Avant d’attaquer ce combat de boxe entre deux communautés, Belattar représentant – et là on parle pour BFM TV – les musulmans de France, Benjamin Duhamel représentant la caste Charlie, c’est-à-dire, en gros, les islamophobes ou les sionistes français, rappelons d’où vient Benjamin.
La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre. On va vérifier très vite le dicton paysan d’un certain Djougachvili avec ce débat qui a eu lieu le 20 novembre 2023 sur BFM TV. Yassine Belattar, humoriste, est l’invité de Benjamin Duhamel, fils d’un ancien président de France Télévisions et de sa journaliste pro-Charlie de mère, la fameuse Nathalie Saint-Criq qui voulait « repérer et traiter » le 12 janvier 2015 ceux qui n’étaient pas Charlie.
Le contexte : L’Express a révélé que Belattar avait été invité à l’Élysée pour parler de la situation Israël-Palestine avec des conseillers du Président, et qu’il leur avait justement glissé que la participation de Macron à la manif du 12 novembre n’était pas une bonne idée. D’ailleurs, Macron n’y est pas allé.
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Benjamin Duhamel à 16’28 : « Vos prises de position controversées ? Je vous ai cité précisément la participation à cette manifestation, le fait d’avoir animé un dîner de gala du CCIF [Collectif contre l’islamophobie en France] en 2015, le fait d’avoir eu cette phrase qui visiblement marque votre volonté de refuser de dire “Je suis Charlie”. » Plus loin : « Je souligne la volonté visiblement obstinée de ne pas dire “Je suis Charlie”. »
Belattar : « Si ça c’est pas une injonction ! »
Benjamin à 20’28 : « Je vous pose simplement la question, est-ce que vous avez échangé ces derniers jours ou semaines au sujet notamment de cette marche contre l’antisémitisme avec le président de la République ? »
Belattar : « On est en train de démontrer que quelqu’un issu de l’immigration, un Arabe ou un Noir, il a des amitiés plafonnées. Si je vous disais que j’échangeais des textos avec Kylian Mbappé, qu’est-ce qu’ils se diraient, les journalistes ? Ben oui ! Arabe-Noir, bien sûr. »
Benjamin : « Mais Yassine Belattar, pourquoi cette obsession pour le fait de ramener sans arrêt au fait que vous êtes musulman, je ne vous pose pas la question parce que vous êtes musulman... »
Belattar à 23’04 : « Je ne suis pas en train de justifier le fait d’être français, je suis en train de vous justifier que de par le fait d’être français, je ne comprends pas le traitement qui est le mien. Vous savez depuis trois jours les messages que je reçois, moi, de Français de confession musulmane que me disent : “mais si toi ils te posent la question de savoir pourquoi tu vas à l’Élysée, imagine si moi je dois rentrer au conseil d’administration de ma boîte ?” Faut arrêter ce procès, quand même, on est toujours suspects, on se balade, c’est toujours obscur. »
Benjamin : « Yassine Belattar, c’est pas parce que vous êtes musulman, arrêtez avec ça ! »
Belattar à 23’58 : « J’ai été traité d’islamiste ! »
Belattar à 24’20 : « Benjamin, ce qui est en train de se passer est déplorable, vraiment c’est déplorable. Vous ne mesurez pas parce que peut-être il y a un entre-soi parisien, mais là de Dunkerque à Marseille, jusqu’à tant bien même en Afrique, parce que vous êtes diffusés là-bas, les gens disent “mais il est où le problème ? Il est où le problème d’être consulté dans un pays ?”. Je vous pose la question assez simple : vous ressentez quand même la montée de l’extrême droite ? »
Benjamin : « Mais attendez, moi je suis pas là pour ressentir quoi que ce soit, chuis là pour essayer de poser des questions, Yassine Belattar. »
Belattar : « Ah, moi chuis un mauvais thermomètre mais vous, vous êtes un thermomètre cassé ? »
Belattar à 25’42 : « Je n’ai pas vu le Président, et deuxièmement j’ai dit, attention, parce que ça va se politiser encore plus.. Et j’ai appelé des institutions juives en disant “moi Yassine Belattar, les amis et tous les gens que je connais, on est à votre vraiment disposition pour pouvoir travailler dans un narratif commun”. »
Benjamin : « Yassine Belattar, le 10 octobre, trois jours après les attentats du Hamas, vous vous disiez offensé par la place de la France dans le conflit, c’était sur vos réseaux sociaux sur Instagram, et vous ajoutiez “nous sommes la risée mondiale du traitement médiatique des musulmans et cela aura un jour comme conséquence de voir l’extrême droite arriver au pouvoir”. Euh, quel est le rapport entre le sort des musulmans et le fait que trois jours avant, des familles entières aient été massacrées par le Hamas ? J’ai du mal à, à, à comprendre. »
Belattar : « C’est vous qui corrélez ça, ça n’a rien à voir... Vous dites que moi je dis que c’est pas normal de traiter les musulmans comme ça, et je parle pas du sort des otages du Hamas ? D’accord. [...]
Vous comprenez que à un moment les musulmans, les Français de confession musulmane, je ne vais pas dire que les musulmans, être musulman en France, c’est une particularité qu’on n’a pas dans d’autres pays. Chaque islam finit par absorber la société dans laquelle il est dans le sens, les codes, les droits, et il y a un phénomène d’adaptation. Je vous dis que depuis le 7 octobre, qu’est-ce qu’il s’est passé ? Nous sommes tous, tous, choqués parce qu’il se passe, si je puis me permettre, des deux côtés du mur. Que ce soit du côté de ce que fait Netanyahou et son gouvernement, que je distingue absolument de la population israélienne, que je trouve brillante, courageuse, puisque eux-mêmes ces derniers jours sont allés demander à Netanyahou de démissionner. Eux-mêmes depuis six mois, et je le dis, c’est le peuple le plus engagé... »
Benjamin : « Non, non, parce que vous dites “des deux côtés du mur”, vous renvoyez dos-à-dos le gouvernement israélien et le Hamas ? Vous considérez que c’est à mettre sur un pied d’égalité ? »
Belattar : « Je réitère. Il y a des gens qui sont en action, le Hamas, et il y a des gens qui sont en réaction, l’armée israélienne. Je vous dis qu’un moment, à longueur de temps on dit que Israël est une démocratie, à juste titre. Est-ce que la réaction d’Israël depuis six semaines est digne d’un pays qui se prétend démocratie ? La réponse pour moi est non. Netanyahou aujourd’hui met en péril et je vous le dis, son pays, la position des juifs de par le monde, c’est une zone géographique qui est hautement stratégique. (...)
Vous savez, y en a eu des intifadas, y en a eu des morts palestiniens, et même je vais vous dire quelque chose, le nombre de morts palestiniens aujourd’hui n’équivaut pas à ce qu’il a pu y avoir par le passé, ça n’avait pas cette ampleur. Pourquoi ça a pris cette ampleur-là ? Parce qu’aujourd’hui, ce qu’a réussi le Hamas, et c’est ce qu’ils ont réussi à faire, c’est mondialiser ce conflit. Ce conflit aujourd’hui, ce n’est plus une question géographique, c’est une guerre religieuse, et ça, ça peut précipiter l’intégralité de notre monde dans une impasse dans laquelle on ne se relèvera pas. Est-ce que moi j’ai envie de voir tous mes concitoyens par un prisme religieux ? La réponse est non. »
Tous les échanges, à fleurets de moins en moins mouchetés (le truc qu’on pose au bout des épées pour éviter de blesser l’autre), tournent autour du tabou de l’antisionisme. Habilement, Belattar n’en parle pas : il joue la carte de la lutte contre l’antisémitisme qui unirait juifs et Arabes, sans oublier la lutte contre « l’extrême droite », et notamment le RN, ce « parti créé par des nazis » (selon les mots de Belattar à la fin de l’entretien), ce qui coince le petit Duhamel, qui tente avec insistance de lui faire cracher le morceau.
Pour Benjamin, Belattar serait donc coresponsable de la non-venue du Président à la manif contre l’antisémitisme, ce qui, en creux, signifierait que Belattar est antisémite, ou à tout le moins antisioniste, et Macron aussi un peu. Sinon que ce dernier a eu peur de la réaction des « quartiers », c’est-à-dire de la communauté musulmane française. Macron, qui fait dans la dislocation du pays par communautés confessionnelles ou sexuelles, a pour une fois reculé.
Dans ce débat, chacun dispose d’un déguisement : le petit Duhamel cache les intérêts d’une caste derrière son uniforme de journaliste, et Belattar cache son antisionisme derrière sa panoplie d’humoriste. Pourtant, cette opinion n’est pas interdite : mais il est en terrain hostile. Et à la manière de sa maman qui veut du Je suis Charlie partout, Benjamin veut faire dire à Belattar Je suis Israël.
Sans être le représentant officiel (c’est Macron qui l’a « élu ») de sa communauté d’origine, Belattar ne peut pas dire Je suis Israël, il trébuche même, et ça va ravir les anti-islamo-gauchistes, lorsqu’il fait son lapsus sur l’islam qui absorbe les sociétés dans lesquelles il est introduit. Belattar demeure donc un islamo-gauchiste, opposé aux élus RN en qui il voit encore des nazis, alors qu’ils sont devenus (ou redevenus) des sionistes. Son opposition à l’extrême droite est donc la couverture de son opposition au sionisme. On pourrait alors croire que Belattar est la passerelle entre Mélenchon, la tête de proue des islamo-gauchistes, et Macron, mais pas vraiment :
« 70 % des musulmans ont voté Mélenchon. Comment il les a remerciés juste après ? Ils ont créé la NUPES, ils ont écarté tous les Arabes et les Noirs têtes de listes, pour mettre des bobos magnifiques qui t’expliquent qu’ils connaissent mieux les quartiers, nos causes et compagnie. Et je tiens à le rappeler sur un plateau quand même important, que Jean-Luc Mélenchon n’est pas le tuteur légal des musulmans en France ! »
Conclusion : Belattar est plus islamiste que gauchiste. Il y a donc des degrés sur l’axe islamo-gauchiste.
Bonus : Barbazan & Belattar contre Meyer Habib
.@ThomasBarbazan et @BelattarYassine qui ont fait une reprise de la chanson de Lorie en l’appelant “ton meyer Habib”. .
Faut sortir le son les gars vraiment c’est le tube de Noël . pic.twitter.com/xSbWTDnyCW
— Kamil Abderrahman (@kamilabderrahmn) November 22, 2023