Yann Barthès : Vous pouvez pas dire que Le Monde ou L’Obs fait du putaclic !
Jeremstar : Ben si
Yann Barthès : Vous n’avez jamais été putaclic Jeremy ?
Jeremstar : Pas sur des choses aussi graves.
À part ça Jeremstar est innocent. Il clame et crie son innocence sur TMC le jeudi 22 mars 2018, chez le très complaisant Yann Barthès qui pour une fois n’est pas l’inquisiteur que l’on connaît. Consignes hiérarchiques ou solidarité de genre, on ne s’avancera pas. Mais Jeremstar, pourtant très mal à l’aise sur la question pédophile – il se défausse sur son ex-camarade Pascal Cardonna, alias Babybel – n’aura jamais été poussé dans ses retranchements par l’animateur. C’est dommage, la vérité a parfois du mal à sortir toute seule.
Plus professionnel mais probablement aussi briefé par son avocat afin de ne pas déraper ou donner prise à l’adversité, l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy faisait face au même moment à Gilles Bouleau, le présentateur du 20 Heures de TF1. Une sorte de grand oral mais sans l’ENA, et avec le risque de plonger encore plus.
Sarkozy sort de 25 heures de garde à vue et de son silence pour affronter le premier média de France et d’Europe. Les dés ne sont pas pipés mais Martin Bouygues, le propriétaire de la chaîne privée, est aussi le grand ami de Nicolas Sarkozy, qu’il a soutenu avec toute la puissance de feu de son groupe pendant sa campagne présidentielle de 2006-2007, qui sera justement le cadre de prétendus versements en liquide d’argent libyen à Sarkozy ou à ses proches.
Peut-être le coup vient-il de plus haut encore, on pense aux macronistes qui se débarrasseraient ainsi du chef historique de la tendance atlanto-sioniste en France, celle que les observateurs de la politique profonde opposent à la tendance européiste et attaliste qui commande à Macron et à sa troupe. Enfin, ce sont des supputations, nous n’avons pas de preuves « implacables », comme le dit Gilles Bouleau à propos des trois juges qui encerclent Sarkozy.
Pourtant, Bouleau et son équipe font leur travail, et on l’entend la voix off dire :
« Après 25 heures de garde à vue, les juges ont visiblement été peu convaincus par les arguments de l’ancien chef de l’État. Ils estiment avoir suffisamment de témoignages à leurs yeux précis et étayés, peu importe l’absence de preuve matérielle implacable. »
Alors, affaire d’État c’est sûr, mais est-ce bien une affaire du chef de l’État ? Eh bien, c’était quand même lui aux commandes du pays à l’époque, merde !
« D’abord je vais vous dire la profondeur de mon indignation », commence Sarkozy, en mimant l’homme blessé mais déterminé à se défendre des accusations ignobles dont les juges et Mediapart l’affligent. Parce que toute cette affaire est partie des réseaux Plenel, dont Villepin était ou est encore l’un des grands apporteurs d’affaires. Et Villepin a été flingué politiquement par Sarkozy il y a très exactement 12 ans, à la fin mars 2006, lorsque les services (de tous ordres) de Sarkozy ont laissé et entretenu le bordel dans la rue lors des manifs anti-CPE...
Mais l’inimitié entre Villepin le chiraquien et Sarkozy ne date pas d’hier : ces deux hommes symbolisaient l’opposition à droite entre les réseaux gaullistes descendants et les réseaux atlanto-sionistes montants. Opposition que l’on retrouve aujourd’hui avec Valls – qui a repris le flambeau sarkozien – et Macron, qui tente de modifier cette alliance empoisonnée avec l’axe américano-sioniste.
Fidèle à son habitude, Sarkozy nous la joue sincérité blessée qui garde de la hauteur et qui ne s’abaisse pas à la fange dans laquelle se débattent les journalistes d’investigation.
« Je suis venu ici parce que je dois aux Français la vérité : je n’ai jamais trahi leur confiance. »
On devine aisément les sourires en coin et les premières vannes chez une majorité des 6,8 millions de téléspectateurs (record du JT depuis un an)... Car entre ce que Sarkozy raconte et la vérité, il y a tout un monde. Un exemple parmi d’autres :
« Monsieur Bouleau je n’avais connaissance d’aucun élément, puisque je n’avais pas accès au dossier. »
Nous ne sommes pas les spécialistes du dossier comme le sont les journalistes de Mediapart, Plenel et Arfi en tête, mais nous savons que depuis le début de cette affaire, Sarkozy a été mis au courant du contenu des pièces et de l’avancée de l’enquête par ses « fidèles » à la « DGSI » ou dans la haute police. En fait, c’est Sarkozy qui créera la DGSI deux ans plus tard (en 2008) en fusionnant la DST et les RG. Si l’on a choisi le mot « fidèles » c’est qu’il a été employé par Sarkozy lui-même, très inquiet des avancées de l’enquête :
Sarkozy prend soin de toujours donner l’impression de balayer les soupçons dont il peut être l’objet dans l’affaire libyenne. L’enquête judiciaire a pourtant montré depuis 5 ans une très grande fébrilité de l’ex-chef d’État et de son clan sur le dossier. https://t.co/2j38U0k1Li pic.twitter.com/YFJHXe4XuY
— Mediapart (@mediapart) 22 mars 2018
Mais dans cette affaire, celle du financement de la campagne 2006-2007 de Sarkozy par l’argent libyen, il n’y a pas, comme le précise Bouleau, de preuve flagrante. Mais une tripotée de témoignages directs et indirects qui vont tous dans le même sens : corruption.
Et on ne parle même pas de la guerre franco-libyenne qui a suivi, avec la bénédiction des Américains, en 2011. Puis l’élimination du leader Kadhafi pour des raisons très obscures – la justification morale de Sarkozy a été d’éviter un bain de sang civil à Benghazi, soit les mots de BHL – si l’on ne veut pas considérer la position française et l’intérêt du camp ou du clan sarkozyste. Une affaire d’État on vous dit, énorme et bien loin des « calomnies qui courent dans certaines rédactions » que vise Sarkozy sur TF1. C’est pourtant l’ancien président en personne qui rappelle l’affaire Bettencourt, quand des valises de billets changeaient là aussi de mains, avec des intérêts bien compris à la clé...
Sarkozy avance la raison – morale et pas du tout intéressée – de son intervention guerrière :
« J’ai été le seul chef de l’État qui a reçu les opposants de Kadhafi, qui s’est battu à l’ONU pour que nous ayons un mandat pour que ce dictateur parmi les plus sanglats qu’ait connu le 20e siècle ne puisse plus continuer à imposer la terreur à son peuple ! »
L’accusé Sarkozy rend son verdict :
« Il n’y a pas un document pas une photo pas une compte pas une preuve, matérielle, il n’y a que la haine, la boue, la médiocrité, la malveillance et la calomnie. »
Même verdict que celui de Jeremstar. Ils ont tous les deux profité des avantages de leur position, et tout leur est revenu dans la gueule. Heureusement, ce ne sont pas eux les méchants : Kadhafi pour l’un, Cardonna pour l’autre. Le reste n’est que calomnie, jalousie et compagnie.
Les 27 minutes de la défense de Sarkozy dans le JT du 22 mars sont là :