obligatoires, ont créé une nouvelle sorte de pauvreté. L’étude conclut que presque la moitié des Américains rencontrent des difficultés à honorer les factures de fin de mois, et que pas moins d’un tiers des foyers ont un jour ou l’autre rencontré des difficultés à se nourrir, à se loger décemment, ou à se soigner. Une étude récente estime que les frais de santé, pour une famille de quatre personnes, s’élèvent à plus de 28 000 dollars par an, soit la moitié du revenu médian.
Ajoutant au tableau de sinistrose américain, le conseil d’administration du fond d’assurance public Medicare vient d’annoncer que le fonds serait épuisé dans 8 ans. De même, le fonds de sécurité sociale, avec la génération du Baby Boom qui prend en ce moment sa retraite, et le nombre de jeunes trouvant du travail qui décroît, s’apprête à connaître sa première année de déficit depuis 1982, sur fond de baisse des taux de fertilité et de décroissance démographique. Et l’État du New Jersey vient de geler toutes ses dépenses alors que la menace d’un désastre financier se fait jour. Maintenant que la FED augmente les taux d’intérêts, on peut considérer qu’une réaction en chaîne de défauts de remboursement est programmée pour les entreprises comme pour les ménages.
En résumé, les 1 % les plus riches ont saigné l’économie des USA jusqu’au point de rupture. Alors que les marchés d’actions américains poursuivent leurs nouvelles ascensions – merci à la FED pour cette décennie d’argent facile – la réalité économique sous-jacente du pays est précaire, pour le dire pudiquement. Les pouvoirs qui contrôlent la superpuissance n’ont que deux moyens possibles de conserver leur emprise unique sur le monde : la guerre, ou le déclenchement d’une nouvelle crise financière, pire que celle de 2008, qui leur permettra de reprendre le contrôle des flux de capitaux mondiaux.
Voir le président des USA forcé d’employer des tactiques telles que des guerres commerciales contre des alliés de longue date du G7 nous indique que des mesures vraiment désespérés sont au programme. La vraie bataille qui s’ouvre concerne l’avenir de l’Union européenne, et en particulier l’Allemagne.
Le contraste eurasien
Dans ce contexte, les visites récentes de la chancelière allemande Angela Merkel au président russe Poutine et au président chinois Xi Jinping sont tout à fait notables. On peut penser que les discussions sont allées bien au delà de l’accord nucléaire iranien.