L’intervention du Président du CRIF, Roger Cukierman, le 23 février dernier sur l’antenne d’Europe 1 nous a profondément interpellés. Son propos nous oblige à reposer la question de savoir quel est l’antisémitisme qu’il nous faut le plus redouter. L’antisémitisme traditionnel de l’extrême droite, celui de l’extrême gauche, ou celui de l’islamisme intégriste ?
[...] Chaque fois qu’un être humain est attaqué au seul motif qu’il est ce qu’il est, qu’un faible est humilié parce qu’il est faible, qu’une minorité est outragée parce qu’elle est minoritaire, c’est notre devoir de juif que de ne pas l’accepter. Ce discours humaniste, je le tiens au nom de la morale juive, mais aussi au nom de la mémoire juive, celle d’un peuple qui a trop souvent été persécuté.
Ce sont ces principes qui doivent inspirer notre position sur le Front national. En effet, lorsque nous est posée la question : « Puisque Marine Le Pen paraît attentive à la cause d’Israël, puisqu’elle a parlé de la Shoah en des termes sensibles, et qu’elle a dénoncé l’antisémitisme de l’islam intégriste, pourquoi ne pas vous rapprocher d’elle ? », nous avons le devoir de répondre que le Front national représente un mouvement qui, de l’Action française au pétainisme et au lepénisme, a toujours été intrinsèquement antisémite. Et quand bien même madame Le Pen serait une « amie » des juifs, ce qu’elle dit sur d’autres minorités de manière outrageante est incompatible avec les valeurs du judaïsme. Et c’est au nom des valeurs du judaïsme que nous avons le devoir de ne pas appeler à voter pour elle.
Aujourd’hui le pessimisme, l’inquiétude et le relativisme prévalent en Europe. Certaines de nos sociétés sont perçues comme riches et puissantes, mais vides de valeur. Il est temps pour nos sociétés de retrouver fierté et confiance, solidarité et espoir.
L’exemple du sionisme atteste qu’aucune oppression n’est irrémédiable, qu’aucun désert n’est stérile à jamais, et que l’espoir doit toujours prévaloir. Le sionisme est une région de l’esprit autant que de l’espace : une certaine idée de l’homme et de ses droits, qui s’est incarnée en Orient au moment où elle s’effondrait en Occident. Et le sionisme demeure dans sa part la moins périssable, profondément fidèle aux paroles de Theodor Herzl : « Nous ne demandons à personne à quelle race il appartient, il nous suffit qu’il soit un Homme ». Voilà qui peut faire barrage à l’inquiétude, au fondamentalisme et à la barbarie.