Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a anéanti les espoirs de paix imminente que la visite au Moyen-Orient du conseiller et du gendre de Donald Trump, Jared Kushner, avait suscités chez les perpétuels optimistes. Récemment, lors d’une célébration, en Cisjordanie, des cinquante ans d’occupation israélienne, Netanyahou a clairement admis que les efforts américains pour relancer le processus de paix n’étaient qu’une vaste farce.
Il n’y aura pas de démantèlement des colonies ni d’expulsion de leurs 600 000 habitants – le minimum de ce qu’il faudrait faire pour établir un État palestinien à peine viable. « Nous sommes ici pour toujours, a assuré Netanyahou à son auditoire de colons. Nous nous enracinons, nous construirons, nous deviendrons de plus en plus forts et nous resterons. »
Alors, qu’est-ce que va devenir le nerf du conflit israélo-palestinien si la solution à deux États est morte ? La même chose qu’au début du conflit. On va avoir une nouvelle bataille éperdue de chiffres contre les Palestiniens – dans laquelle Israël se prépare à créer de nouvelles catégories de « juifs » qui viendront grossir les troupes.
La démographie a toujours été au cœur de la politique israélienne. Pendant la guerre de 1948, qui a établi un État juif sur les ruines de la patrie palestinienne, 750 000 Palestiniens ont été expulsés au cours de qu’on appellerait aujourd’hui une campagne de nettoyage ethnique. À la fin de cette campagne, la large majorité palestinienne autochtone avait été réduite à moins d’un cinquième de la population du nouvel État. Cela ne troublait pas David Ben Gourion, le père fondateur du pays. Il espérait bien noyer ce petit reste sous les juifs venant d’Europe et du monde arabe.
Mais le projet se fondait sur deux erreurs de calcul.
Tout d’abord, Ben Gourion n’a pas pris en compte le taux de natalité beaucoup plus élevé de la minorité palestinienne. Malgré les vagues d’immigrants juifs, les Palestiniens se sont maintenus à 20 % des citoyens d’Israël. Depuis, Israël livre une bataille d’arrière-garde contre eux. Selon des études, la seule manière avouable qu’a trouvée Israël pour limiter la natalité palestinienne est le planning familial.
Des manigances démographiques israéliennes ont été dévoilées la semaine dernière. Une enquête menée par le journal Haaretz a révélé qu’au cours des dernières années, Israël a dépouillé des milliers de Bédouins de leur citoyenneté ; les Bédouins connaissent la croissance démographique la plus rapide du pays. Israël prétend qu’il y a eu des « erreurs » bureaucratiques dans l’enregistrement de leurs parents ou grands-parents après la fondation de l’État.
Un autre Rubicon a été franchi ce mois-ci quand un tribunal israélien a approuvé la révocation de la citoyenneté d’un Palestinien reconnu coupable d’une attaque mortelle contre des soldats. Les associations de droits de l’homme craignent que, en le rendant apatride, le droit israélien n’ait établi un précédent qui permettra de conditionner la citoyenneté à la « loyauté ».
La ministre de la Justice, Ayelet Shaked, est d’ailleurs allée dans ce sens cette semaine en disant que les juges du pays devaient mettre la démographie et le caractère juif de l’État au-dessus des droits de l’homme.