Il y a quelques jours, je traversais en voiture le checkpoint de Qalandiya, pour la première fois depuis mon retour à Jérusalem. Mon père, assis à côté de moi, s’est mis à crier « Arrête-toi ici ! » alors que je me mettais dans la file, derrière une voiture au checkpoint. « Tu es trop près, dit-il, arrête-toi et attends qu’ils t’appellent, sinon ils vont te tirer dessus et ils s’en fichent. »
Quand je suis parti commencer ma vie d’étudiant il y a quatre ans, et malgré mon sentiment général d’optimisme, je n’ai jamais réellement cru que je reviendrais dans une Jérusalem en meilleure situation, plus porteuse d’espoir.
Au cours de ces quatre années, je suis revenu l’été et j’ai fini par partir avec la forte conviction que les choses ne seraient que pires la prochaine fois que je reviendrai chez moi.
Me voici maintenant de retour, quatre étés plus tard, mon diplôme en poche, et je crois que Jérusalem est pire que jamais pour ses habitants non-juifs, les Palestiniens.
Malgré cette évaluation déprimante, j’étais impatient de revenir à Jérusalem car c’est non seulement la ville où j’ai grandi, mais c’est l’endroit où je veux me lancer dans l’aventure de la vie de jeune adulte.
La peur partout
Il y a deux ans, j’écrivais sur la peur omniprésente que nous ressentons, nous, les Jérusalémites, dans notre propre ville.
Aujourd’hui, je constate avec tristesse que cette peur est encore plus intense et tangible. Ce ne sont pas les fanatiques ou les groupes nationalistes qui me préoccupent, c’est chaque israélien armé – citoyen, policier ou militaire – qui peut mettre fin à ma vie ou à celle de n’importe qui d’autre en une seconde, sans raison et sans que personne ne sourcille.
Depuis l’été dernier, la laideur de la vie à Jérusalem est manifeste. Des centaines de Palestiniens de tous âges ont été harcelés, brutalisés, arrêtés, blessés ou tués. Une ville dans laquelle la discrimination lente, régulière mais systématique d’Israël oblige les enfants palestiniens à quitter les écoles et les familles palestiniennes à quitter leurs maisons.
En avril, Maram Salih Hassa Abu Ismail, 23 ans, mère de deux petits enfants, enceinte de cinq mois, et son frère de 16 ans Ibrahim Salih Hassan Taha, ont été abattus par le staff israélien au checkpoint de Qalandiya, en Cisjordanie occupée, au nord de Jérusalem (photo ci-dessous).
Israël a affirmé qu’ils ont été tués lors d’une tentative d’attaque au couteau contre des soldats, mais des témoins oculaires ont décrit l’exécution de deux personnes qui n’ont pas compris des ordres criés en hébreu, et qui ne présentaient aucune menace pour quiconque.
La société privée en contrat avec les Israéliens pour la tenue du checkpoint a mené une « enquête interne » et s’est absoute de tout acte répréhensible.
Le frère et la sœur sont parmi les plus de 220 Palestiniens, ainsi que plus de 30 Israéliens et 2 Américains, qui sont morts depuis le début de la nouvelle phase de violence, en octobre dernier.
Et selon le groupe israélien pour les droits de l’homme B’Tselem, Maram et Ismail font partie des dizaines de Palestiniens, tués, alors qu’ils ne constituaient pas de menace, dans des meurtres « assimilables à des exécutions ».