J’ai transmis aujourd’hui au Garde des Sceaux une demande simple : dans le cadre du projet de loi sur la moralisation de la vie publique, la LICRA souhaite que les casiers judiciaires des candidats, en plus d’être vierges de condamnations pour des délits financiers, le soient aussi de condamnations pour des délits liés au racisme, à l’antisémitisme, au négationnisme ou à une discrimination. Voici le texte que j’ai adressé aujourd’hui au ministre de la Justice.
« Monsieur le Garde des Sceaux,
Dès votre entrée en fonction, vous avez entrepris de mettre en œuvre l’engagement du Président de la République de moraliser la vie politique. Parmi les premières annonces qui ont été portées à la connaissance de nos concitoyens figure la nécessité, pour tout candidat, de disposer d’un casier judiciaire indemne de toute condamnation pour concussion, corruption, trafic d’influence, prise illégale d’intérêt, favoritisme, détournement de biens publics, recel ou blanchiment du produit de ces délits, faux en écriture publique, fraude électorale et fraude fiscale.
Cette liste, évidemment utile au bien public, comporte toutefois un oubli majeur.
En effet, l’expression du racisme, de l’antisémitisme et du négationnisme, l’apologie de crime contre l’Humanité ou du terrorisme et plus largement les pratiques qui conduisent à des discriminations ne figurent pas dans le champ d’application du texte envisagé. Pourtant, nous savons tous les effets que ces délits produisent sur la cohésion nationale et l’affaiblissement de nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.
Les élus, ou ceux qui aspirent à l’être, ont une responsabilité particulière en la matière. Leur parole et leurs actes ont vocation à l’exemplarité. Ils participent à la formation de l’opinion publique et incarnent, au regard de tous, le respect de la loi et de nos valeurs. L’application de la tolérance zéro pour les élus reconnus coupables, « au nom du peuple Français », d’avoir violé des principes aussi essentiels pour la vitalité de la République me paraît être une urgence absolue dans le contexte que nous connaissons.
C’est pourquoi, aux nom de la LICRA, je vous propose de rendre inéligibles les candidats qui auront ont été condamnés au titre des dispositions suivantes :
Injure publique à caractère racial (article 33 alinéa 3 de la loi du 29 juillet 1881)
Injure publique à caractère homophobe (article 33 alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881)
Injure non publique à caractère racial (article R. 624-4 du code pénal)
Injure non publique à caractère homophobe (article R. 624-4 alinéa 2 du code pénal)
Diffamation publique à caractère racial (article 32 alinéa 2 de la loi de 1881)
Diffamation publique à caractère homophobe (article 32 alinéa 3 de la loi de 1881)
Diffamation non publique à caractère racial (article R. 624-3 du code pénal)
Diffamation non publique à caractère homophobe (article R. 624-3 alinéa 2 du code pénal)
Provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère racial (article 24 alinéa 7 de la loi de 1881)
Provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère homophobe (article 24 alinéa 8 de la loi de 1881)
Provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère racial (article R. 625-7 du code pénal)
Provocation non publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à caractère homophobe (article R. 625-7 alinéa 2du code pénal)
Apologie de crimes contre l’humanité (article 24 alinéa 5 de la loi de 1881)
Contestation de crimes contre l’humanité (article 24 bis de la loi de 1881)
Discrimination(article 225-1 et 225-2 du code pénal)
Violences à caractère racial (article 222-13- 5° bis du code pénal)
Violences à caractère homophobe (article 222-13- 5° ter du code pénal)
Apologie de terrorisme (article 421-2-5 du code pénal)
Par ailleurs, je vous propose de rendre inéligibles les personnes ayant exercé des fonctions électives ou de direction au sein d’associations dissoutes par décret pris en Conseil des Ministres au titre des dispositions de l’article 212-1 du Code de la Sécurité intérieure.
La moralisation de la vie politique n’est pas seulement une affaire de probité. Elle est aussi affaire d’éthique républicaine. En suivant les recommandations que j’ai l’honneur de vous proposer, vous avez l’occasion de contribuer activement à la réconciliation d’un pays en proie à la tentation de la division et du repli identitaire. Surtout, vous avez l’opportunité de proclamer qu’en France, nul ne peut être élu s’il est animé par la haine.
Je me tiens à votre disposition pour échanger avec vous sur ces propositions.
Je vous prie de croire, Monsieur le Garde des Sceaux, en l’assurance de ma haute considération.
Alain Jakubowicz
Président de la LICRA »