Egalité et Réconciliation
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Karma casher

Ils ont quitté leur pays pour chercher la paix. Ces Israéliens l’ont trouvée sur les plages de Goa. Dans une atmosphère baba cool, ils bâtissent leur famille et installent leur business, raconte Outlook.

Matin de printemps dans le village d’Anjuna. Une chaleur étouffante écrase déjà les clients de l’Artjuna, le café-galerie-showroom de Moshe où commence la journée de bon nombre d’Israéliens de Goa. La plupart se mettront bientôt en route pour rejoindre leur travail : Tzuri retrouvera son célèbre restaurant sur la falaise, Ori son studio d’enregistrement et Nachum l’atelier où il fabrique ses bijoux. Mais à l’heure du petit déjeuner, quand la foule s’attarde autour d’un expresso et des ragots du matin, tandis que des bambins de différentes origines s’agitent sur le sol, le temps semble comme suspendu.

“Je voulais créer un endroit qui corresponde au caractère créatif et incontrôlable de la communauté d’Anjuna et offrir une vitrine à nos artisans reconnus dans le monde entier. Ça me fait plaisir aussi de faire quelque chose pour Goa, un endroit qui m’a tant apporté”, explique Moshe, maître tanneur installé ici depuis plus de dix ans. Ses sacs sont faits à la main et fabriqués à la demande. Décorés de motifs, de pierres précieuses, de perles d’or et de fermetures uniques, ils sont devenus des objets de collection vendus entre 260 et 1 750 euros.

Les choses ont bien changé au sein de la communauté israélienne d’Anjuna. Le vieux stéréotype de l’Israélien grossier et bruyant venant faire la fête et se droguer à Goa tend à disparaître au profit des résidents à long terme qui relèvent le niveau du commerce et de l’artisanat. Le durcissement des lois sur les rassemblements festifs et la consommation de drogue, l’application de règles plus strictes pour la délivrance de visa et l’augmentation sensible du coût de la vie ont contribué au développement et au succès croissant des entreprises commerciales et artistiques de la communauté israélienne. C’est également la conséquence naturelle du vieillissement de toute une bande d’anciens célibataires aujourd’hui entourés d’une marmaille à élever.

Ce qui est le plus frappant dans cette communauté, c’est de voir avec quelle facilité ses membres combinent le sens des affaires et les coutumes locales adoptées après des années de vie dans le village.

De l’autre côté de la rivière, Shanti (autrefois Ronly) Erez, 46 ans, confirme cette philosophie tout en surveillant le chargement d’une grosse commande pour un client. “L’un des meilleurs aspects de notre succès, c’est qu’il nous permet d’augmenter constamment les salaires et les avantages de nos salariés”, explique-t-il. L’entreprise de Shanti, Pure Vakhos Trade, qu’il dirige avec sa femme, Maria, une Grecque, est spécialisée dans l’importation de toutes sortes d’olives et d’huiles d’olive consommées dans les grands hôtels des métropoles indiennes ou utilisées pour des fromages et autres produits d’épicerie fine venus du monde entier. “Nous vivons dans le même village, nos enfants vont à l’école ensemble, mes salariés sont comme des membres de ma famille”, affirme-t-il en s’activant, torse et pieds nus.

“Je n’ai pas quitté Israël pour faire fortune”, explique Moshe, qui est arrivé en Inde après une expérience traumatisante au sein de l’armée pendant la première guerre du Golfe (1990-1991). “Je me suis juré que si je m’en sortais vivant, plus jamais je ne retournerai à l’armée. Je me suis rendu compte que je ne faisais pas partie de ces gens capables de sacrifier leur vie pour un pays ou pour une cause politique.” Il est aujourd’hui marié avec une Allemande, Anastasia, avec qui il gère le café Artjuna, et père de deux petites filles.

’’Il faut comprendre qu’en tant que juifs, nous avons grandi dans un environnement extrêmement patriotique. Mourir pour notre pays était la meilleure chose qui puisse nous arriver”, déclare Ori Balak, un des batteurs israéliens les plus renommés au monde. “J’étais fatigué et je cherchais à rompre avec la violence et le stress permanents du quotidien en Israël ainsi qu’avec des politiques que je critiquais énormément. Je suis venu chercher la paix.” Dix ans plus tard, il l’a trouvée. Et davantage : son entreprise, Drumwalla, fabrique des instruments de percussion d’une qualité réputée dans le monde entier. C’est ainsi que, dans une atmosphère détendue, une nouvelle génération d’enfants israéliens de Goa parlant aussi bien le hindi que l’hébreu, est en train d’éclore.