À l’inverse du roi de France, qui détient son pouvoir de Dieu, le président de la République française peut être amené à répondre de ses manquements aux intérêts du peuple français. La lettre de la Constitution du 4 octobre 1958 qualifiait ces faits de haute trahison : « Le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison » (article 68 [1]).
Cette disposition était dépourvue d’utilité lors de l’exercice du pouvoir par le Général De Gaulle, qui, malgré quelques évidents défauts, a rendu à la France son indépendance en la dotant d’infrastructures solides, d’une industrie prospère, d’un pouvoir diplomatique et militaire conséquent et d’une monnaie solide. Elle aurait pu servir en revanche sous Giscard, l’homme qui a convaincu le président Pompidou, fatigué par la maladie, de brader en 1973 la souveraineté monétaire française aux banques privées. Politique continuée par Mitterrand avec la signature et la ratification du traité de Maastricht en 1992.
Certes, la procédure de sanction pour haute trahison ne pouvait être mise en œuvre que par un vote des deux assemblées. Or, depuis la Constitution de la Cinquième République, le Parlement est sous la coupe de l’exécutif. Il y avait donc assez peu de chances que cette infraction soit jugée par la Haute Cour de justice, dont l’indépendance laisse par ailleurs dubitatif.
Néanmoins, les mots ont un sens et une charge symbolique. Il est bon qu’un président sache que les actes de traîtrise puissent être sanctionnés. Il n’est d’ailleurs pas anodin que cette infraction ait été supprimée juste avant l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, l’homme qui a annihilé le peu d’indépendance qui restait de la France. Trois actes de traîtrise majeurs : soumission intégrale aux intérêts impériaux par la réintégration du commandement intégré de l’OTAN, vente d’une partie de l’or français aux Américains et négation de la démocratie populaire par la ratification parlementaire du traité de Lisbonne.
Depuis la loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007 [2], la notion de haute trahison est purement et simplement supprimée du texte constitutionnel pour être remplacée par : « Le Président de la République ne peut être destitué qu’en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat » (article 68 nouveau [3]). La raison donnée pour la suppression était le manque de précision du terme « haute trahison » – précision qui aurait été très bien pu être donnée par le Conseil constitutionnel – et le risque de retoquage par la Cour européenne des droits de l’homme. Il est vrai que le terme « manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice du mandat » constitue une dénomination nettement plus claire que la mention « haute trahison ».
Nul doute que le président Hollande n’aura pas à faire l’objet d’une telle sanction, les deux assemblées étant tenues par l’UMPS, dont les différences se comptent sur les doigts d’une main. Réactiver la procédure de sanction pour haute trahison par le biais d’un référendum serait nettement plus démocratique. D’autant que les sujets ne manquent pas : « mariage pour tous », abandon de la souveraineté budgétaire à Bruxelles, guerres impériales contre le Mali et indirectement la Syrie, etc.