« Il va tailler à la hache dans ses effectifs. Confronté à une concurrence exacerbée et à une érosion de ses abonnés sur son marché historique, le groupe de télévision payante Canal+ veut supprimer au moins 500 postes en France, soit près de 20% de ses effectifs hexagonaux, a indiqué jeudi à l’AFP une source proche du dossier. » (La Tribune)
En vérité, la chaîne cryptée née en 1984 ne crève pas à cause de la concurrence des chaînes sportives du type BeIn Sports ou SFR Sport et des plateformes vidéo du type Amazon Prime ou Netflix mais bien à cause de l’aveuglement, de l’avidité et de la médiocrité de ses dirigeants, qui ont complètement raté le virage internet – ils n’y croyaient pas et avaient encore le nez dans leur fric facile au début des années 2000 –, qui n’ont pas renouvelé leur offre, et surtout qui ont continué à pomper des mensualités délirantes aux abonnés qui voulaient échapper aux chaînes merdiques de la TNT.
Tout ça pour un contenu qui s’amenuisait, la plupart des abonnés vivant sur la nostalgie du Canal historique, un passé glorieux qui ne reviendra jamais. Adieu blockbusters, grands matches de foot et émissions originales (création numérique, documentaires pointus, talk-shows allumés). Réagissant trop tard aux nouvelles formes de consommation, et à une exigence de qualité supérieure, les dirigeants ont parié sur de vieilles recettes (le sexe à outrance, la provocation gratuite, l’humour branché stérile) pour tenter de réanimer la bête.
Rien n’y fera, la vielle carne était épuisée, elle n’avait plus d’ovaires. L’investissement tardif dans les séries, la plupart du temps fondées sur une bien-pensance suicidaire ou (mal) copiées sur les Américains, ne changera pas la donne. Que dire en outre du choix absurde de l’antilepénisme dans son positionnement politique, la plupart des abonnés étant issus des foyers de la France périphérique !
Songez qu’un abonné à Canal+ et aux chaînes thématiques payait 110 euros par mois, location du décodeur numérique comprise. Sachant que Canal+ ne remboursait même pas les 75 euros de dépôt de garantie pour le décodeur, même renvoyé au dépôt, aux abonnés dégoûtés qui se désabonnaient en cours d’année. Mieux, ils les faisaient poursuivre par un cabinet d’huissiers !
Les gros pontes de Canal, qui nagent dans l’opulence, ont tué leur poule aux œufs d’or. Le trésor des abonnés a été pillé par des salaires indécents (300 000 euros par mois pour Denisot au Grand Journal), des trains de vie princiers (les buffets de la quotidienne d’Emmanuel Chain débordaient de luxe), des indemnités monstres pour les petits copains partants ou arrivants (Lescure, de Caunes) et des investissements hasardeux à l’étranger (Italie notamment).
Alors que la chaîne était la plus riche et la plus créative des années 90, elle est devenue un centre de prolifération radioactive de la pire bien-pensance, sûre de son bon droit, hautaine et méprisante, tournant le dos à ses principes de départ qui avaient tant charmé les téléspectateurs. Le Grand Journal de Denisot avec Aphatie a été le pic de cette haine de classe (épisode avec Nicolas Dupont-Aignan).
Canal, c’est l’histoire d’un accident industriel français qui illustre parfaitement la coupure définitive entre le peuple et son élite. Nous y reviendrons dans un grand dossier.
Aujourd’hui, le plan social concerne 500 employés sur 2 800 en France, ceux de Canal+ à l’international n’étant pas touchés. Ce sont les petits qui payent les pots cassés, une fois de plus. Les dirigeants sauteront à la fin en parachute doré, tout un symbole.