Deux nuits d’émeutes, deux morts, des centaines de blessés parmi les émeutiers et les forces de l’ordre, la Macronie en panique après le vote de sa loi sur la réforme du corps électoral, un haut-commissaire qui parle de « guerre civile » : c’est le chaos en Nouvelle-Calédonie.
Et il y a de quoi : des dizaines de milliers d’armes aux mains des groupes d’autodéfense, des milliers de jeunes de 15 à 25 ans qui veulent en découdre, à peine retenus par les responsables indépendantistes, on dirait un décalque en plus violent des émeutes de banlieue de juin 2023.
Magasins et usines en feu, mairies attaquées, les FDO ne savent plus où donner de la tête, et répliquent à balles réelles. En face, c’est fusils de chasse à chevrotine et carabines à balles, selon Le Monde. Le tableau est noir.
En #NouvelleCalédonie , la situation vire à la guerre inter-ethnique sur fond de racisme ant-blanc !
On compte déjà 2 morts et des centaines de blessés dont plus d'une centaine de policiers et gendarmes !
Le seul "appel au calme" qu'il faut, c'est l'armée ! pic.twitter.com/bhYa6yE8np— Gilbert Collard (@GilbertCollard) May 15, 2024
La problématique indépendantiste n’a jamais été vraiment résolue en Nouvelle-Calédonie, et Macron, même s’il n’est pas à l’origine du conflit entre Kanaks et « Européens », récolte ce qu’il a semé : il a proposé à ce territoire un référendum d’autodétermination (il était programmé pour 2018), alors que les indépendantistes ne forment pas la majorité des électeurs (40 %).
Et la réforme du corps électoral, où 20 % des habitants ne votent pas (de plus, les listes ne sont carrément pas à jour), n’a rien arrangé puisqu’elle va ajouter des milliers de nouveaux votants, en majorité non kanaks.
Cerise sur le gâteau, les dernières élections nationales (présidentielles) ont été boycottées par les indépendantistes. La situation politico-sociale était déjà au bord de l’explosion.
À force de dire tout et son contraire, on se retrouve avec les deux camps contre soi. En juillet 2023, Macron botte en touche devant les questions des journalistes, qui traduisent l’angoisse des habitants sur leur avenir : si le camp loyaliste a gagné les 3 scrutins, le camp indépendantiste se sent lésé. Ce qui veut dire que les racines du conflit plongent plus profond dans l’histoire de l’île.
La gauche, dans la foulée de la politique de François Hollande (2012-2017), a misé sur les indépendantistes dans un esprit de « décolonisation ». La situation est inextricable, car les Kanaks sont minoritaires : la démocratie « démographique » ne peut que leur donner tort.
Admirable plaidoyer d'André Chassaigne (PCF) contre le grand remplacement : "Ne vous inscrivez pas dans un processus de colonisation qui consiste à mettre en minorité un peuple sur sa propre terre"
#NouvelleCaledonie
pic.twitter.com/5y8aKQkHZH— Baudouin Wisselmann (@Baudouin_wissel) May 14, 2024
Nouméa, qui avait été épargnée par les événements de 1984, qui s’étaient achevés dans le sang avec l’assaut donné dans la grotte aux otages, est aujourd’hui menacée. Sa population est constituée de trois-quarts de Blancs et d’un quart de Kanaks. Le problème calédonien est donc ethnico-social.
Le Monde explique la complexité du corps électoral néocalédonien
Le casse-tête vient du fait que le territoire compte trois corps électoraux différents, nés des grands accords politiques de Matignon (1988) et de Nouméa (1998) entre la droite caldoche du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR) et les indépendantistes du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) : la liste « générale » qui obéit aux règles communes à tous les Français pour les élections présidentielles, législatives ou encore européennes ; la liste « spéciale pour les provinciales », plus restreinte et dépendant d’une durée de résidence minimale de dix ans à la date du scrutin ; enfin la liste « spéciale pour les consultations » référendaires sur l’indépendance, réduite elle aussi, sur d’autres critères.
Le Conseil constitutionnel avait décidé en 1999 que voteraient aux provinciales les électeurs présents depuis dix ans sur le Caillou à la date de chaque scrutin. Mais Jacques Chirac, en 2007, a entrepris de réviser la Constitution pour figer le corps électoral, en excluant tous ceux qui ne résidaient pas en Nouvelle-Calédonie depuis dix ans en 1998, au nom du respect des accords passés avec les Kanak.
Le gouvernement affirme que ce gel conduit désormais à exclure un citoyen sur cinq du vote. L’élargissement prévu ajoutera selon lui 12 400 personnes nées sur le Caillou et 13 100 résidents inscrits depuis dix ans sur la liste générale, soit 14 % d’électeurs supplémentaires.
Le point de vue de Laurent Ozon
Nouvelle Calédonie. Les autochtones manifestent contre une réforme constitutionnelle qui élargirait le droit de vote à des résidents arrivés chez eux depuis moins de dix ans. Si une telle réforme était proposée en France métropolitaine, la droite serait contre cet élargissement du droit de vote, mais pourtant elle appelle à la répression de ces manifestants en Nouvelle Calédonie. En France métropolitaine, la gauche serait favorable à cet élargissement du droit de vote, mais curieusement en Nouvelle Calédonie, elle soutient ou défend les manifestants. Bref, comme d’habitude, ces gens sont des adeptes du double standard.