Il est des guitaristes que l’on reconnaît au bout de trois notes, Jeff Beck était de ceux-là. Attaquant ses cordes avec les doigts, jonglant avec le vibrato de sa Fender Stratocaster (bien qu’il ait plutôt commencé avec des Gibson) et le potard du volume, ses notes ne ressemblent à aucune autre, avec cette impression de tourner autour du pot, de faire glisser les sons, les prendre par-dessus ou par-dessous, ou encore d’attaquer ses notes sans volume pour leur donner une impression d’être nées sous le coup d’un archet.

Fort de son style si particulier, on reconnaissait Jeff Beck immédiatement lors de ses nombreuses interventions dans divers albums d’autres musiciens (que l’on pense à Amused to Death de Roger Waters) – un peu comme, dans un tout autre style, les participations d’un Allan Holdsworth chez Jean-Luc Ponty, Soft Machine ou Gong.

Jeff Beck débute dans le groupe britannique mythique des Yardbirds en 1965 où officièrent deux autres guitaristes célèbres, Eric Clapton et Jimmy Page. On le voit dans la vidéo ci-dessous arborer une guitare acoustique 12 cordes, ce qui n’arrivera pas souvent car Jeff jeta très jeune son dévolu sur la guitare électrique, un instrument qui le fascinait :

Je me suis intéressé à la guitare électrique avant même de connaître la différence entre électrique et acoustique. La guitare électrique semble être une planche de bois tout à fait fascinante avec des boutons et des interrupteurs dessus. Il fallait absolument que j’en aie une.

En 1967 il fonde le groupe Jeff Beck Group avec Rod Stewart, le temps de deux albums avant de spliter en 1969, ratant de peu le festival de Woodstock dans lequel ils devaient jouer. Le groupe prend alors une autre tournure, flirtant avec la soul, le rhythm and blues et le jazz, dans l’album Rough and Ready (1971) :

Vint ensuite le trio Beck, Bogert and Appice (avec le bassiste Tim Bogert et le batteur Carmine Appice) dans ces premières années de la décennie 70’. On le voit ici jouer au médiator d’une manière encore assez classique :

Les années 70’ furent enfin celles d’une longue carrière solo parsemée de nombreuses collaborations : Stevie Wonder, Stanley Clarke, Murray Head, Vanilla Fudge, Diana Ross, Mick Jagger, Carlos Santana, Phil Collins, Jon Bon Jovi, Roger Waters, Kate Bush, Joe Cocker, Ozzy Osbourne, etc.

On retrouve par exemple son style si personnel dans l’album Amused to Death (1992) de Roger Waters qui nous parle ici de son ami guitariste (« Jeff Beck est une sorte de génie, je me sens très privilégié d’avoir pu travailler avec lui ») :

Ici en 1989 dans un album studio (Jeff Beck’s Guitar Shop) avec le batteur Terry Bozzio :

Arrivé à la quintessence de son style, on peut l’entendre ici en 2007 reprendre le morceau de Stevie Wonder, Cause We’ve Ended As Lovers, jouant avec les notes de sa désormais célèbre Stratocaster :

Détenteur de huit Grammy Awards et figurant deux fois au Rock and Roll Hall of Fame, Jeff Beck est un guitariste reconnu et désormais une légende.

Hommages

« Je suis dévasté d’apprendre la nouvelle de la mort de mon ami et héros Jeff Beck, dont la musique m’a ravi et inspiré, ainsi que d’innombrables autres, pendant tant d’années. Mes pensées et celles de Polly vont à sa charmante épouse Sandra. Il sera à jamais dans nos cœurs »

« Le Guerrier à six cordes n’est plus là pour que nous admirions le sortilège qu’il pouvait tisser autour de nos émotions mortelles. Jeff pouvait canaliser la musique de l’éthéré. Sa technique unique. Son imagination apparemment sans limite. Jeff, tu vas me manquer avec tes millions de fans »

« Je ne peux pas exprimer à quel point je suis attristé d’apprendre la mort de Jeff Beck. Quelle terrible perte pour sa famille, ses amis et ses nombreux fans. Ce fut un tel honneur d’avoir connu Jeff et un honneur incroyable de l’avoir fait jouer sur mon dernier album. Vive Jeff Beck »