Le gouvernement va renégocier près de mille contrats passés avec la filière photovoltaïque. L’enrichissement des industriels du secteur rend abusives les garanties offertes par l’État il y a dix ans. Pour Rémy Prud’homme, interrogé par Sputnik, l’exécutif serait revenu de la « mythologie » des énergies renouvelables.
Bien qu’attendue, la nouvelle a secoué le secteur ! Depuis plusieurs semaines, Bercy martelait sa volonté de renégocier les contrats passés il y a dix ans par l’État avec les professionnels de l’énergie solaire. C’est chose faite. La décision a été adoptée à l’Assemblée nationale dans le budget 2021. De leur côté, les deux syndicats des énergies renouvelables (SER et Enerplan) déplorent dans un communiqué commun une « remise en cause des engagements de l’État » et un « passage en force » du gouvernement sans « réelle concertation ».
Le bras de fer entre la filière solaire et le pouvoir remonte à un amendement inséré dans le projet de budget au mois de novembre. Le texte visait à revoir les dispositifs de soutien engagés depuis 2011. Les autorités veulent abaisser le prix d’achat de l’électricité solaire fixé il y a dix ans. Une tarification prévue initialement jusqu’à l’horizon 2030. Au total, 800 contrats sur 235.000 sont concernés.
« L’inscription de cet amendement dans la loi crée une situation d’insécurité et d’incertitude très forte pour les professionnels impactés », déclarent les deux syndicats dans leur communiqué. Selon eux : « Tout le raisonnement des pouvoirs publics s’appuie sur une notion de "rentabilité excessive" qui n’a jamais été ni démontrée ni même quantifiée. »
Dès les premières discussions à l’Assemblée, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, avait annoncé que « les plus gros contrats » avec une « rentabilité excessive » étaient dans le collimateur. Au total, l’État espère récupérer 300 millions d’euros par an jusqu’en 2021.
L’État arnaqué par les rentiers du solaire ?
Déjà amorcé en 2010 par la décision d’un moratoire sur le photovoltaïque, ce projet de renégociation de la facture électrique est motivé en grande partie par le rapport à charge de la Cour des comptes de 2018. Dans leurs travaux sur la politique en faveur des énergies renouvelables, les sages de la rue Cambon pointaient du doigt les aides et garanties offertes au solaire : « Les garanties accordées avant 2011 représenteront 2 milliards d’euros par an jusqu’en 2030 (soit 38,4 milliards d’euros en cumulé) pour un volume de production équivalant à 0,7 % du mix électrique. » En d’autres termes, un gouffre financier pour moins de 1 % de la production électrique française – la part totale du solaire étant aujourd’hui de l’ordre de 2,2 %.
« Ils auront mis dix ans pour s’en rendre compte », ironise au micro de Sputnik Rémy Prud’homme, professeur émérite des universités. Selon l’auteur du Mythe des énergies renouvelables : quand on aime on ne compte pas (éd. L’Artilleur), pour faciliter l’émergence de technologies vertes, notamment le photovoltaïque, l’État avait fait adopter « un dispositif extrêmement favorable ». Ce qui explique la décision de revenir sur ces engagements.
« Le gouvernement a fait la promesse d’acheter toute l’électricité solaire produite par les contractants, y compris si EDF n’en avait pas besoin. Et le tout à un prix très au-dessus du marché, fixé à l’avance pour une durée de vingt ans », s’amuse Rémy Prud’homme. L’ancien directeur adjoint de l’environnement à l’OCDE ajoute : « Pour un industriel, c’est le pied ! Certains se sont enrichis et des rentes extraordinaires ont vu le jour. »
En 2013, dans un précédent rapport, la Cour des comptes relevait déjà le coût et l’inefficacité de la transition énergétique amorcée en France à la fin des années 2000. À travers la loi de transition énergétique pour la croissance verte portée par Ségolène Royal en 2015, la France s’engageait vers un objectif de 32 % d’énergies renouvelables dans la production d’électricité pour 2030. La loi prévoyait également de faire passer la part du nucléaire dans l’électricité de 75 % à 50 % en dix ans ! Seul moyen envisagé de compenser cette baisse, un recours redoublé aux énergies renouvelables. Face au péril climatique et atomique, nécessité fait-elle loi ?
L’hydrogène pour un futur toujours lointain
Pour Rémy Prud’homme, l’erreur des politiques énergétiques menées jusqu’ici en France en faveur des énergies renouvelables a été de « considérer à égalité les kilowattheures ». Un kilowattheure de solaire ou d’éolien n’aurait « pas la même qualité » qu’un kilowattheure hydraulique ou nucléaire. « Le plus important dans le choix énergétique, c’est la disponibilité. Or, dans le solaire et l’éolien, elle n’est jamais garantie, à cause de l’intermittence de ces énergies », précise-t-il. De même que l’éolien nécessite du vent pour tourner, le solaire a besoin qu’il fasse jour.