L’Afrique est-elle le berceau de l’humanité, comme le répètent inlassablement les grands discours officiels sur l’universalité de l’Homme ? Des découvertes récentes bouleversent cette théorie habituelle selon laquelle l’espèce humaine serait née en Afrique et se serait ensuite répandue à la suite d’un événement climatique qui aurait asséché la savane il y a deux millions d’années. C’est à ce moment que les premiers humains auraient cherché refuge en Asie et en Europe.
L’Afrique berceau de l’humanité : théorie ou idéologie ?
On mesure évidemment la sensibilité extrême du sujet qui affleure dans cette théorie. L’idée que l’humanité soit apparue en Afrique, quelque part dans les gorges d’Oldupaï, dans l’actuelle Tanzanie, fonde une anthropologie post-moderne tout à fait saisissante : l’Africain constitue en quelque sorte l’homme universel et les Européens en sont un simple dérivé.
Après leur sortie d’Afrique de l’Est, les hommes de la première vague auraient emprunté les plaines du couloir levantin, l’actuel Proche-Orient. Ainsi, ils seraient parvenus en Italie, en Espagne et en France, il y a environ un million d’années. Cette première vague migratoire, dont les archéologues ont retrouvé de nombreux sites, est caractérisée par un outillage essentiellement constitué de galets taillés et d’éclats peu retouchés.
Selon cette même théorie, une deuxième vague aurait eu lieu vers 500.000 avant Jésus-Christ, passant peut-être par le détroit de Gibraltar. Puis, vers l’an 100.000 avant Jésus-Christ, l’homo sapiens serait venu d’Afrique vers l’Europe.
Le problème de ces théories est qu’elle sont assez peu étayées par les apports des études génomiques dont les Africains sont les grands absents. Il a fallu attendre ces derniers mois pour qu’une étude ambitieuse commence à cerner ou discerner les origines des populations africaines.
L’Afrique et sa très grande diversité de peuplement
Une étude menée par l’institut Sanger (Grande-Bretagne) a montré l’an dernier que la diversité génomique en Afrique était très large.
Pour commencer, les chercheurs retrouvent dans leurs données la trace de l’expansion bantoue. Cette expansion d’une population paysanne originaire du Cameroun et du Nigeria actuels vers l’Afrique forestière puis orientale et australe se serait produite il y a 3 000 à 5 000 ans. Elle est à l’origine des quelque 450 langues nigéro-congolaises apparentées en Afrique.
Plus surprenant, les chercheurs ont aussi mis en évidence un flux de gènes entre l’Eurasie et l’Afrique de l’Est, survenu entre 7 500 ans et 10 500 ans. Particulièrement évident chez les Éthiopiens, ce métissage entre Eurasiens et Africains traduit ainsi un « retour » dans le berceau de l’humanité des gènes dispersés hors d’Afrique des dizaines de milliers d’années plus tôt lors des vagues successives de sortie d’Homo sapiens hors d’Afrique successives. En masquant dans les données les gènes d’origines eurasiatiques, les chercheurs ont constaté que la diversité génétique africaine décroît fortement, ce qui prouve que les gènes eurasiatiques y ont contribué de façon considérable.