Il ne faut pas être un catholique particulièrement fervent et pratiquant, ni généralement un chrétien, pour se sentir concerné par l’affaire qu’a déclenchée d’abord l’exposition du sordide objet outrageant le Christ dans une galerie d’art d’Avignon, puis sa destruction par des personnes se considérant, à juste titre, dans l’état de légitime défense quant à leur croyance religieuse.
Pas plus qu’il ne faut être pour cela un théologien, un philosophe ou un penseur religieux. Il suffit tout simplement d’être une personne civilisée et d’avoir un tant soit peu de décence, ce qui, malheureusement, n’est le cas ni de l’artiste ni du galeriste qui ont, bien au contraire, franchi toutes les bornes de la permissivité.
Même si depuis longtemps la foi a déserté bien des âmes, même si les églises sont devenues pour la plupart veuves de leurs fidèles, les touristes s’étant substitués à eux, même si nous ne sommes plus saisis par la piété propre à nos prédécesseurs en présence des œuvres d’art, d’architecture, de peinture, de poésie ou de musique inspirées par la foi, il reste que nous sommes censés les ressentir comme les valeurs les plus hautes de la culture, comme autant d’expressions de l’absolu en l’homme. C’était d’ailleurs la grande idée de Malraux.
Toujours est-il que s’attaquer au Christ dont la personne s’est épanouie en la plus haute, en la plus riche, en la plus spirituelle, en la plus splendide des civilisations, comme en témoignent tant d’oeuvres dans tous les domaines de l’esprit, c’est s’attaquer à cette civilisation elle-même. C’est pourquoi dans la défense de notre héritage chrétien, assailli de toutes parts, il est nécessaire de développer l’idée du christianisme en tant que civilisation, plus précisément l’idée du génie du christianisme, pour employer le célèbre mot de Chateaubriand.
Je rêve depuis des années d’un grand colloque chrétien international à Paris qui réunirait des représentants de la chrétienté d’Orient et d’Occident et où l’on entendrait d’éminents théologiens et princes d’église, où l’on projetterait de hautes images de l’art chrétien universel, où l’on écouterait des harmonies célestes de Monteverdi, de Pergolèse, de Mozart, de Bach, où l’on réciterait les vers de Dante, de saint François, de Milton, de Niegoch, de Claudel, ainsi que les hymnes de saint Nikolaï, où l’on lirait, entre autres, des extraits de Pascal, de Bossuet, de Dostoïevski.
La meilleure défense et illustration du christianisme constitue ses œuvres elles-mêmes : il suffit d’animer et d’organiser ce combat.